« Wagner » au Sahel: Inquiétudes algériennes et crainte de l’expansion russe

Entrevue 1

La présence du groupe paramilitaire russe Wagner au Sahel suscite de vives préoccupations en Algérie, notamment après les déclarations du président Abdelmadjid Tebboune. Celui-ci a évoqué les activités de Wagner dans plusieurs pays de la région, en particulier au Mali, qui partage une longue frontière avec l’Algérie.

L’ascension de Wagner

Fondé en 2014 lors de l’annexion de la Crimée par la Russie, Wagner a d’abord soutenu les séparatistes dans le Donbass avant d’élargir son champ d’action pour devenir un outil de projection de Moscou à l’international. Aujourd’hui actif dans près de 30 pays, le groupe entretient des liens étroits avec les institutions militaires et de renseignement russes, faisant de lui un bras informel de l’État russe.

Une présence croissante au Sahel

Selon un rapport de l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, la Russie a tiré parti des récents coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger pour renforcer sa présence dans la région. En échange de la protection des régimes militaires en place, Moscou obtient des concessions économiques, notamment l’accès aux ressources naturelles stratégiques comme l’or.

La Russie a également utilisé les infrastructures établies par Wagner en Libye orientale, notamment des bases aériennes sous contrôle de Khalifa Haftar, pour acheminer du matériel et du personnel vers d’autres destinations comme le Mali et la République centrafricaine.

Au Mali, la présence de Wagner s’est intensifiée depuis 2022, atteignant un pic de plus de 2 000 soldats début 2023, avant de redescendre à environ 1 000 militaires actuellement. Au Burkina Faso, les effectifs russes sont estimés entre 200 et 300 hommes. Quant au Niger, le retrait des forces américaines en 2023 a facilité le transit de soldats russes en provenance de Libye.

Accusations de violations des droits humains

Des ONG internationales, comme Human Rights Watch, ont dénoncé de graves exactions commises par Wagner et l’armée malienne contre les civils. En mars 2024, un rapport a révélé l’utilisation de drones turcs pour mener des frappes indiscriminées, ainsi que des exécutions extrajudiciaires.

Par ailleurs, la présence de Wagner au Mali est très mal perçue par les Touaregs du nord, qui l’accusent d’avoir contribué à la reprise du conflit et à l’effondrement de l’accord de paix d’Alger signé en 2015.

L’Algérie face à la menace Wagner

En Algérie, la montée en puissance de Wagner à proximité des frontières suscite des inquiétudes. Selon Mohamed Hedhir, expert en relations internationales, Alger craint la présence de forces incontrôlées menant des opérations militaires au service d’intérêts étrangers.

Le président Tebboune a fermement rejeté la présence de mercenaires à la frontière algérienne et a adressé un message clair à Moscou. En vertu de la Constitution de 2020, qui autorise l’armée algérienne à mener des missions de maintien de la paix, Alger pourrait envisager des mesures pour sécuriser ses frontières.

Escalade des tensions

En juillet 2024, des affrontements entre Wagner et les groupes armés de l’Azawad ont fait de nombreuses victimes dans la ville de Tinzaouatene, située à l’extrême nord du Mali, près de la frontière algérienne. Face à ces violences, l’Algérie a demandé à la Russie de cesser les activités de Wagner dans la région.

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a réaffirmé en décembre 2024 qu’Alger ne tolérerait pas que les groupes signataires de l’accord d’Alger soient désignés comme terroristes par les autorités maliennes sous l’influence de Wagner.

Une souveraineté contestée

Du côté malien, la réaction algérienne est perçue comme une ingérence. Mustapha Sankaré, expert basé à Bamako, estime que l’Algérie n’a pas à interférer dans le choix des forces de sécurité déployées au Mali. Il considère que cette attitude alimente les tensions entre les deux pays et porte atteinte à la souveraineté malienne.

Ainsi, la présence de Wagner au Sahel continue d’alimenter les tensions régionales, tandis qu’Alger tente de préserver sa sécurité nationale face à une influence russe grandissante.

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