Marathon Pour Tous : Je l’ai fait, j’ai participé aux JO, je vous raconte tout !

12 août, 2024 / Thibaud Vézirian

Un moment pour l’Histoire. Pour la première fois pendant des Jeux Olympiques, une épreuve s’ouvrait au grand public. Le Marathon Pour Tous accueillait samedi soir 20 024 participants sur le 42km195 et 20 024 coureurs sur le 10km. J’ai couru l’épreuve reine, je vous raconte tout depuis les coulisses.

Quatre mois de préparation. Des kilomètres et des kilomètres dans les jambes. Plus de 3 litres d’eau par jour, des repas un peu mieux calibrés que d’habitude. Je ne suis pas un athlète, juste un simple sportif régulier mais j’essaye de mettre toutes les chances de mon côté. Le Marathon, je connais un tout petit peu, j’en ai déjà couru deux. Ça ne se prend pas à la légère. Cela peut vite devenir une galère. D’ailleurs, ce samedi soir, je me rends vite compte que certains sont venus pour la « fame », la gloire, la photo Instagram et rien d’autre… Ils vont vite déchanter. Près de 3000 abandons. Ce tracé difficile, à découvrir ici dans ma vidéo récap, n’avait rien d’un parcours de santé.

Le Marathon Pour Tous, rebaptisé MPT dans bon nombre de groupes Whatsapp de runners impatients d’en découvre. Samedi 10 août, le rendez-vous est pris, j’ai obtenu un dossard via les précédentes courses du Team Orange Running, parrain de l’épreuve. La marque a réussi en quelques années à fédérer un nombre impressionnant de sportifs autour de la course de pied, pour des résultats spectaculaires et un dynamisme fou sur les réseaux sociaux.

Plaisir et pression sont au rendez-vous ce samedi 10 août. Ma préparation a été tronquée : deux courses par semaine (seulement) et un dernier mois de juillet avec pas mal de repos, conséquence d’une douleur type sciatique qui peine à partir… « J’y vais mais j’ai peur«  comme dirait l’autre…

Samedi 10 août, 20 heures. 40 048 participants débarquent dans le centre de Paris pour s’élancer, quelle effervescence ! Des dossards Orange partout, des personnalités, sportifs ou ex-sportifs amis… J’ai plaisir à croiser furtivement les copains Rio Mavuba, Yanis Sport ou l’ex-rugbyman Benjamin Fall. Personne ne sait comment il va vivre cette course intense mais les sourires sont là. Il fait chaud, les SAS de départ se remplissent. Des positions aléatoires dans les SAS, car ce soir, le but est de participer. C’est simple, il n’y aura pas de classement général.

À partir de 21 heures, les premiers chanceux percent la foule. Nombreuse. On se croirait sur une étape du Tour de France.

La première épreuve ouverte à tous de l’histoire des Jeux est lancée. De 16 à 95 ans, venus de 127 pays, tous les types de coureurs sont là. C’est historique. Toutes les dix minutes, une vague de départs est donnée. Je dois attendre celle de 21h50-21h55 pour effectuer mes premières foulées, chaudement blotti dans la masse.

21h55. Petit pincement au coeur, c’est parti. La montre est enclenchée, les gels et pâtes de fruits sont rangés par ordre d’utilisation dans ma ceinture de course. Ma bouche est déjà un peu sèche, il faudra attendre le premier ravitaillement aux 5km. Le bruit dégagé par la foule, massée le long des barrières, est dingue. Des touristes du monde entier. Avec nos prénoms sur nos dossards, les gens nous interpellent, encouragent, tendent les mains pour nous donner de la force. Intenses émotions dés le départ.

Sur le même parcours que les athlètes olympiques, nous voilà à touche-touche dans les rues de Paris pour ces premiers kilomètres. Direction la Bourse, l’Opéra, puis la place Vendôme… Retour rue de Rivoli, le long des Tuileries, la foule est immense. C’est galvanisant, électrisant. On aperçoit cette vasque olympique à côté de nous : moment magique, les frissons. Je cours un peu au-dessus de l’allure prévue, toute cette ambiance donne du pep’s. Même si cela ressemble aussi à un slalom, car la foule de coureurs est compacte. Très compacte. Quelques goulots d’étranglement, on en est même réduit à marcher quelques mètres. Je n’ai pas prévu d’exceller mais j’aimerais terminer ce marathon en moins de 4 heures. J’ai besoin d’un défi pour avancer, repousser mes limites.

Près de la Pyramide du Louvre puis sur les quais de Seine, avant même le 5e kilomètre, beaucoup s’arrêtent pour se prendre en photo, faire des vidéos et immortaliser ce moment unique. Les rues de Paris sont à nous, les monuments les plus mythiques nous sont offerts. Géant.

22h46. 10e kilomètre. 56 minutes pour boucler les dix premiers kilomètres, j’espérais démarrer un peu mieux mais le plaisir est total. On oublie vite le défi sportif. Place aux souvenirs, au kif, comme on dit. La route ne désemplit jamais et les embouteillages de début de course ont fait perdre du temps. Mais la foule en bord de route reste toujours aussi nombreuse et bruyante : hommes, femmes, enfants, munis de pancartes et mégaphones. Pas mal de panneaux « champignons » ou « étoiles magiques », référence à Mario Kart. Quand ce ne sont pas des groupes de musique qui animent les abords… Voilà le sport qu’on aime.

