INTERVIEW – « Notre époque ne plairait pas à Serge Gainsbourg. Il aimait la liberté. » Billy Obam et Jacky du Club Dorothée rendent hommage au chanteur, qui aurait eu 97 ans aujourd’hui, dans un clip émouvant

INTERVIEW – « Notre époque ne plairait pas à Serge Gainsbourg. Il aimait la liberté. » Billy Obam et Jacky du Club Dorothée rendent hommage au chanteur, qui aurait eu 97 ans aujourd’hui, dans un clip émouvant

Né le 2 avril 1928 et mort le 2 mars 1991, Serge Gainsbourg aurait eu 97 ans aujourd’hui. Pour commémorer l’anniversaire du chanteur, Billy Obam, son ancien choriste et danseur sur le titre Your’ Under Arrest, ainsi que Jacky du Club Dorothée, qui a été l’attaché de presse de Gainsbourg pendant 10 ans, viennent de sortir une chanson et un clip, Happy Birthday Gainsbourg. Un projet porté par Billy Obam, qui a côtoyé Serge Gainsbourg jusqu’à la fin de sa vie. Il nous parle de cet hommage et de son vécu avec « l’Homme à la tête de choux. »

Jérôme Goulon: Ce 2 avril 2025, Serge Gainsbourg aurait eu 97 ans. Toi qui l’a connu, tu as préparé une petite surprise…
Billy Obam: Oui. Serge Gainsbourg aurait eu 97 ans ce 2 avril. Et donc je voulais lui rendre hommage. J’avais fait un hymne à Gainsbourg il y a quelque temps, avec le producteur Danny Brown et le regretté Thomas Voiment. Et j’ai donc fait une nouvelle version de cette chanson avec Jacky, du Club Dorothée. Il a été pendant 10 ans l’attaché de presse de Serge Gainsbourg. Il a tout de suite accepté ma proposition. Il a fait un feat sur le titre.

C’est une super idée ! Tu as fait chanter Jacky ?
Jacky ne chante pas, mais il a cette chance d’avoir une voix que l’on reconnait tous. Il a une personnalité. Donc il parle dans la chanson. Jacky, il est iconique ! Je savais qu’il n’était pas un chanteur, mais on reconnaît tout de suite sa voix. Le fait que je pose sa voix sur la musique, je pensais que ça pouvait être très intéressant. Et je suis très content de ce que ça donne. En deux prises, l’enregistrement était réussi ! J’espère que les gens vont apprécier. On a aussi réalisé un clip, réalisé par Fabrice Zenou et Olive Berbère, avec ma sœur, BB Ange, qui est aussi chanteuse. J’en profite pour remercier Patrick Blais. C’est un passionné de Gainsbourg. Il a acheté pas mal de choses qui appartenaient à Serge. Il a recréé l’univers de Gainsbourg. Et il nous a fourni des images pour le clip. 

Serge Gainsbourg aurait donc eu 97 ans. Que retiens-tu de lui ?
Il fera toujours partie de ma vie. Constamment, on me parle de Gainsbourg. Dans la rue ou dans une soirée, on me parle souvent de You’re Under Arrest… Ce que je retiens, c’est que Serge Gainsbourg était un homme libre. Il osait ce que personne n’osait.

Mais aujourd’hui, Gainsbourg pourrait-il dire ce qu’il pense, comme à son époque ?
Non. C’est devenu un cauchemar. On est dans un pays de liberté, et je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse censurer ceux qui disent ce qu’ils pensent, comme ils l’ont fait récemment avec Cyril Hanouna.

