« Le jeu de cartes français renferme le plus grand blasphème de l’histoire du christianisme. » L’incroyable découverte de l’artiste Christoff Baron, en exposition à Saint-Tropez
Artiste peintre et chercheur, Christoff Baron expose actuellement à la Chapelle de la Miséricorde, à Saint-Tropez, jusqu’à fin octobre. Une exposition fascinante dans laquelle il fait découvrir au public ses toiles dédiées au jeu de cartes français. Un jeu de cartes qui, d’après ses recherches, renferme le plus grand blasphème de l’histoire du christianisme, tout le monde ayant eu un jour dans ses mains ces fameuses cartes. Une découverte incroyable et historique qu’il nous fait partager…
Jérôme Goulon : Pour commencer, pouvez-vous nous parler de vous ?
Christoff Baron : Je suis artiste peintre depuis une trentaine d’années. J’ai été professeur de littérature. C’est un détail important, car mes créations sont nourries de littéraire.
Parlez-nous de votre actualité. Vous exposez à Saint-Tropez ?
J’ai une exposition à la Chapelle de la Miséricorde, à Saint-Tropez. C’est une chapelle fermée depuis des décennies, et il y a des gens qui ne la découvrent que maintenant, après 50 ans de vie à Saint-Tropez. Il y a une messe le vendredi, et l’évêque du Var, Monseigneur Rey, soutient mon travail et me propose d’exposer dans cette chapelle, avec la complicité du Père Gouarin, l’abbé de Saint-Tropez. J’expose une série d’œuvres créées pour la cathédrale de Strasbourg en 2019. Ce sont des grands formats de 3 à 4 mètres. Je suis donc artiste résident dans cette chapelle. J’essaie de sensibiliser le clergé au fait que les artistes peuvent être des facilitateurs d’ouverture des lieux que l’on ferme. Confier les clés d’une église à un artiste qui a un rapport avec le sujet est intéressant…
La religion est un sujet qui vous parle ?
Oui. Le sujet religieux est un sujet très important, qui est dénigré en permanence. Ce qui m’importe, c’est de transmettre ma culture. Et la plupart des œuvres créées avant le XXe siècle ne peuvent pas être comprises si on n’a pas les codes bibliques. C’est quelque chose qui m’a beaucoup inquiété. J’ai une culture et une éducation religieuse, même si je ne me définis pas comme quelqu’un de croyant. Et je travaille de plus en plus avec les églises, car j’estime que la perte du corpus biblique est très dommageable.
Vous avez déclaré dans une interview être « hanté par le fait que tout puisse être oublié et disparaître. » Cette peur de l’oubli motive votre travail ?
C’est tout à fait ça. En fait, ce qui m’inquiète, c’est la déculturation, couper l’individu de son passé. Aujourd’hui, les gens sont des consommateurs décérébrés, qui n’ont pas de recul. Devant mon exposition à Saint-Tropez, j’ai d’ailleurs mis deux panneaux. L’une indiquant «Dior», l’autre indiquant «Dieu». Saint-Tropez est un parc d’attractions dédié au pognon, et des fois des gens sont un peu choqués, alors je leur précise que Jésus, dans l’un des évangiles, dit : «On ne peut servir de maître, on aimera l’un et on haïra l’autre. De même, vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.» Sachant que Mammon, c’est le Dieu du pognon dans la Bible.
Vous exposez actuellement des jeux de cartes en grand format. Chose assez intrigante, vous déclarez que derrière les jeux de cartes français, se cache un blasphème…
Absolument ! C’est un scoop énorme, c’est le volet recherche de mon activité, qui est le volet principal. En fait, j’ai découvert que ces cartes, qui sont apparues au XV siècle, ont été créées comme un énorme blasphème. Je vais même plus loin : le jeu de cartes français renferme le plus grand blasphème de l’histoire du christianisme. Le jeu de cartes français est répandu dans le monde, tout le monde le connaît. C’est devenu un objet de culture mondiale. Et tout le monde a dans ses mains ou dans ses tiroirs dès l’enfance plusieurs blasphèmes. C’est bluffant. C’est l’œuvre d’art la plus connue au monde, et personne ne s’est rendu compte que c’était une œuvre d’art.
Un blasphème au XVe siècle, il fallait oser…
Oui. Le blasphème est très subtil. Au XVe siècle, un blasphème, c’était très très dangereux. Tous les symboles qui identifient les figures des cartes ont une fonction. C’est une œuvre d’esprit exceptionnelle. Je suis d’ailleurs sur le point d’envoyer une proposition de création de musée à la ville de Montmorillon, qui est très intéressée, car dans une chapelle désacralisée de Montmorillon, gît l’auteur du jeu de cartes français qui est identifié.
