Mort d’Igor Bogdanoff, six jours après son frère Grichka. Leur interview posthume…
« On se voit tous les jours, mais on ne vit pas ensemble. »
Par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon) Igor Bogdanoff vient de mourir du Covid-19 à 72 ans, six jours seulement après son frère Grichka. Nous avions rencontré les célèbres jumeaux, que Jacky, du Club Dorothée, avait interviewés pour nous. Ils se confiaient sur leur enfance, leur carrière et leur vie, le tout avec un humour décapant qui les caractérisait si bien…
Jacky : Bonjour, c’est Grichka ?
Grichka Bogdanoff : Yes !
Où est Igor ? Il va arriver ?
Grichka : Il va arriver dans quelques instants. Mais tu sais, comme il y a une ambiguïté profonde sur les jumeaux, on ne sait jamais lequel est lequel.
Alors justement, qui est qui ?
Grichka : Ça aurait pu être Igor et en réalité c’est Grichka. Quand j’ai fait Fort Boyard, je vois une dame arriver vers moi avec son chien en lui disant : « Regarde, il est là, tu le reconnais ! » Tout d’un coup il me regarde. Et là, la dame le félicite et lui dit : « Mais oui, ce sont les frères Bogdanoff ! », alors que j’étais tout seul. (Quelqu’un entre…)
lgor, tu es né quarante minutes avant Grichka…
Igor Bogdanoff : Sans doute.
Tu lui en veux d’être né quarante minutes avant toi ?
Grichka : En définitive, on n’en sait rien. Quarante minutes ça fait une grosse différence, mais comme on ne sait pas lequel des deux c’est…
Comme votre nom l’indique, vous êtes gersois ?
Grichka : Oui, notre nom l’indique… et notre physique aussi.
Igor : On est gascons.
Vous êtes donc « gascons coiffeurs » ?
Igor : Avec les cheveux qu’on a, on l’est forcément.
Est-ce que vous portez des perruques ?
Grichka : Non, mais tu sais qu’on a des cheveux extraterrestres. Nous sommes nés extraterrestres. Quand on nous demande le secret de nos origines, on répond toujours : « Nous venons d’ailleurs. » Et c’est vrai !
Vous avez un grand-père noir…
Grichka : Notre grand-père est tellement noir qu’on ne le voit pas. (Rires)
Vous auriez pu être noirs…
Grichka : Ou en damier, comme un jeu d’échec. En fait, on n’est pas en damier, on est en rayures. Moi je suis rayé de noir sur fond blanc et Igor est rayé de blanc sur fond noir.
Qui est le plus intelligent ?
Grichka : Ni l’un, ni l’autre. Nous sommes très bêtes tous les deux. (Rires) On passe pour être un peu intelligents, mais quand on est deux seulement. L’un sans l’autre ça ne fonctionne pas, à cause des problèmes de rayures.
Qui est le plus beau ?
Grichka : On a passé le stade du miroir dès 3 ans pour une raison très simple : le miroir naturel est là, donc c’est pas la peine de se regarder dans une glace. Quand je le regarde, je me regarde.
Igor : C’est ce qu’on appelle une symétrie miroir en mathématiques.
Et avec les filles, qui de vous deux a été le plus précoce ?
Grichka : Toi tu as perdu ta virginité à 13 ans…
Igor : Non, c’était un flirt et en plus je n’étais pas vraiment consentant.
Comment s’appelait-elle ?
Igor : Lionelle…
Lionel ? Tu t’es fait violer par un mec de 13 ans ?
Igor : Non, Lionelle au féminin.
Et qu’est-ce qu’elle devient Lionelle ?
Igor : Elle chasse le caribou au Canada.
Grichka : Moi c’était à 15 ans, lors d’un bal costumé. Je portais des fausses moustaches et une fille m’a embrassé tellement fort qu’elle est repartie avec. Ça m’a laissé un souvenir fort.
Vous avez intégré tous les deux une école militaire à 9 ans ?
Grichka : C’est vrai. Je vais te dire quelque chose de très important, c’est la devise de l’école : « Je ne cherche pas à convaincre de l’erreur mon adversaire mais à me rapprocher de lui dans une vérité plus haute. »
Qu’est ce que tu as retenu de l’école militaire ?
