SANTÉ – La surproductivité est nocive… Votre santé mentale est en danger sans que vous en preniez conscience !

Entrevue 1

Il n’est pas sain d’être productif en permanence, souvent au détriment de notre santé mentale et physique, de nos relations et de notre qualité de vie en général.

Ne vous réjouissez pas d’être extrêmement productif au travail ou constamment occupé. Même si votre objectif est d’obtenir une promotion, une augmentation de salaire ou de prouver votre engagement, tout ce que vous gagnerez en avantages positifs aura son lot de conséquences négatives. Celles-ci se manifesteront sous forme d’impacts sur votre santé physique, mentale et psychologique, et pourraient également affecter votre vie personnelle et sociale. Vous risquez alors de devenir victime de la « productivité toxique », un piège dont vous ne pourrez sortir qu’en mesurant vos succès par les objectifs atteints plutôt que par le nombre d’heures travaillées.

La productivité toxique : un fléau silencieux

Selon la Harvard Business Review, la productivité toxique est définie comme une obligation malsaine d’être productif en permanence, bien souvent au détriment de notre santé mentale et physique, de nos relations et de notre bien-être général. Dans la culture du travail actuelle, ce besoin de performance incessante est souvent célébré. Pourtant, ce phénomène n’est pas seulement nuisible, il est dangereux.

Les standards de productivité sont profondément ancrés en nous, façonnés dès l’enfance dans des environnements où l’on assimile le travail acharné à la vertu et le repos à la paresse. Avec la propagation de cette mentalité, beaucoup finissent par associer leur valeur personnelle à leurs accomplissements professionnels.

Dans le monde du travail, la pression concurrentielle favorise la productivité toxique, amplifiée par la comparaison sociale qui mène à une baisse de l’estime de soi et parfois même à la dépression. Certaines personnes, même avec une productivité normale, finissent par se sentir inadéquates face aux « workaholics ». Le surmenage devient alors un moyen d’augmenter l’estime de soi et de retrouver un sentiment de contrôle.

D’autres utilisent la surcharge de travail comme une distraction pour éviter d’affronter des pensées ou émotions négatives, telles que des responsabilités familiales pesantes, des difficultés relationnelles ou des problèmes personnels.

Un monde du travail en pleine mutation

La pandémie de COVID-19 a transformé le paysage professionnel mondial. Avant cette crise, la norme en entreprise était : « Travaille plus pour obtenir une promotion », explique le professeur Mazen Bekdache, spécialiste en organisation administrative et fonctionnement des entreprises à l’Université Saint-Esprit de Kaslik.

À cette époque, les employés parvenaient à maintenir un certain équilibre entre travail et vie personnelle, et le week-end était réellement synonyme de repos, sauf en cas d’urgence.

Mais avec la pandémie, cette dynamique a changé. Les entreprises, ayant subi d’importantes pertes, ont recentré leurs priorités sur la rentabilité, parfois au détriment du bien-être humain. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’est estompée, accentuant la pression sur les employés, ce qui a mené à une augmentation des cas de burn-out. Bien que certaines entreprises aient mis en place des politiques visant à protéger la santé mentale des employés, celles-ci restent souvent théoriques et rarement appliquées en pratique.

Selon Bekdache, le fait d’être placé dans une position où il faut travailler toujours plus, notamment avec l’évolution des modes de travail, expose l’employé à la productivité toxique. Par peur de perdre leur emploi, les travailleurs ressentent le besoin de prouver leur valeur en redoublant d’efforts, ce qui est extrêmement malsain. Cette dynamique conduit inévitablement à l’épuisement professionnel (burn-out). Lorsque cela arrive, il est impératif pour l’employé de prendre un congé prolongé, idéalement avec le soutien de son manager. Il est également essentiel que les dirigeants engagent un dialogue avec leurs équipes pour trouver la meilleure manière d’optimiser leur travail tout en respectant leur bien-être.

Si un employé mise uniquement sur le travail excessif pour obtenir une promotion, il risque de rester des décennies dans la même entreprise, ce qui, en soi, peut être malsain. En revanche, la nouvelle génération de travailleurs change de poste tous les deux ans en moyenne ou investit dans ses propres projets entrepreneuriaux. Ils refusent de se plier aux horaires classiques de 7h à 17h et privilégient la flexibilité. Ainsi, les employés de plus de trente ans, qui n’adoptent pas cette nouvelle mentalité, doivent apprendre à travailler intelligemment, en optimisant leur temps plutôt qu’en augmentant leur charge de travail.

Repenser les modèles de motivation

Si un employé cherche à améliorer son niveau de vie, il doit envisager une approche différente de son travail, et ce changement doit également être encouragé par la direction.

Certaines entreprises cherchent à motiver leurs employés en offrant des primes ou d’autres types d’incitations. Cependant, le problème réside dans la manière dont ces incitations sont mises en place. Par exemple, fixer un objectif de 100 000 dollars de bénéfices au lieu d’une augmentation progressive des ventes de 2 à 5 % crée une pression écrasante, caractéristique de la productivité toxique. Un employé sous une telle contrainte ressentira du stress et pourrait finir par quitter son emploi à cause de l’impact négatif sur sa santé mentale et émotionnelle. Il est donc crucial que ces objectifs soient définis en concertation avec les employés.

Work Smart, Not Hard

Selon le psychothérapeute et consultant auprès de l’International Medical Corps et de Médecins Sans Frontières, Dr Mario Abboud, la productivité, en soi, est une notion positive. Cependant, lorsque la volonté de performance devient excessive, elle entraîne un épuisement qui peut aboutir au burn-out.

Une fois atteint ce stade, l’individu subit un impact direct sur ses relations avec son entourage, sa famille, son partenaire et même sur son bien-être physique. Il est donc primordial d’instaurer un équilibre entre travail, corps et esprit, et de ne pas céder à la tentation du surmenage pour prouver sa valeur à son entourage ou à son employeur. Paradoxalement, cette quête excessive de reconnaissance reflète souvent un vide intérieur que l’individu tente de combler.

Il est vrai que certaines périodes de travail intense sont inévitables et peuvent être supportables si elles restent temporaires. Cependant, une consommation excessive d’énergie mentale et physique au travail risque de réduire les ressources nécessaires pour d’autres aspects de la vie.

Avec le temps, un comportement de surproductivité chronique conduit à des regrets : l’individu réalise qu’il a perdu des amis, négligé sa famille ou raté des moments précieux avec ses enfants. C’est pourquoi il est essentiel de répartir son énergie intelligemment et de privilégier une approche équilibrée. L’objectif ne devrait pas être de travailler plus, mais de travailler mieux.

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