L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié ce jeudi 20 février deux expertises confirmant la toxicité importante des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones, comme le Ciflox, l’Uniflox, le Tavanic ou l’Oflocet. Bien que très efficaces, ces médicaments sont associés à des effets secondaires graves et parfois irréversibles touchant les muscles, les articulations et le système nerveux. Ces antibiotiques continuent d’être largement prescrits pour des infections courantes comme les cystites, les rhinites ou les diarrhées, alors qu’ils devraient être réservés à des cas plus spécifiques. L’ANSM rappelle que ces médicaments ne doivent être prescrits qu’en cas de nécessité absolue et après avoir informé le patient des risques encourus.
Entre 2017 et 2023, 736 cas d’effets secondaires graves liés aux fluoroquinolones ont été signalés aux centres de pharmacovigilance de Paris et de Marseille. Toutefois, l’ANSM reconnaît que ce chiffre ne reflète qu’une partie des cas réels, estimant qu’ils pourraient représenter seulement 10 % des patients affectés. Par ailleurs, un tiers des patients concernés avaient reçu ces antibiotiques pour des pathologies ne relevant pas de leur autorisation de mise sur le marché (AMM), ce qui pose la question du respect des indications médicales.
Si l’ANSM souligne une baisse de 50 % des prescriptions entre 2014 et 2023, l’utilisation des fluoroquinolones en France reste préoccupante. Chaque année, environ 2,2 millions de prescriptions sont délivrées, soit deux fois plus qu’en Allemagne ou en Belgique. Depuis 2018, la Belgique a restreint le remboursement de ces antibiotiques, suivant les recommandations de l’Agence européenne du médicament (EMA), qui avait déjà alerté sur leur dangerosité.
Face à ces risques, Philippe Coville, président de l’Association d’aide et d’information sur les effets délétères des fluoroquinolones, plaide pour un renforcement des contrôles et une meilleure régulation de leur prescription. Victime lui-même de neuropathies sévères après un traitement, il estime que les autorités sanitaires doivent aller plus loin pour protéger les patients.
Pour lui, la situation rappelle le scandale du Médiator et nécessite une enquête parlementaire. Il réclame une prise en charge spécifique des victimes et une mise en cause des responsabilités des pouvoirs publics.
L’affaire prend une dimension judiciaire, avec l’ouverture d’une enquête pour blessures involontaires et tromperie. Soixante plaintes ont déjà été déposées auprès du pôle de santé publique de Paris. L’association a recueilli plus de 900 témoignages de patients souffrant d’effets secondaires graves et espère une action judiciaire rapide. Pour l’instant, les fluoroquinolones continuent d’être prescrites, malgré les alertes répétées des agences de santé.