Grichka : Deux choses. Déjà le froissement des soutanes qui frôlaient le sol à 4 heures du matin pour s’assurer que personne n’était sorti du dortoir où nous étions enfermés à double tour. Deuxième chose : il y avait le fait qu’on faisait le mur tous les matins pour aller observer la lune et les étoiles.
Toi, Grichka, tu es célibataire et sans enfant ?
Grichka : Igor : 6 enfants, Grichka : 0. Igor : 3 femmes, Grichka : 0. Pour l’instant, ça fait 6-0 et 3-0, il faut voir le troisième set.
La télé, c’est venu comment ?
Grichka : Un énorme coup d’audace. À 18 ans on écrit notre premier livre, publié quand on avait 20 ans. On va voir à ce moment-là Yves Mourousi, c’était en 1975.
Après Jésus-Christ ?
Grichka : Oui ! On débarque à TF1, on force le cordon de sécurité et on monte directement au journal de 13 heures pour le voir en lui disant qu’on devait faire une télé pour notre livre.
Vous aviez déjà ces looks ?
Grichka : Oui, nous sommes nés extraterrestres. Il nous a demandé si on était libres le lendemain et on a fait le journal. On a été remarqués par le directeur de l’information de l’époque. On nous propose de faire une série dans l’émission d’Yves Mourousi Bon appétit. En quatre émissions on est devenu populaires, et le président de TF1 nous a proposé d’avoir notre propre émission. Et en avril 1979 est né Temps X.
Vous avez participé à Fort Boyard… Il est sexy le Père Fouras ?
Igor : C’est une question qu’on ne se pose pas à son égard car c’est un être spirituel.
Et pour Danse avec les stars, vous avez été sollicité ?
Igor : À plusieurs reprises, oui…
Vous allez être en tutu et en chaussons de danse ?
Grichka : Nous réfléchissons, mais il est évident qu’à l’instant où nous vous parlons dans cette interview, nous n’avons pas encore pris notre décision. (Rires)
C’est une question d’argent ?
Grichka : Non, je ne crois pas, nous sommes très détachés de ce genre de chose. Cela dit, nous dansons très bien la valse. Mais je me suis rendu compte au cours des essais qu’il n’y avait pas beaucoup de jeunes filles qui la dansaient.
Et toi Igor, tu danses quoi ?
Igor : Moi, je danse la polka.
Vous êtes aussi musiciens ?
Grichka : Tous les deux. Moi je chante et joue de la guitare et Igor chante et joue du banjo, ce qui est quand même rare.
Igor, tu joues du banjo en dansant la polka ?
Igor : Non, l’un exclut l’autre.
Cyril Hanouna a fait une chanson sur vous ?
Grichka : Oui, c’est parti du Big Bang. On était dans son émission et il nous demande si le Big Bang, ça fait du bruit. On lui a répondu que oui, que ça faisait même une sorte d’harmonie musicale. À partir de là, il nous chante : « Big Bang, Bogda, Big Bang, Bogda Bogdanoff… » Et voilà, c’est né comme ça, en direct !
Vous vous voyez souvent ?
Igor : On se voit tous les jours, mais on ne vit pas ensemble.
Igor tu as un diplôme en sémiologie, c’est quoi ?
Igor : La sémiologie c’est la science extensible des signes, autrement dit les signes émis par le réel. Par exemple, la façon dont on est habillé ça correspond à une sémiologie.
Et toi Grichka, tu es diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et docteur en mathématiques ?
Grichka : Oui, c’est vrai.
C’est le seul truc vrai depuis le début de l’interview, non ?
Grichka : Absolument ! En fait, l’Institut d’études politiques est très important parce que c’est lui qui m’a permis de structurer ma vision du monde.
Très bien ! Le mot de la fin ?
Igor : Ça sera celui du début. Nous avons Grichka et moi une devise qui est « Mémoire, savoir, espoir ». La mémoire c’est justement la projection de l’espoir vers l’avenir. Donc mémoire… Savoir car il faut connaître, nous voulons savoir. Et espoir d’aller toujours plus loin.
Et toi Grichka, le mot de la fin ?
Grichka : Écoute…
Merci Grichka ! Tu as quelque chose à ajouter ?
Grichka : Non, « Écoute… » avec trois points de suspension, c’est parfait comme mot de la fin.