Le retard pris par Apple dans le lancement de la nouvelle version de son assistant vocal Siri, désormais soutenu par l’intelligence artificielle, a encore terni son image d’entreprise innovante et accentué son retard face à ses concurrents dans la course à l’IA.
Les doutes concernant la situation d’Apple se sont amplifiés après qu’un observateur influent de l’entreprise, le spécialiste tech John Gruber, a publié ces dernières semaines une critique cinglante sur son blog intitulée « Quelque chose est pourri à Cupertino », en référence au siège d’Apple.
Connu pour son enthousiasme habituel envers les produits Apple, le chroniqueur a exprimé sa colère de ne pas avoir été plus sceptique lorsque la société a annoncé, en juin dernier, que Siri allait bénéficier d’une mise à niveau majeure via des technologies d’intelligence artificielle générative (genAI).
Cette technologie, prévue comme une partie intégrante du pack Apple Intelligence pour les logiciels de l’iPhone, visait à renforcer les capacités d’un assistant vocal longtemps moqué par les utilisateurs, allant bien au-delà de l’annonce de la météo ou de la programmation d’alarmes.
Les investisseurs espéraient que cette mise à jour relancerait la croissance des ventes d’iPhones, en apportant de nouvelles fonctionnalités suffisamment séduisantes pour inciter les consommateurs à acheter les derniers modèles, souvent très coûteux. Apple Intelligence, censée alimenter le nouveau Siri, devait stimuler cette demande dès la sortie de l’iPhone 16 en septembre.
Mais au lieu de cela, Apple a annoncé discrètement, le 7 mars, que la version améliorée de Siri ne serait pas disponible dans les délais initialement prévus.
Comme pour accentuer la pression, Amazon avait déjà présenté en février une version remaniée de son assistant vocal Alexa, désormais dotée d’intelligence artificielle générative.
Apple a déclaré que « le développement de ces fonctionnalités prendra plus de temps que prévu, et nous pensons pouvoir les lancer l’année prochaine ».
Protection de la vie privée vs Intelligence artificielle
Les théories divergent quant aux raisons pour lesquelles Apple a du mal à exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle.
Pour Marcus Collins, professeur de marketing à l’université du Michigan, les difficultés rencontrées par Apple avec Siri et l’IA générative pourraient davantage être liées à son attachement à la confidentialité des données qu’à un véritable problème d’innovation.
Il est bien connu que l’IA nécessite l’accès à d’énormes volumes de données personnelles pour offrir des performances optimales.
Collins a déclaré à l’AFP : « Apple n’a jamais transigé sur la confidentialité . »
Cependant, il ajoute : « À un moment donné, les données, la créativité et le langage des utilisateurs sont exploités pour entraîner de meilleures IA. » Réussir cela tout en respectant les principes d’Apple peut s’avérer plus difficile que prévu. »
L’analyste technologique Avi Greengart estime que la forte promotion autour de l’intelligence artificielle d’Apple dans l’iPhone 16 constitue en réalité un point faible, car la majorité des fonctionnalités promises ne sont pas encore disponibles sur cet appareil.
Il tempère toutefois en indiquant que, même si les fonctions IA de Google Gemini sur Android sont bien plus avancées que celles d’Apple, les utilisateurs pourraient ne pas percevoir de différences majeures dans l’usage quotidien.
Il explique : « Même les meilleures applications d’IA sur les smartphones aujourd’hui ne transforment pas fondamentalement votre manière d’utiliser votre appareil », ajoutant que « personne n’a encore atteint une vision pleinement aboutie, ce qui laisse à Apple du temps pour rattraper son retard ».
Cela dit, les critiques les plus sévères reprochent à Apple de trop miser sur ses succès passés et sur la popularité historique de l’iPhone.
Les déceptions dans le domaine de l’IA ont d’ailleurs suivi de près le lancement mitigé du Vision Pro, le casque de réalité virtuelle haut de gamme d’Apple, qui n’a pas rencontré le succès escompté depuis sa sortie en 2023.
Malgré les récentes critiques et une baisse de 8 % de son action depuis le début de l’année, Apple reste l’entreprise la plus valorisée au monde, avec une progression d’environ 30 % de son cours par rapport à l’an dernier.
Elle a également annoncé des revenus massifs de 124,3 milliards de dollars au quatrième trimestre de l’année écoulée, même si cette performance est restée en deçà des attentes des marchés.