Dans Soleil d’abandon, Mathieu Rolland tisse un roman où le mystère d’un enfant calciné croise les blessures intimes d’un groupe de personnages en quête de sens. Loin d’être un simple polar, ce récit s’intéresse moins aux circonstances du drame qu’à son impact sur ceux qui gravitent autour de cette découverte macabre, à commencer par Emmanuelle, peintre en panne d’inspiration, et Jacob, astrophysicien absorbé par ses recherches sur les poussières d’astéroïdes. Leur quotidien, marqué par la torpeur d’un été caniculaire, est bouleversé par l’enquête menée par l’inspecteur Cloutier, un homme rongé par la solitude et hanté par les morts. La scène du crime, réduite à un cercle de suie au bord d’une route, devient un point de rupture dans leurs existences, réveillant des blessures enfouies et des tensions latentes.
Autour du couple gravitent d’autres âmes esseulées. François, le frère de Jacob, est un photographe fasciné par l’aridité des déserts, éternellement en quête d’une image insaisissable, tandis que Julie, sa compagne, restée en arrière, cherche un refuge dans une relation adultère avec Jacob. Chaque personnage est en proie à un abandon : celui d’une mère disparue sans explication pour les deux frères, celui d’une inspiration évanouie pour Emmanuelle, celui d’un amour étouffé par la culpabilité pour Julie. Mathieu Rolland orchestre ces solitudes avec une écriture sobre et distante, où l’absence et le silence prennent une place prépondérante.
À travers une atmosphère suffocante qui rappelle le cinéma de Lars von Trier, l’auteur installe un malaise diffus, où la mort de l’enfant agit comme un révélateur des fêlures et des contradictions de chacun. Loin d’apporter des réponses, l’enquête se mue en introspection collective, laissant place à une tension psychologique plus forte que le mystère lui-même. Soleil d’abandon est un roman fascinant, où le drame ne se joue pas tant dans l’intrigue que dans l’ombre qu’il projette sur ceux qui restent.