Entretien avec Fabrice Sopoglian, ex-parrain des Anges de la Téléréalité

Entrevue 1

« Quand j’ai interviewé Johnny Hallyday, il se savait malade, mais il le cachait encore. »

Fabrice Sopoglian est connu pour avoir été le parrain des Anges de la téléréalité, sur NRJ 12. Installé à Los Angeles, il a filmé les derniers mois de la vie de Christian Audigier, le célèbre couturier ami des stars et de Johnny Hallyday, décédé en 2015 d’un cancer foudroyant. Ce documentaire, Le Vif, est désormais disponible en France. Interview.

Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)

Jérôme Goulon  : Ton documentaire, Le Vif, consacré à Christian Audigier, est enfin distribué en France…
Fabrice Sopoglian : Oui ! Le documentaire a eu une belle aventure internationale. Il est d’abord sorti aux USA, et il a eu une quinzaine de prix dans le monde. Il a ensuite été distribué sur de grosses plateformes, et j’attendais de le sortir sur les plateformes, ici en France. Bizarrement, c’est en France que ça a été le plus difficile de trouver des distributeurs, alors que Christian Audigier était français. Mais il est finalement enfin sorti sur Canal+ VOD, Amazon et iTunes. Il a très bien démarré.

Parle-nous de ce documentaire…
C’est un documentaire sur la vie de Christian Audigier. On s’était rencontrés au concert de Johnny Hallyday, et je l’ai revu chez lui. Puis il m’a appris brutalement qu’il était très malade, qu’il avait le cancer, et qu’il allait se battre. De là, il m’a dit qu’il aimerait bien qu’on fasse un documentaire sur sa vie. C’était un rêve pour lui. L’aventure a commencé comme ça. On s’est associés, et je l’ai filmé trois mois. Il est tombé de plus en plus malade, puis il est mort…

Donc tu as filmé sa fin de vie, pendant trois mois ?
Oui, car dès qu’il a commencé la chimio, puis le traitement et le transplant, il est vite retourné à l’hôpital, donc j’ai filmé Christian très souvent l’hôpital. Mais quand il est décédé, c’était compliqué. Il y a beaucoup d’images que j’ai gardées et que je n’ai pas diffusées, par rapport à sa famille et ses enfants. C’était vraiment très dur. Mais c’est lui qui voulait absolument que je le filme jusqu’à la fin. Sauf les derniers jours de sa vie, où là, il s’est rendu compte que ça allait être dur pour lui. Il avait du mal à parler. Je lui ai dit de s’accrocher. Mais il a eu une infection de partout. Tous les organes étaient attaqués. Il a alors réalisé que c’était la fin, et il m’a demandé de lui promettre de finir le documentaire.

Quand est-ce que tu l’as vu pour la dernière fois ?
Le dernier échange que j’ai eu avec lui, c’est quand sa femme, Nathalie, m’a dit de venir le voir dans sa chambre d’hôpital. On a été le voir. J’en rigole nerveusement, car son premier réflexe, ça a été de me dire : « Elle est où, la caméra ? » Il retirait son masque à chaque parole pour pouvoir parler, et il m’a dit de finir absolument le documentaire. C’était très émouvant…

Pourquoi a-t-il tenu à être filmé jusque dans ses derniers instants ?
Il était comme ça, Christian. Il n’avait pas de pudeur là-dessus. Je crois qu’il voulait ce documentaire, car il avait très peur de mourir et qu’il voulait un bel hommage. Certaines personnes ne l’ont pas compris et ont cru que c’était un business pour moi, pour buzzer. Mais c’est vraiment lui qui voulait ça. Ce n’était pas facile. Il fallait oser le suivre. C’était un moment de sa vie où il était tendu, il avait des doutes, il allait mal, il souffrait… Et puis il avait surtout peur que ça se termine mal. Il a fallu vraiment être complice avec lui.

Il avait peur de la mort ?
Oui, Christian Audigier avait très peur de la mort. Il pleurait beaucoup. Il n’avait pas du tout envie de partir. C’était quelqu’un qui aimait vraiment la vie. Il avait envie de faire plein de choses. Il aurait voulu vaincre le cancer, monter une association, faire une première au Festival de Cannes avec cette association qu’il aurait montée contre la leucémie. Il imaginait tout ça déjà… Remonter la pente, il savait faire ! Dans sa vie, il était sorti de prison, il s’était retrouvé à la rue, puis il avait remonté la pente et avait fait des millions. Donc son schéma, c’était ça : pouvoir montrer aux gens qu’on peut s’en sortir.

Ça a été dur pour toi ?
Oui. Ça m’a beaucoup affecté. À la base, ce n’était pas mon meilleur ami. Mais quand tu passes trois ou quatre mois 24h/24 chez quelqu’un, tu t’attaches. Tu deviens pote.

