L’intelligence artificielle pense-t-elle réellement, ou s’agit-il simplement d’une simulation ?

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Le monde de l’intelligence artificielle évolue à un rythme effréné, rendant difficile pour les observateurs de suivre les développements successifs. OpenAI annonce un nouveau modèle, puis la société chinoise DeepSeek en publie un autre, et OpenAI réagit immédiatement avec une version encore plus avancée. Bien que chaque modèle soit impressionnant individuellement, se concentrer excessivement sur ces évolutions isolées peut nous faire oublier la tendance globale des six derniers mois.

Les modèles récents peuvent-ils réellement déduire ?

Les entreprises d’intelligence artificielle affirment que leurs modèles les plus récents possèdent des capacités de raisonnement authentiques, similaires à la pensée humaine lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes. Mais la question essentielle est : est-ce vraiment le cas ?

Répondre à cette question est crucial, car la validité de cette affirmation influencera la manière dont les individus et les gouvernements utiliseront l’intelligence artificielle dans leur quotidien.

Lorsque vous utilisez ChatGPT, vous remarquez qu’il est conçu pour fournir des réponses rapides. Cependant, les modèles récents, comme O1 d’OpenAI et R1 de DeepSeek, sont conçus pour aborder les problèmes de manière analytique, en les décomposant en étapes plus petites et en les résolvant progressivement. Cette approche est appelée « raisonnement en chaîne » (Chain-of-Thought Reasoning).

Des résultats impressionnants, mais des échecs évidents

Ces modèles ont démontré une capacité à résoudre des énigmes logiques complexes, à exceller dans des tests de mathématiques et à rédiger du code sans erreur. Cependant, ils ont également échoué à répondre à des questions simples de manière surprenante. Par exemple, le modèle O1, surnommé « Strawberry », n’a pas réussi à compter correctement le nombre de lettres « r » dans le mot « strawberry ».

Cet écart de performance suscite des interrogations chez les experts : ces modèles sont-ils réellement capables de raisonnement déductif, ou se contentent-ils de simuler la pensée humaine ?

Qu’est-ce que le raisonnement ?

Avant de répondre, il est important de définir le concept de « raisonnement ». Les entreprises d’intelligence artificielle le définissent comme la capacité à décomposer un problème en petites parties et à les résoudre progressivement, ce qui améliore la qualité de la solution.

Cependant, les scientifiques spécialisés en cognition estiment que le raisonnement englobe plusieurs types :

  • Raisonnement déductif : partir de principes généraux pour arriver à des conclusions spécifiques.
  • Raisonnement inductif : utiliser des observations spécifiques pour formuler des règles générales.
  • Raisonnement analogique, raisonnement causal et raisonnement basé sur le bon sens, entre autres.

L’une des caractéristiques fondamentales du raisonnement humain est la généralisation : la capacité à identifier des schémas à partir d’un ensemble limité de données et à les appliquer à de nouvelles situations. Par exemple, les jeunes enfants peuvent apprendre des règles abstraites après avoir vu seulement quelques exemples. L’intelligence artificielle en est-elle capable ?

L’avis des sceptiques : l’IA ne raisonne pas vraiment

La philosophe de la technologie Shannon Vallor affirme que les modèles récents n’effectuent pas réellement de raisonnement, mais simulent simplement la pensée humaine. Plutôt que de raisonner comme un être humain, ils reproduisent des schémas appris à partir des données.

Lorsque O1 a été développé, la structure de base utilisée par ChatGPT n’a pas été radicalement modifiée. Or, ChatGPT présentait déjà des erreurs évidentes dans la résolution de problèmes simples. Pourquoi alors penser que O1 est fondamentalement différent, surtout lorsqu’il échoue lui aussi sur des questions élémentaires ?

La chercheuse Melanie Mitchell de l’institut Santa Fe a mené ses propres expériences sur des humains et a constaté qu’ils peuvent résoudre des problèmes par raisonnement en beaucoup moins de temps que les modèles d’intelligence artificielle, qui nécessitent parfois des heures de calcul. Cela soulève une question : ces modèles raisonnent-ils vraiment ou se contentent-ils d’exploiter une puissance de calcul massive sans réelle compréhension ?

L’avis des partisans : ces modèles développent une forme de raisonnement

À l’inverse, des chercheurs comme Ryan Greenblatt, responsable de la recherche chez Redwood Research, estiment que ces modèles possèdent bien certaines capacités de raisonnement, bien qu’ils reposent encore davantage sur la mémoire et les connaissances stockées que sur une véritable compréhension humaine. Selon lui, ils évoluent progressivement vers une forme de raisonnement plus avancée.

L’IA n’est ni plus « intelligente » ni plus « stupide » que l’humain, mais différente.

Plutôt que de voir l’intelligence artificielle comme « plus intelligente » ou « plus stupide » que l’humain, il est préférable de la considérer comme une forme d’intelligence différente. Alors que l’intelligence humaine est interconnectée, l’IA fonctionne avec une « intelligence hétérogène », où elle excelle dans certaines tâches tout en étant faible dans d’autres.

La chercheuse Katja Kotra pense qu’un jour, l’IA surpassera l’homme dans tous les domaines. La vraie question est : comment gérerons-nous cette évolution ?

Comment utiliser l’IA de manière responsable ?

  • Utilisation optimale : pour des tâches dont la véracité peut être facilement contrôlée, comme la programmation ou la création de sites web.
  • Prudence requise : pour des domaines où il n’existe pas de réponse unique, comme les questions éthiques ou les décisions sensibles. Dans ces cas, l’IA doit être utilisée comme un outil d’aide à la réflexion, et non comme un arbitre absolu.

Le débat sur la capacité de l’IA à raisonner reste ouvert. Pour l’instant, il est essentiel de l’utiliser avec discernement, en tirant parti de ses capacités tout en restant conscient de ses limites. Le véritable défi ne réside pas seulement dans le développement de l’IA, mais dans la manière dont nous choisissons de l’intégrer à notre société de façon responsable.

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