Mediapart, la vertu et ses contradictions

Mediapart, la vertu et ses contradictions

Trois procès majeurs secouent l’actualité judiciaire cette semaine, et tous portent la marque de Mediapart. Le réquisitoire historique contre Nicolas Sarkozy dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, le jugement très attendu de Marine Le Pen dans le dossier des assistants parlementaires européens, et les suites judiciaires de l’affaire Gérard Depardieu, mise au jour en 2023 par Marine Turchi : ces dossiers emblématiques illustrent l’impact concret et durable du journalisme d’investigation. Ils disent aussi, malgré les critiques, la puissance d’un média qui dérange.

Depuis sa création, Mediapart a fait le pari risqué d’un modèle indépendant, fondé sur l’abonnement et l’enquête au long cours. Ce modèle, exigeant mais vertueux, a permis de révéler des scandales d’État, de faire tomber des figures puissantes et de documenter des injustices restées trop longtemps impunies. Peu de rédactions peuvent se targuer d’un tel bilan, qui confère à Mediapart une légitimité incontestable dans le paysage médiatique français.

Mais l’honnêteté oblige à ne pas taire ce qui dérange, même chez ceux qui dénoncent les abus. Cette semaine, on pouvait lire dans les colonnes d’Entrevue et alors même que les enquêtes du site Mediapart nourrissent l’agenda judiciaire, que la Cour européenne des droits de l’homme a débouté le site d’investigation dans un contentieux fiscal vieux de plus de dix ans. Le site a définitivement perdu son bras de fer avec l’administration fiscale française, qui lui reprochait d’avoir appliqué indûment un taux réduit de TVA à ses abonnements numériques. Montant total : 4,7 millions d’euros.

L’affaire, technique et ancienne, n’en reste pas moins symbolique. Car elle vient rappeler que nul, pas même un média d’investigation, ne peut s’exonérer de ses obligations fiscales. Certes, Mediapart a plaidé la bonne foi et le combat pour une presse numérique équitable, mais le Conseil d’État, comme la CEDH, ont estimé que la loi avait été violée. Difficile de ne pas voir ici une contradiction entre la posture morale du média et ses propres pratiques.

Cela dit, il serait injuste de réduire Mediapart à cette affaire. Son rôle dans l’écosystème démocratique est irremplaçable. Ses enquêtes font trembler les puissants, réveillent les institutions, et rappellent que le journalisme, quand il est libre et rigoureux, reste une arme civique. L’erreur ne gomme pas la vérité. Et malgré ses fautes, Mediapart continue de rendre des comptes, à sa manière : en publiant.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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