« Ghettossori : Une Réponse Contestée à l’Éducation Positive »

Entrevue 1

L’univers de la parentalité est devenu un terrain de compétition sur les réseaux sociaux, où les mères rivalisent pour se présenter comme les plus « parfaites » possibles. Dans cet océan de conseils éducatifs, une nouvelle tendance sur TikTok émerge : les mères dites « ghettossori », une réponse volontairement décalée à l’éducation Montessori et à la culture de la parentalité bienveillante. Mais derrière ce terme, qui mêle provocation et rébellion, se cache un mode de parentalité qui questionne les limites de l’autorité et de la discipline.

Le terme « ghettossori » est un néologisme né sur TikTok, souvent utilisé de manière ironique ou même subversive. Il combine la rigueur de l’éducation Montessori, qui met l’accent sur l’autonomie de l’enfant, et un côté « ghetto », une manière de réagir à ce que certaines mères considèrent comme une pression trop forte des normes de l’éducation positive. Loin de se conformer aux idéaux de calme, de bienveillance et d’écoute, les mères « ghettossori » se revendiquent plus proches de la réalité, acceptant que la parentalité n’est pas toujours parfaite, ni toujours sereine.

Ces mères prônent une éducation moins aseptisée, plus crue, qui pourrait inclure des remontrances plus fermes, une moindre tolérance aux caprices et une autorité plus marquée. Cette approche se distingue de la pédagogie Montessori, souvent perçue comme une méthode d’éducation trop perfectionniste et déconnectée des réalités quotidiennes. Dans le monde de TikTok, ces mères se présentent comme des anti-héroïnes d’une parentalité sans filtres.

L’éducation positive, ou bienveillante, qui privilégie l’empathie, l’écoute et l’autonomie de l’enfant, fait aujourd’hui figure de norme dans de nombreuses communautés parentales sur les réseaux sociaux. Les vidéos pédagogiques et les témoignages de mamans utilisant la méthode Montessori pour élever leurs enfants sont omniprésents, souvent glorifiés par des images de maisons épurées, des enfants souriants et des parents parfaitement zen.

Mais ces images peuvent aussi avoir des effets pervers. Certaines mères peuvent se sentir sous pression, comme si elles ne correspondaient pas aux attentes irréalistes qu’impose cette culture de l’éducation « parfaite ». De ce malaise naît la réaction des « ghettossori », un rejet de cette quête de perfection et de douceur excessive. Loin de la maternité éthérée de l’Instagram mom, ces mères revendiquent un retour à une forme de parentalité plus brute, plus humaine.

Cependant, les pratiques des mères « ghettossori » soulèvent des interrogations. Si la tendance a pour but de déculpabiliser celles qui n’entrent pas dans le moule de la « maman parfaite », certaines de leurs méthodes risquent de glisser vers des pratiques éducatives douteuses. Dans certains cas, elles semblent même faire l’apologie de ce que l’on qualifie de violences éducatives ordinaires (VEO) : cris, punitions corporelles légères, ou menaces verbales. Ce qui, dans l’optique des parents « ghettossori », serait un retour à des pratiques plus réalistes, peut, dans les faits, heurter les principes de respect et de bienveillance qui sous-tendent l’éducation moderne.

Des vidéos qui montrent des enfants se voyant interdire l’accès à certains privilèges ou être confrontés à des conséquences strictes suscitent des débats enflammés. Faut-il accepter des pratiques plus fermes au nom de l’authenticité ? Où se situe la frontière entre discipline et maltraitance ? La tendance ghettossori semble flirter avec ces questions, ce qui en fait un sujet particulièrement sensible.

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