Que veux-tu qu’on retienne de lui ?
C’est le message qu’il donne plusieurs fois : il vivait comme un « vif ». Il ne se posait pas de questions, il kiffait au maximum, en sachant qu’à tout moment, ça pouvait s’arrêter, que ce soit son succès ou sa vie. Avec lui, c’était très rock ’n roll, à la Johnny Hallyday. Je me souviens, on avait fait un dîner avec Johnny, et Johnny, c’était ça : rouler vite en moto, sans casque, savourer le moment présent et ne pas penser au lendemain.

Tu as également filmé Johnny dans ce documentaire…
Oui, je voulais vraiment avoir Johnny, qui était très pote de Christian Audigier. Je l’ai contacté directement. Il m’a répondu tout de suite, lui-même, sans intermédiaire. Et ironie de l’histoire, quand j’ai fait l’interview de Johnny, il venait d’apprendre qu’il avait le cancer, mais je ne le savais pas à l’époque, il ne le disait à personne. Donc il était très mitigé à vouloir parler de la maladie, mais il a quand même fait le documentaire. C’était dur pour lui.

Il avait peur lui aussi de la mort ?
Quand j’ai interviewé Johnny Hallyday, il se savait malade, mais il le cachait encore. Sa maladie n’avait pas été rendue publique. Quand il est venu rendre visite à Christian à l’hôpital, il m’a confié dans l’ascenseur : « Moi, les hôpitaux, je ne supporte pas. Je viens le voir parce que c’est mon ami, mais je déteste. » Sachant après coup qui lui aussi avait le cancer, je comprends mieux sa réaction.

Ça fait quoi de te dire aujourd’hui que les deux sont partis ?
C’est dur. C’était deux personnages attachants et emblématiques, deux légendes. Avec eux, il n’y avait pas de demi-mesure. Christian, il t’aimait ou il te détestait. Johnny, c’était pareil. Quand j’ai dîné avec lui, tu sentais que c’était quelqu’un de timide. Il ne te regardait pas beaucoup. Et puis dès qu’il commençait à t’apprécier, il se laissait aller.

Que voudrais-tu dire aux gens pour qu’ils aient envie de voir ton documentaire ?
C’est une belle histoire. On découvre Christian. On l’a connu très superficiel, notamment dans les interviews qu’il donnait aux télévisions françaises. Là, on le voit beaucoup plus dans l’intimité, proche de sa famille. On le retrouve dans des moments de doute comme on ne l’a jamais vu. Il y a un vrai message, un message de non-retour. C’est une belle histoire. Mais ce n’est pas juste la success story d’un mec. C’est l’histoire d’un personnage qui a tout, mais qui à la fin, se pose des vraies questions. On se dit que le succès, l’argent, la célébrité, ce n’est rien sans la santé. On ne peut pas acheter le temps quand on est malade. Et ça fait réagir. Christian mérite qu’on le voie comme on ne l’a jamais vu.

Tu as gardé contact avec sa famille ?
Je suis resté proche avec son neveu, Vincent Audigier, et pas mal de ses amis. Sa femme un peu moins, car je crois qu’elle a refait sa vie.

Je change de sujet. En France, on t’a connu pour être le parrain des Anges de la téléréalité. Les Anges, c’est définitivement derrière toi ?
Oui, j’ai tourné 11 saisons des Anges, donc c’est une étiquette qui m’a collé à la peau. J’aurais d’ailleurs aimé qu’on me propose autre chose comme émission. Mais en France, on te met dans des cases…

Tu en gardes un bon souvenir ?
Oui. C’était une super aventure. Je suis en relation avec les gens qui ont racheté le format. Je sais qu’il y a une volonté d’en faire une dernière, une sorte de all-stars avec les meilleurs candidats pour clore l’émission. Donc je pense qu’il y a aura une dernière saison. J’aimerais finir sur une note où on se réunit tous, à Los Angeles, un peu dans l’idée de Friends Reunion.

Il y aura Nabilla ?
Je ne pense pas. Elle a un contrat d’exclusivité avec Amazon, donc je ne suis pas sûr qu’elle puisse faire d’autres émissions. C’est dommage, car sans Les Anges, Nabilla ne serait pas devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Sans Les Anges, il n’y aurait pas eu de Nabilla. Mais je n’ai pas été invité à son mariage, ni été le parrain de son fils… ( Rires )

Tu es resté en contact avec elle ?
Pas plus que ça. Elle m’envoie un petit message sur WhatsApp de temps en temps…

Et après Les Anges, si vous tournez une dernière saison, tu as d’autres projets ?
Oui, je passerai à autre chose. Je suis sur d’autres projets. Je me suis notamment associé avec le footballeur Adil Rami. On développe un truc complètement nouveau. J’ai un autre documentaire aussi, que j’ai fait sur l’acteur américain Michael Madsen, dans lequel il y a John Travolta et Quentin Tarantino…

Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)

Entrevue 2
Johnny Hallyday dans le documentaire Le Vif

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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