Premier Français à avoir volé à bord d’une navette spatiale, Patrick Baudry n’a rien perdu de sa passion pour les étoiles. Ni de son franc-parler. Invité à Touques ce vendredi 4 avril pour une conférence, l’ancien spationaute du CNES et de l’ESA compte bien y livrer une vision sans concession du voyage spatial — entre promesses, dérives et illusions perdues
La révolution Musk et les illusions européennes
Lorsqu’il évoque les avancées majeures de ces dernières décennies, Baudry n’hésite pas une seconde : « La vraie révolution, c’est Elon Musk. » Pour lui, le patron de SpaceX a bouleversé la donne en prouvant qu’on pouvait rentabiliser l’espace en réutilisant les lanceurs. « Pendant ce temps, Ariane est à la traîne… Je n’ose même pas en parler. » Et d’enfoncer le clou : « Les administrations ont montré leur inefficacité. Musk, lui, va vite et bien. » À ses yeux, la privatisation de l’espace n’est pas une dérive, mais une nécessité. Et tant mieux si des milliardaires se paient un tour en orbite. « Le tourisme spatial, c’est une belle aventure. Ceux qui paient vivent un moment unique et ça ne coûte rien au contribuable. »
Contre l’exil martien : « Notre planète est formidable »
Baudry, lui, a vu la Terre depuis l’espace. Et ce qu’il y a vu l’a convaincu d’une chose : nul besoin d’aller chercher ailleurs ce que nous ne savons déjà pas préserver ici. « On peut travailler sur la Lune, exploiter des ressources sur Mars. Mais y vivre ? Pour quoi faire ? » s’interroge-t-il. « La Terre est un bijou. Unique. Et nous la maltraitons. » Quant à l’idée de faire de Mars un refuge pour l’humanité, il la balaye sans ménagement. « C’est un fantasme de science-fiction. Installer des gens là-bas n’a aucun sens. » Militaire de formation, il connaît aussi l’envers du décor spatial : celui des satellites espions, des projets d’armement en orbite et des tensions croissantes entre puissances. « Depuis Spoutnik, l’espace est une zone d’observation stratégique. Dès que l’homme explore un nouveau territoire, il y installe ses conflits. » À 78 ans, Patrick Baudry garde les pieds sur Terre. Et les yeux rivés sur le ciel, mais sans illusion. À Touques, il viendra rappeler que si l’espace fait rêver, il ne doit pas faire oublier l’essentiel : notre planète, ce miracle que l’on habite déjà.