Tu fais un parallèle entre Cyril Hanouna et Serge Gainsbourg ?
Oui. Cyril Hanouna est un homme libre. Comme l’était Gainsbourg. Il dit ce qu’il pense. On s’est rencontrés il y a 20 ans, et à Noël, il m’a remis dans la lumière en me faisant chanter dans TPMP !, en rappelant aux gens que j’avais été le choriste de Serge Gainsbourg. Mais aujourd’hui, dire ce qu’on pense, ça ne passe plus. Je suis scandalisé de la suppression de C8. Hanouna donnait la parole à tout le monde : des handicapés, des Blancs, des Noirs, des gens de gauche, des gens de droite, des filles voilées. Il a permis à toute la France de venir dans son émission. On n’a pas le droit d’arrêter une chaine de télévision. Des gens comme Cyril, on en  a besoin. Et c’est pour ça que des des artistes comme Gainsbourg, Desproges ou Coluche nous manquent. Mais aujourd’hui, ils auraient des gros problèmes.On est dans un monde de bien-pensance. Il faut arrêter !

Gainsbourg ne pourrait plus chanter les mêmes chansons aujourd’hui ?
Ce serait très compliqué, il aurait toutes les féministes qui lui tomberaient dessus.

« Des artistes comme Gainsbourg, Desproges ou Coluche nous manquent. Mais aujourd’hui, ils auraient des gros problèmes. »

Il ne serait pas heureux à notre époque ?
Non. Notre époque ne lui plairait pas tellement. Gainsbourg aimait la liberté. Il était généreux. Il serait également malheureux de voir la France aujourd’hui, avec la montée de l’antisémitisme.

Tu as l’impression qu’on l’oublie un peu, qu’on ne lui rend pas assez hommage ?
On ne rend pas assez hommage à Serge Gainsbourg, autant qu’on peut rendre hommage à d’autres artistes. C’était un artiste à part, et il mériterait qu’on parle plus de lui. On a vu des hommes hallucinants d’autres artistes qui n’avaient pas le talent de Gainsbourg. Je ne dirai pas leur nom… Après, je pense que des gens de la jeune génération commencent à le découvrir et se rendre compte de l’artiste qu’il était.

Si tu devais choisir une seule chanson ?
Je suis venu te dire que je m’en vais. C’est somptueux. C’est sublime.

Que penses-tu des propos de Ben Attal, le petit-fils de Serge Gainsbourg, qui a dit qu’il avait toujours détesté son grand-père, qu’il traite de « grossier, dégueulasse et alcoolo », en mars 2024 ?
C’est bien dommage. C’est un jeune d’aujourd’hui. Moi, je ne pourrais pas parler comme ça de mon grand-père. Gainsbourg, ce n’est pas ça. C’est La Javanaise, des chansons sublimes. J’ai fréquenté Gainsbourg, et ça a été quelqu’un de génial avec moi. Les artistes sont ce qu’ils sont…

Tu as été au musée Gainsbourg ?
Oui, bien sûr ! Charlotte a fait un travail extraordinaire. Et puis me retrouver dans les archives  de sa maison, sur une vidéo diffusée chez lui, dans le musée, c’est incroyable. C’est très émouvant pour moi de faire partie des archives de Serge Gainsbourg, avec tout ce qu’il a fait. Ça m’a mis la larme à l’œil. Mon histoire avec Gainsbourg me suivra jusqu’à la fin de mes jours. Gainsbourg, ça me colle plus que tout, et j’en suis fier.

Justement, tu fais partie des personnes qui ont connu le 5 bis rue de Verneuil, à Paris. Qu’est-ce que cette adresse représente pour toi ?
La maison de Gainsbourg, ça représente quelque chose de très important dans ma vie. La première fois que j’ai rencontré Serge Gainsbourg, c’était au 5 bis rue de Verneuil. C’était en 1987, j’avais 20 ans. Il cherchait un danseur et un choriste pour faire la promo à la télé de son titre You’r Under Arrest et tourner le clip, car le chanteur américain Curtis King. Jr., qui avait posé sa voix sur le disque, n’était pas disponible. À la suite d’un casting que j’avais fait avec Philippe Lerichomme, son parolier, une limousine est venue me chercher et m’a emmené au 5 bis. J’arrive, la porte s’ouvre, et j’ai Serge Gainsbourg devant moi. La première chose qui me frappe sur le moment, ce sont ces murs complètement noirs et une énorme photo de Brigitte Bardot nue. Je n’oublierai jamais ce moment. Serge était là, il me regardait, j’étais très intimidé. Lui était très taquin. Le majordome m’a amené un Coca-Cola, et Serge m’a demandé de danser devant lui. Il m’a fait croire que je passais une audition, alors qu’il m’avait déjà choisi. Donc, ça, c’est mon premier souvenir avec lui. Mais le 5 bis, c’est aussi un douloureux souvenir.

