Le vainqueur des élections allemandes, Merz, envisage de se détourner des États-Unis

Entrevue 1

Fraîchement victorieux aux élections législatives du 23 février, Friedrich Merz, chef de la CDU et probable prochain chancelier allemand, a surpris en appelant à une indépendance stratégique de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Lors de l’Elefantenrunde, le débat télévisé réunissant les principaux dirigeants politiques après le scrutin, il a critiqué ouvertement l’administration américaine et a estimé que Washington exerçait une ingérence comparable à celle de Moscou. « Nous sommes sous pression des deux côtés. Notre priorité, c’est de renforcer l’Europe », a-t-il déclaré, affirmant qu’il était en contact étroit avec plusieurs dirigeants européens pour accélérer l’autonomie du Vieux Continent.

Merz a particulièrement dénoncé la politique américaine vis-à-vis de l’Europe, notamment après les récentes déclarations de Donald Trump. Ce dernier avait laissé entendre que les États-Unis pourraient revoir leur engagement envers l’OTAN et avait ouvert des discussions avec Moscou sans inclure les Européens. « Je n’aurais jamais cru devoir dire cela à la télévision, mais il est clair que les Américains, ou du moins cette administration, sont largement indifférents au sort de l’Europe », a-t-il déploré. Il a également pointé du doigt l’influence de figures comme Elon Musk dans la campagne électorale allemande, qualifiant ces interférences d’« inédites ».

L’un des points centraux de son discours a été l’avenir de la défense européenne. Friedrich Merz a estimé que l’OTAN était à un « tournant » et qu’une « capacité de défense européenne autonome » devait être envisagée rapidement. Il a exprimé des doutes sur l’avenir de l’Alliance atlantique sous sa forme actuelle et insisté sur la nécessité d’un sursaut européen en matière de sécurité. Cette position tranche avec l’atlantisme traditionnel de la CDU et pourrait marquer un tournant stratégique pour l’Allemagne, historiquement alignée sur Washington pour ses choix militaires et diplomatiques.

L’Allemagne, qui accueille près de 35 000 soldats américains sur son sol, pourrait donc revoir sa politique de défense et son positionnement au sein des institutions euro-atlantiques. Cette inflexion, si elle se confirme, pourrait renforcer la volonté française de bâtir une Europe de la défense plus indépendante. Cependant, elle risque aussi d’accentuer les tensions avec Washington, alors que les relations transatlantiques traversent déjà une période de turbulences.

Les déclarations de Merz interviennent dans un contexte où l’Europe s’inquiète des initiatives américaines concernant la guerre en Ukraine. Tandis que Volodymyr Zelensky appelle à une union militaire européenne pour éviter un accord conclu sans Kiev, Merz semble s’inscrire dans cette logique d’émancipation vis-à-vis des États-Unis. Reste à voir si cette posture se traduira en actes concrets une fois son gouvernement en place.

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