Les changements dans la personnalité humaine… Quel rôle jouent les neurosciences dans leur compréhension ?
Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Beaucoup d’entre nous se posent cette question au moins une fois dans leur vie, comme l’a écrit Grace Wade (*).
Pour ma part, je me la pose constamment. En tant que personne ouverte, une grande partie de mon identité repose sur le fait d’être sociable et chaleureuse : ces caractéristiques me définissent.
Les traits humains qui façonnent notre identité Mais d’où proviennent ces traits ? Sont-ils solides ? Est-il possible qu’un jour je me réveille en étant une personne plus réservée, calme et tranquille ? C’est une pensée dérangeante.
Ces interrogations sont au cœur du livre Nos cerveaux, nos identités de Masoud Hussein, chercheur à l’université d’Oxford, publié par Canongate Books au Royaume-Uni. Son sous-titre est : « Ce que les patients ont appris à un neurologue sur le cerveau ». Ce livre s’inscrit dans la lignée d’ouvrages de ce genre, inventés par le chercheur Oliver Sacks dans son livre « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau ».
Des individus dont la personnalité a évolué Masoud Hussein, neuroscientifique à l’université d’Oxford, aborde ce sujet à travers les récits de sept personnes dont le comportement a changé à cause de troubles neurologiques.
Nous découvrons l’histoire de Sue, une femme qui, en l’espace de deux ans, est passée d’une personnalité douce et empathique à une personne froide et agressive sans raison apparente. Il y a aussi l’histoire de Winston, un homme qui a soudainement perdu la capacité de percevoir les objets de son côté droit, ce qui l’a empêché de se déplacer.
Chaque récit est fascinant en soi, et ensemble, ils forment un livre stimulant qui met en lumière la fragilité de notre perception de soi. Comme le souligne Hussein, nos identités sont étroitement liées au cerveau, qui est susceptible d’être endommagé, tout comme le reste de notre corps. Ainsi, les fondements de nos personnalités peuvent aussi être affectés.
Si les écrits de Hussein reflètent son approche clinique, ce qui semble être le cas, il apparaît comme un médecin intelligent, empathique et perspicace. Il raconte l’histoire de chaque patient avec soin, détaillant qui ils sont dans différents aspects de leur vie : en tant que parent, partenaire ou ami.
Parfois, ces remarques peuvent ralentir le récit, mais je les ai appréciées, car elles m’ont permis de mieux comprendre qui est Hussein et qui sont ses patients.
Prenons l’exemple de Michael. Hussein note que ses cheveux étaient « parfaitement coiffés en arrière, avec une raie parfaitement tracée sur le côté ». Il poursuit en détaillant les vêtements de Michael de la même manière. Bien que ces détails puissent sembler excessifs, ils révèlent la nature précise de Michael. Cela nous aide à comprendre comment sa condition – la démence sémantique, un trouble cérébral rare – affecte son identité, en altérant sa mémoire des mots et des concepts. On peut imaginer à quel point cela doit être perturbant pour une personne comme Michael, qui accorde une grande attention à la précision de son apparence, mais qui peine à trouver le mot juste.
La destruction de l’identité personnelle À travers ces observations minutieuses, Hussein montre comment se forment les identités et comment elles peuvent être détruites. Nous avons vu qui sont ces individus et ce qu’ils sont devenus.
Mais ce livre ne m’a pas laissée désespérée. Au contraire, il m’a émerveillée par la complexité du cerveau humain et j’ai refermé le livre avec un nouveau respect pour le mien. Cela est dû aux explications claires de Hussein sur le fonctionnement du cerveau, où il utilise les bases neurologiques de chaque cas pour démontrer comment le cerveau enregistre les souvenirs, génère des motivations et perçoit le monde.
Toutes les histoires ne sont pas tristes. Par exemple, l’histoire de David, qui est devenu apathique envers tout, mais qui, grâce à un traitement trouvé par Hussein, a retrouvé ses motivations et est passé d’une personne passive à une personne dynamique, poursuivant activement ses objectifs.
Un ouvrage remarquable Mon seul regret est que Hussein n’ait pas partagé davantage d’histoires personnelles pour faire place à au moins une histoire de ses patients. Pour moi, les brèves références à la vie personnelle de Hussein ou à ses préoccupations mondiales ont un peu interrompu le rythme principal de l’histoire.
Néanmoins, Nos cerveaux, nos identités est un livre fascinant et instructif, qui aborde la question délicate de ce qui fait de nous ce que nous sommes à travers un prisme neurologique convaincant. Il montre aussi qu’il est possible que je me réveille un jour en étant une personne différente. J’espère que ce jour ne viendra jamais : je suis reconnaissante d’être celle que je suis.