Tu fais partie en effet des personnes qui ont vu Serge Gainsbourg sur son lit de mort …
Oui. Un jour, je reçois un coup de fil de Philippe Lerichomme, qui m’annonce la mort de Serge. Je me rends rue de Verneuil, et donc la dernière fois que je vois Serge, c’est en haut, à l’étage. Serge était allongé sur son lit, mort, avec une peluche à côté de lui. J’ai ressenti beaucoup de tristesse à ce moment-là. Je n’arrivai pas à croire que Gainsbourg était mort. J’avais l’impression qu’il dormait. Ce qui était très bizarre, c’est qu’en arrivant rue de Verneuil, les gens présents dans la rue m’applaudissaient. Je n’ai pas compris pourquoi sur le moment…

Tu repasses de temps en temps devant la maison de Gainsbourg ?
Oui. Quand je suis vers Saint-Germain-Des-Prés, cela m’arrive de passer devant la maison de Serge Gainsbourg. C’est très émouvant pour moi, car j’ai vécu des moments magnifiques avec lui. On a mangé ensemble et chanté des chansons dans cette maison. Je l’écoutais aussi me jouer du piano … J’avais 20 ans, et Gainsbourg s’est comporté comme un père avec moi. Je lui dois énormément. Nous étions proches.

Il y a des moments forts qui t’ont marqué plus que d’autres ?
On a passé quelques soirées ensemble. Il avait des moments difficiles. Serge Gainsbourg n’avait pas digéré sa séparation avec Jane Birkin. Il a pleuré dans mes bras plusieurs fois. Je pense que je lui apportais du réconfort.

Il pleurait à cause de Jane Birkin alors qu’il était avec Bambou ?
Oui. Ça ne veut pas dire qu’il n’aimait pas Bambou, mais Jane Birkin et lui, c’était une histoire très forte. D’ailleurs, quand on parle de Gainsbourg, tout le monde l’associe à Jane Birkin, et pas une autre. On l’a bien vu à sa mort. Pour te dire à quel point il n’avait pas oublié Jane Birkin, Bambou n’avait pas le droit de toucher la statue de la sirène qui était au pied de son lit, car c’était «la statue de Jane Birkin».

Quand Serge Gainsbourg t’a fait venir avec lui dans des émissions, on ne voyait pas beaucoup de Noirs à la télé. C’était un précurseur ?
Tu as raison, on ne voyait pas de Noirs à la télévision, à part les stars américaines. C’était sa magie à lui. Gainsbourg a été l’un des premiers à s’exposer avec une personne de couleur. Il m’a fait venir sur Champs-Élysées, Sacrée soirée, Lahaye d’honneur, ou encore chez les Carpentier … Il m’a fait faire toutes les plus grosses émissions…

Tu as une anecdote avec lui qui t’a marquée ?
Gainsbourg était quelqu’un de très humain et de très touchant… Il adorait l’Afrique et quand je venais chez lui, il me cuisinait parfois des bananes plantain. Un jour, il est même venu rendre visite à ma maman à Bruxelles, car il me l’avait promis, alors que rien ne l’y obligeait. Il n’y a pas beaucoup d’artistes qui feraient ça aujourd’hui…

S’il nous écoutait, tu lui dirais quoi ?
Que je l’aime ! Tous les jours, je remercie le Bon Dieu d’avoir mis Gainsbourg sur ma route.

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Le musée Serge Gainsbourg Du Collectionneur Patrick Blais, À Niort. Photo : @Patrick Blais

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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