La cour administrative d’appel de Paris doit rendre, ce mardi, une décision cruciale concernant les demandes d’indemnisation de plus de 1 200 plaignants exposés au chlordécone aux Antilles. Ce pesticide, massivement utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique jusqu’en 1993, a durablement contaminé les sols et l’eau, avec des conséquences sanitaires majeures. Détecté chez plus de 90 % des habitants, il est notamment soupçonné d’accroître le risque de cancer de la prostate.
Les plaignants réclament la reconnaissance d’un « préjudice d’anxiété », concept juridique introduit en 2010 pour les victimes de l’amiante. Ce préjudice désigne l’inquiétude permanente de développer une maladie grave en raison d’une exposition prolongée à une substance toxique. Initialement limité au cadre professionnel, il a progressivement été élargi aux dangers environnementaux et sanitaires.
Pour être reconnu, ce préjudice doit répondre à plusieurs critères : une exposition effective et circonstanciée au produit toxique, ainsi qu’un risque avéré de pathologie grave. En 2022, la jurisprudence a néanmoins assoupli ces exigences lorsque l’affaire concerne une personne publique, comme l’État dans le dossier du chlordécone. Désormais, la simple exposition au danger peut suffire à caractériser l’anxiété.
En première instance, le tribunal administratif de Paris avait rejeté les demandes, estimant que les requérants ne fournissaient pas d’éléments personnels suffisants pour prouver leur préjudice. Si la cour d’appel venait à reconnaître ce préjudice, cela pourrait ouvrir la voie à des indemnisations allant de 5 000 à 10 000 euros par personne et constituer un précédent juridique dans les affaires de pollution industrielle et environnementale.