Concrètement, en quoi le jeu de cartes français est-il blasphématoire ?
C’est un énorme scoop. Je ne sais pas si une interview peut suffire à tout expliquer, mais je vais vous donner un exemple. Il y a un grand blasphème, qui porte sur les quatre dames. Quand vous prenez les quatre dames du jeu de cartes français, qui portent des noms, vous vous rendez compte que l’une des quatre dames n’a pas de fleur. Et il se trouve que c’est la carte problématique du jeu de cartes français, car parmi les douze figures, c’est la figure dans le nom n’existe pas. Il s’agit de la dame de trèfle, qui s’appelle Argine. En fait, Argine est une anagramme de Regina. Et Regina, au XVe siècle, c’est directement la Vierge Marie. Et sur les quatre dames, Argine est la seule qui ne porte pas de fleur. Et pourquoi ? Parce qu’elle a perdu sa fleur. C’est une attaque à la virginité de Marie.
Vous avez d’autres indices pour valider cette théorie ?
Oui. Quand on y regarde bien, les trois autres dames ont un rapport à la virginité. Palace, ou Pallas Athéna, la dame de pique est la Déesse vierge. Judith, la dame de cœur, c’est une jeune veuve juive qui a décapité Holopherne au terme d’une nuit dont on ne sait si elle était conclusive. Son mari, avant de mourir, l’a-t-il déflorée, on ne sait pas. Il y a donc a une question sur sa virginité. Et Rachel, la dame de carreau, c’est la femme de Jacob dans la Bible, et elle est stérile. Ce qui pose la question de savoir si son mari a des rapports sexuels avec elle. Alors elle finit tardivement par avoir des enfants, Joseph puis Benjamin, et elle va mourir de l’accouchement de Benjamin. Et donc elle perd officiellement sa virginité en accouchant de Joseph, et si vous regardez bien la dame de carreau dans le jeu de cartes français, elle a lâché sa fleur, symbole de la perte tardive de virginité.
C’est en découvrant cette histoire de blasphème que vous avez décidé de faire une exposition sur le thème des cartes ?
J’avais déjà exposé des cartes lors d’une exposition à Berlin en 2010, avec en thème central les figures du jeu de cartes. Le jeu, c’est une mise en scène du pouvoir sans impact sur la réalité, sauf si vous pariez. C’était donc une exposition sur la mise en scène du pouvoir par le pari, et la perversion du pouvoir par l’argent et la finance. Et puis j’ai découvert que les cartes avaient des noms, ce que je n’avais pas remarqué jusque-là. Et très vite, s’est posé un problème, avec cette figure dont le nom n’existe pas, Argine. En tant que chercheur, j’ai beaucoup d’intuition, et ça m’a semblé très curieux. J’ai mis ça en tâche de fond dans ma tête. Et il y a deux ans, quand j’ai fait ma première exposition à Saint-Tropez, j’avais quelques cartes grand format qu’il me restait d’une précédente exposition, et j’ai approfondi mes recherches. On se rend compte que le jeu de cartes français est un joyau de notre culture totalement ignoré, mais qui va éclater au grand jour, j’espère très prochainement.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, jusqu’à quand peut-on venir vous voir à Saint-Tropez ?
Mon exposition dure jusqu’à fin octobre. Ceux qui sont intéressés peuvent venir me voir et demander une démonstration complète de ce blasphème. Il faut prévoir 45 minutes. C’est extrêmement complexe, il faut être concentré : ça explore la mythologie, l’histoire, la Bible, la littérature…
Un mot pour finir ?
Le jeu de cartes français, c’est la concrétisation de mon attachement à la culture. Ça montre à quel point la culture est importante. Dans un groupe, la maîtrise de la culture permet d’exprimer sa liberté. Au XVe siècle, les gens étaient soumis à une église avec une dimension totalitaire indéniable. Et au XVe siècle, un homme va exprimer sa rage et sa désapprobation à travers le biais de sa culture. Je trouve cela stupéfiant. D’ailleurs, autre scoop que je vous donne : le jeu de cartes français comporte l’autoportrait le plus connu au monde, sauf que personne ne le sait. Le valet de cœur, Lahire, est en fait un portrait d’Étienne de Vignolles, qui s’est représenté lui-même. C’était le compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, qu’il aimait. Et il a créé le jeu de cartes français contre l’église, car il en voulait à l’église d’avoir brûlé Jeanne d’Arc…
Découvrez l’exposition de Christoff Baron à la Chapelle de la Miséricorde ( Saint-Tropez)