Pays-Bas : 425 000 noms de collaborateurs nazis présumés mis en ligne

Pays-Bas : 425 000 noms de collaborateurs nazis présumés mis en ligne

C’est une révélation à la fois monumentale et dérangeante. Les Pays-Bas viennent de publier pour la première fois une base de données recensant les noms de 425 000 personnes soupçonnées d’avoir collaboré avec les nazis pendant l’occupation allemande entre 1940 et 1945. Un pan entier de la mémoire nationale, longtemps enfoui, refait brusquement surface. Ce projet, baptisé War in Court, a été mené par le Huygens Institute et financé par les ministères néerlandais de la Justice, de l’Éducation et de la Santé. Il vise à numériser et rendre accessibles les archives judiciaires liées à la collaboration. Jusqu’alors, seuls les chercheurs se déplaçant physiquement aux archives nationales de La Haye pouvaient y accéder. Parmi les 425 000 noms désormais consultables en ligne, plus de 150 000 ont comparu devant un tribunal et ont été condamnés ou sanctionnés. D’autres, dont quelque 20 000 engagés dans les forces armées allemandes, ou encore des membres du NSB, le parti nazi néerlandais, figurent également dans cette vaste compilation historique. Certains noms appartiennent à des personnes finalement innocentées. La base de données ne précise cependant ni les peines, ni le degré d’implication, ni les faits reprochés.

Un traumatisme collectif toujours enfoui

« La collaboration reste un traumatisme majeur. On n’en parle pas. Nous espérons qu’avec l’ouverture des archives, le tabou sera brisé », a déclaré Tom De Smet, directeur des archives nationales. Dans un pays où plus de 100 000 Juifs ont été exterminés pendant la Shoah, cette initiative risque de raviver des blessures profondes, mais elle s’inscrit dans une démarche de transparence nécessaire. Si les données à caractère personnel sont protégées par le RGPD, celui-ci ne s’applique pas aux personnes décédées — ce qui est le cas pour la très grande majorité des individus concernés. Toutefois, l’autorité néerlandaise de protection des données rappelle que les fichiers peuvent contenir des informations sensibles, notamment religieuses ou politiques, concernant parfois des survivants encore en vie.

Entre devoir de mémoire et révisionnisme rampant

L’enjeu dépasse la simple mise en ligne de documents. Une enquête de 2023 a révélé que 25 % des jeunes Néerlandais de la génération Z considèrent l’Holocauste comme un mythe. Dans ce contexte, la publication de ces archives pourrait renforcer l’éducation historique et contrer l’oubli ou le déni. Mais elle pose aussi une question délicate : comment une société affronte-t-elle ses zones d’ombre ? Ce travail de vérité pourrait déstabiliser certaines familles, bouleverser des récits familiaux, et ouvrir des débats jusque-là étouffés. C’est aussi un pas vers une mémoire plus complète — douloureuse, certes, mais indispensable.

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