C’est un choc cinématographique autant qu’un geste politique. Ce mercredi 26 mars sort en salles Manas, premier long-métrage de fiction de la Brésilienne Marianna Brennand, qui choisit la puissance du cinéma narratif pour dénoncer une réalité glaçante : les violences sexuelles systémiques que subissent les jeunes filles sur l’île amazonienne de Marajo, au nord du Brésil. Un film fort, viscéral, d’une beauté sidérante et d’une gravité maîtrisée.
Une immersion dans l’enfer domestique
Derrière le décor paradisiaque de la forêt amazonienne, Manas lève le voile sur l’enfer quotidien de Marcielle, dite Tielle, 13 ans. Vivant dans une maison précaire au bord du fleuve avec ses parents, ses frères et sa sœur, l’adolescente voit son monde basculer après une chasse avec son père. Dès lors, le film prend le temps de dévoiler, par touches subtiles et coups de poing symboliques, la spirale d’abus domestiques et communautaires dans laquelle elle est aspirée.
De la réalité à la fiction, un choix nécessaire
Inspiré de dix années d’enquête de terrain, Manas aurait pu être un documentaire. Mais face à l’omerta et à la peur omniprésente, Marianna Brennand a choisi la fiction comme outil de vérité. Coproduit par les Dardenne et Walter Salles – qui vient de décrocher l’Oscar du meilleur film étranger avec Je suis toujours là – le film devient une fable noire, poignante, sur la transmission du silence, la brutalité des traditions, et la lente construction d’une résistance féminine.
Une mise en scène d’une finesse bouleversante
Sans jamais verser dans le pathos ni l’explicite, Brennand filme l’abîme à hauteur d’enfant, grâce à l’interprétation saisissante de la jeune Jamilli Correa. Chaque regard, chaque geste, chaque silence résonne. Des détails anodins – une corde rompue, un bonbon tendu par un prédateur, de la boue sur un visage paternel – deviennent des indices de l’horreur en train de se jouer. Et dans cette forêt saturée de vert et d’humidité, la sororité reste la seule échappatoire, même fragile.
Manas est un cri étouffé, une plaie ouverte, un chef-d’œuvre inaugural. En Amazonie comme ailleurs, il rappelle que la famille peut être un lieu de danger pour les femmes et les enfants, et que le silence n’est pas un oubli, mais une survie. Avec une mise en scène élégante et maîtrisée, une direction d’acteurs puissante et une photographie sublime, Marianna Brennand signe un film qui comptera. Un choc salutaire.