Procès Sarkozy-Kadhafi : le mystère des commissions d’Alexandre Djouhri 

Procès Sarkozy-Kadhafi : le mystère des commissions d’Alexandre Djouhri

Ces mercredi 12 et jeudi 13 mars 2025, le tribunal de Paris s’est plongé dans une énigme financière : une supposée commission de 15 millions d’euros, dont une partie aurait été versée à l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, dans le cadre de la vente de douze avions Airbus à la Libye en 2006. Les juges ont cherché à démêler la véracité de cette transaction et à établir si elle dissimulait des pratiques corruptrices, un sujet qui s’inscrit en marge du vaste procès de l’affaire libyenne.

Dans cette affaire, Djouhri affirme avoir joué un rôle clé pour faciliter la vente des avions, mais il déplore n’avoir reçu que 2 millions d’euros – une somme qu’il juge dérisoire face aux 15 millions qu’il estimait mériter.

De son côté, Noël Forgeard, qui a présidé Airbus de 2001 à 2005 avant de diriger brièvement EADS (devenu Airbus Group) jusqu’en 2006, a livré un témoignage tranchant lors de l’audience du jeudi. Âgé de 78 ans, cet ancien patron a vanté la rigueur de ses méthodes. Dès 2002, il avait mis en place un Business Development Committee, un organe chargé de scruter minutieusement le recours à des consultants ou intermédiaires. « Nous avions des règles strictes, a-t-il insisté. Mon combat était de protéger l’entreprise contre l’influence des intermédiaires et de toute forme de pression extérieure. » Selon lui, cette vigilance aurait permis à Airbus de rester imperméable aux pratiques douteuses, une affirmation qui contraste avec les soupçons actuels.

Le contrat en question, conclu à l’automne 2006, portait sur la livraison de douze appareils (trois A319, six A320 et trois A330) à la compagnie libyenne Afriqiyah Airways, pour un montant avoisinant les 800 millions d’euros. Djouhri soutient avoir été sollicité pour convaincre Bechir Saleh de privilégier Airbus face à la concurrence acharnée de Boeing, alors que Saïf al-Islam Kadhafi, fils du dirigeant libyen, aurait penché pour l’avionneur américain. Pourtant, plusieurs ex-dirigeants d’Airbus contestent son implication, suggérant que son rôle a été minime, voire inexistant. Les 2 millions d’euros qu’il a perçus via un compte UBS à Singapour, en provenance de la société thaïlandaise Network – un agent habituel d’Airbus – soulèvent néanmoins des questions. L’ordre de virement portait la mention énigmatique « commission to friend », une formule floue qui alimente les soupçons de versements occultes.

Ce volet du procès s’ajoute à une affaire déjà tentaculaire, marquée par des rebondissements et des zones d’ombre. Airbus, qui a échappé à des poursuites pénales en 2022 grâce à une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) moyennant 15,9 millions d’euros – partie d’une amende globale de 3,6 milliards –, reste éclaboussé par ces allégations. Alors que les débats se poursuivent, le tribunal devra trancher : cette commission « fantôme » était-elle une rémunération légitime ou le symptôme d’un système plus trouble, impliquant des réseaux d’influence au sommet de l’État et de l’industrie ?

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