Une étude récente, la première du genre, publiée en janvier dans la revue The Lancet Public Health, met en évidence l’influence des expériences traumatisantes vécues par l’aîné sur la santé mentale de l’ensemble de la fratrie. Ces résultats soulignent l’importance d’un soutien psychologique précoce pour les enfants, afin de prévenir d’éventuels troubles mentaux au sein de la famille.
Maltraitance et négligence
Des chercheurs de l’University College London ont découvert que les enfants aînés ayant traversé des épreuves psychologiques difficiles augmentaient de 71 % le risque que leurs frères et sœurs développent également des troubles mentaux. L’étude a analysé les dossiers médicaux de 333 000 mères ayant donné naissance à leur premier enfant et de 534 000 enfants nés en Angleterre entre 2002 et 2018, incluant à la fois les aînés et leurs cadets.
Les chercheurs ont suivi ces familles sur une longue période, depuis la grossesse jusqu’aux 18 ans des enfants, afin d’examiner si les expériences négatives précoces (de la grossesse aux deux premières années de vie) des aînés influençaient le bien-être mental de leurs frères et sœurs.
L’étude a particulièrement porté sur certains facteurs de risque, notamment la maltraitance (physique, sexuelle ou verbale), la négligence, la violence domestique entre les parents, ainsi que les addictions maternelles (drogues, alcool, médicaments). Elle a également pris en compte l’état psychologique des mères et l’environnement familial (précarité, criminalité parentale, sans-abrisme).
Les résultats révèlent que 20 % des mères étudiées avaient au moins un enfant souffrant de troubles mentaux, tandis que 1,7 % d’entre elles avaient deux enfants ou plus concernés, âgés de 5 à 18 ans. Parmi les enfants aînés, 37 % avaient connu au moins une expérience négative dans leur enfance et 10 % avaient été exposés à plusieurs événements traumatisants avant l’âge de trois ans.
L’étude met aussi en évidence une augmentation de 50 % des admissions aux urgences médicales dans les familles où le premier enfant avait vécu des difficultés psychologiques, qu’elles soient d’ordre mental ou physique. Le nombre de consultations pour des troubles psychologiques y était également deux fois plus élevé que dans les familles où l’aîné n’avait pas souffert de telles expériences.
Bien que le lien exact entre les souffrances du premier enfant et l’impact sur ses frères et sœurs ne soit pas totalement élucidé, les chercheurs estiment que l’influence émotionnelle et l’environnement familial jouent un rôle clé. Parmi les facteurs les plus déterminants figurent la détresse psychologique de la mère et un cadre familial délétère.
Risque accru de troubles mentaux
L’étude révèle que les mères dont l’aîné a connu des expériences traumatisantes présentent un risque accru de 71 % que leurs autres enfants développent également des problèmes psychologiques.
Alors que les recherches antérieures s’étaient principalement concentrées sur les conséquences des traumatismes de l’enfance sur l’individu lui-même, cette étude démontre que ces impacts s’étendent à toute la fratrie. Il est donc essentiel de prendre en charge les difficultés psychologiques du premier enfant afin de limiter les risques pour ses frères et sœurs. Plus les facteurs de risque sont nombreux (détresse psychologique maternelle, addiction, environnement familial néfaste), plus la probabilité de troubles mentaux augmente chez les autres enfants.
Les chercheurs recommandent d’identifier les familles où les enfants sont exposés à des difficultés psychologiques majeures, notamment lorsqu’ils vivent dans des environnements marqués par la violence domestique, le harcèlement scolaire ou un voisinage dangereux. Un soutien psychologique adapté pourrait alors constituer une forme de prévention pour toute la fratrie.
L’étude met également en garde contre l’idée selon laquelle les jeunes enfants seraient trop petits pour percevoir les tensions familiales. Même en bas âge, ils peuvent ressentir l’anxiété et les difficultés émotionnelles de leurs parents, ce qui peut impacter leur bien-être mental.
Les professionnels de l’éducation et les proches doivent être attentifs à certains signes révélateurs d’un mal-être chez les enfants d’âge préscolaire, tels que :
Une tendance marquée à l’isolement ou une timidité excessive
Un manque d’engagement dans les activités scolaires
Une absence d’intérêt pour le jeu avec d’autres enfants.
Des difficultés d’adaptation sociale.
Des comportements agressifs et des accès de colère fréquents.
Un désintérêt général pour toute nouveauté
Des troubles du sommeil et des cauchemars.
Si ces signes apparaissent, une prise en charge rapide est essentielle afin d’éviter des répercussions à long terme sur la santé mentale de l’enfant et de ses frères et sœurs.