23h13. 15e kilomètre. Une immense ligne droite de Paris à Boulogne Billancourt puis à Sèvres nous amène vers les premières difficultés du parcours. Pour rappel, nous, simples athlètes du dimanche (pour la plupart) sommes engagés sur le tracé des athlètes olympiques. Le même. Et cette année, le Marathon est qualifié de « plus dur de l’histoire des Jeux« , avec des côtes jusqu’à 17% de dénivelé. Heureusement, avec une telle chaleur, les organisateurs ont eu la bonne idée de rajouter des ravitaillements : tous les 2,5km. Merci !

Dés le 16e kilomètre, la route s’élève. De Sèvres, direction Ville d’Avray puis Versailles. Des pentes à 7-8% qui cassent déjà les jambes. Les sourires sont moins nombreux. Je croise l’ex-nageur Camille Lacourt, en difficulté dans la première montée, beaucoup l’encouragent. Tout le monde est solidaire, dans la même galère.

0h10. 25e kilomètre. J’ai passé la mi-parcours sans trop de douleurs, ma blessure type sciatique me laisse tranquille, le plaisir est total. Mon coéquipier (c’est toujours mieux de courir accompagné) a cédé mais je trouve des camarades d’allure fréquemment. Les premières côtes, travaillées à l’entraînement, sont bien mieux passées que lors de mes sorties solo… Quelle joie ! Mais le plus dur commence. Non pas le fameux « mur des 30km », dont tous les Marathoniens parlent, car je ne l’ai jamais rencontré ! Mais pire : la route du pavé des gardes, entre Chaville et Meudon, pour revenir à Paris et boucler la boucle.

Cette côte est terrible, un mur, un vrai ! À partir du 26e kilomètres, ça monte, ça monte. Fort. Beaucoup s’arrêtent, marchent, mettent les mains sur les hanches, voire sur les genoux. Ça donne terriblement envie de s’arrêter aussi. Les arceaux lumineux, type Mario Kart, sont magiques mais on peine à vraiment profiter du moment. Les jambes piquent. Je diminue fortement la cadence, le visage se crispe, le gel « coup de boost » avalé 20 minutes avant fait-il vraiment effet ? Je me le demande franchement. Mais le sommet n’est plus si loin et les encouragements en bord de route font le plus grand bien. Il faut serrer la dent. Ensuite, ça descend.

0h39. 30e kilomètre. Le plus dur est fait, soi-disant. Nous voilà lancés dans une folle descente vers Paris, sur plusieurs kilomètres. Certains coachs ont prévenu : ne pas s’emballer, sous peine de le payer fortement par la suite. Courir vite en descente fait mal aux articulations et casse énormément de fibres musculaires. Danger. Personnellement, je préfère largement les descentes aux montées. Donc j’y vais franco, je me connais. Et je peux rattraper un peu de temps perdu. La vue sur la Tour Eiffel donne de la force. Dans quelques kilomètres, nous passerons à ses pieds.

1h05. 35e kilomètre. Voilà quelques minutes que j’ai mis les écouteurs, besoin de casser ma routine de course. J’avais préparé quelques morceaux entraînants, ça me fait du bien. Je les enlèverai finalement peu avant le passage devant la Tour Eiffel, afin de profiter pleinement de l’ambiance de la fin de course. Les jambes sont durs, je diminue un peu l’allure. Mais mon objectif « moins de 4 heures » reste totalement envisageable. Je dois boucler 7 kilomètres en 40 minutes. En temps normal, je réalise ça plutôt facilement. En fin de marathon, rien de sûr… Il va falloir cravacher, ne rien lâcher. D’autant qu’une alerte musculaire m’inquiète particulièrement : en me baissant ramasser un gel échappé par terre, les ischios-jambiers de mes deux jambes se sont raidis d’un coup ! Heureusement, je repars sans plus de dommages…

1h35. 40e kilomètres. Je viens de passer la Tour Eiffel, moment gravé dans ma mémoire pour l’éternité. J’en ai presque les larmes aux yeux. Avec ses anneaux olympiques accrochés, cette foule dense encore présente si tard dans la nuit et cette lumière parfaite, je vis un moment d’extase. Mes jambes ne sont plus le souci. C’est un cadeau de la vie de pouvoir être là ce soir parmi les 20 024 participants. Il reste 2km195, je n’ai plus qu’à gérer ma fin de course pour arriver dans les temps de mon objectif. Je savoure.

1h46. 42km195, l’arrivée. Après la Tour Eiffel, les Invalides. De toute beauté. Ce tapis bleu, ces sourires, cette ligne d’arrivée. Je l’ai fait. Mon corps et mon esprit ont tenu le choc. C’est historique. Devant moi, une demande en mariage, des rires, des pleurs, des embrassades ! Des sportifs de tout niveau réunis pour la première fois de l’Histoire sur une épreuve olympique. La France l’a fait, bravo Paris 2024.