Souleymane Cissé, figure emblématique du cinéma africain, s’éteint à 84 ans

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Le cinéma africain perd l’un de ses plus grands maîtres. Le réalisateur malien Souleymane Cissé, pionnier et fervent défenseur du 7e art sur le continent, est décédé brutalement ce mercredi 19 février à Bamako, à l’âge de 84 ans. Sa disparition laisse un immense vide dans l’histoire du cinéma africain, dont il fut l’un des plus grands artisans.

Un cinéaste engagé et visionnaire

Né en 1940 au Mali, Souleymane Cissé s’est passionné pour le cinéma dès son plus jeune âge. Formé à l’Institut national de la cinématographie de Moscou, il a rapidement mis son talent au service d’un cinéma engagé, humaniste et politique, abordant des thèmes tels que la lutte des classes, la tradition et la modernité, ou encore la quête d’identité.

Sa filmographie témoigne de son regard acéré sur la société africaine. Son premier long-métrage, Den Muso (1975), évoque le destin tragique d’une jeune femme muette victime d’un viol. Baara (1978), quant à lui, s’intéresse au combat ouvrier dans un Mali en pleine mutation. En 1982, il réalise Finyé, une critique subtile du pouvoir et des révoltes étudiantes.

Mais c’est avec Yeelen (La Lumière), en 1987, que Souleymane Cissé entre définitivement dans l’histoire du cinéma mondial. Ce chef-d’œuvre, inspiré des récits initiatiques de la culture bambara, remporte le Prix du Jury au Festival de Cannes, faisant de lui le premier réalisateur d’Afrique subsaharienne à recevoir une telle distinction.

Un plaidoyer pour le cinéma africain

Jusqu’à ses derniers jours, le cinéaste n’a cessé de défendre la visibilité du cinéma africain. Lors d’une conférence de presse donnée à Bamako le matin même de son décès, il appelait encore à la construction de salles de cinéma au Mali et à un plus grand soutien des autorités locales pour promouvoir les œuvres du continent.

Il devait également se rendre à Ouagadougou pour présider le jury des longs-métrages fiction du FESPACO 2025, la plus prestigieuse manifestation cinématographique d’Afrique, qui s’ouvre le 22 février.

Une disparition qui endeuille le monde du cinéma

Les hommages affluent depuis l’annonce de sa disparition. Le Burkina Faso a salué « une figure emblématique du cinéma africain et un cinéaste engagé ». La chanteuse Oumou Sangaré a rendu hommage à « un maître incontesté du cinéma africain », tandis que le réalisateur Boubacar Sidibé a déclaré : « Il restera à jamais une fierté pour le Mali et pour nous, ses héritiers du cinéma ».

En 2023, Cannes avait honoré Souleymane Cissé d’un Carrosse d’Or, récompense prestigieuse saluant l’ensemble de sa carrière. Cette distinction, volée chez lui en 2024 avant d’être retrouvée, symbolisait l’impact profond qu’il a laissé sur le cinéma mondial.

Avec sa disparition, l’Afrique perd l’un de ses plus grands conteurs d’histoires, un cinéaste qui, à travers ses films, a su donner une voix à son continent. Son héritage, lui, restera immortel.

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