Il y a 10 ans, Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine se tuaient sur le tournage de Dropped. Philippe Candeloro, qui participait au jeu, nous raconte ses derniers moments avec eux…

Il y a 10 ans, Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine se tuaient sur le tournage de Dropped. Philippe Candeloro, qui participait au jeu, nous raconte ses derniers moments avec eux…

Il y a 10 ans jour pour jour, le lundi 9 mars 2015, le tournage de l’émission de télé-réalité Dropped a viré au drame. Deux hélicoptères se sont percutés peu après leur décollage dans la province de la Rioja, au nord-Ouest de l’Argentine. Parmi les dix victimes du crash, trois sportifs français : la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine. Ce tragique accident est encore dans toutes les mémoires. Philippe Candeloro, qui participait à Dropped, a échappé de peu à la catastrophe, et nous avait accordé une interview pour parler de ce terrible drame, évoquant ses derniers instants passés avec ces champions partis trop tôt…

Entrevue : Sur le moment, votre agent vous a dit « extrêmement choqué » par l’accident. On se remet d’un tel drame ?
Philippe Candeloro : À un moment donné, il faut bien tourner la page afin d’éviter de penser sans cesse à ces horreurs que nous avons vécues.

Votre famille a dû s’inquiéter…
J’ai eu la chance de pouvoir téléphoner à ma femme seulement quinze minutes après la chute des hélicoptères. Cela m’a permis de la rassurer, avant qu’elle et mes proches ne commencent à s’inquiéter.

Vous ne devez la vie qu’au fait que vous attendiez la rotation suivante d’hélicoptères. Croyez-vous au miracle depuis ce 9 mars 2015 ?
Non, je ne me considère pas comme un survivant. C’est très difficile pour nous. Nos familles sont heureuses de nous avoir récupérés sains et saufs. Or, je ne peux m’empêcher de penser à celles qui n’ont pas eu cette chance. Ensuite, ce n’est pas comme si quelqu’un m’avait empêché de monter dans l’hélicoptère, en prétextant que mon heure n’était pas encore venue. Ma survie tient surtout au fait que le départ des hélicoptères avait été retardé de six heures.

Pour quel motif ?
Les conditions météorologiques n’étaient pas « optimales ». C’est ce que les pilotes nous ont dit. D’ailleurs, si nous étions partis plus tôt, ces derniers se seraient peut-être mieux concentrés sur notre point de chute, plutôt que de s’attarder à tourner des images supplémentaires. Et ce, pour la simple et bonne raison que l’endroit était… « joli » ! Ces interrogations sont, de toute façon, vaines tant il est vrai qu’avec des « si », on ne revient pas en arrière. Par chance, avant notre départ, nous avons trouvé le temps de nous recueillir autour d’un dernier feu dédié aux victimes. L’occasion d’observer une minute de silence et de leur adresser un ultime message. Quelque part, je pense que cela nous a aidés à nous faire une raison…

Trois athlètes de premier plan ont péri dans l’accident. Les connaissiez- vous avant le tournage ?
Je ne les avais encore jamais côtoyés personnellement. J’ai véritablement appris à les connaître sur place, c’est à dire au cours des dix derniers jours de leur vie. Je garde le souvenir de gens très sympathiques. Chaque soir, quand nous nous retrouvions à l’hôtel, nous ne formions plus qu’une seule et même équipe. C’est dans ces moments que nous nous amusions le plus. Je me rappelle aussi que certains d’entre eux s’étaient révélés bien plus fragiles qu’ils n’y
paraissaient à la télévision. Ils m’avaient confié avoir le sentiment de ne pas avoir totalement réussi leur carrière sportive…

Comment décririez-vous Florence Arthaud ?
Elle présentait un côté extrêmement drôle. À la surprise générale, il lui arrivait parfois de se mettre à nous parler en verlan ! (Rires.) Puis à table, elle avait toujours son petit verre de vin blanc à la main… Elle était à la fois cool et cultivée. Il faut dire qu’elle avait connu des moments si incroyables en mer, ce qui avait déjà failli lui coûter la vie une bonne vingtaine de fois ! Par conséquent, Florence Arthaud donnait la sensation d’être intouchable.

Quelle impression vous a laissé Alexis Vastine ?
Le pauvre garçon revenait de loin. Il nous avait raconté très froidement le drame qu’il avait traversé en tout début d’année quand sa petite sœur, Célie, est décédée dans un accident de voiture. Ça l’avait plongé dans une tristesse infinie. Puis il a aussi évoqué, sans rougir, sa dépression. Malgré tout, Alexis avait une volonté monstrueuse de se remettre à l’entraînement avec la volonté d’aller jusqu’aux Jeux olympiques de Rio en 2016. Il voulait que cette émission l’aide à se reconstruire. Ne pas avoir décroché de médaille d’or était son plus grand regret. Alexis, c’était aussi un mec qui voulait faire du cinéma. Il avait ce que l’on appelle une « bonne gueule ». Il chantait tout le temps !

Et Camille Muffat ?
Camille paraissait timide. Je sais qu’elle réapprenait tout doucement à vivre en dehors de la natation. Ce qui est sûr, c’est qu’elle aimait rigoler. Pour preuve, la veille du drame, elle nous avait régalés avec ses étonnants talents d’imitatrice. C’était une grosse déconneuse !

Après son retour, Louis Bodin a été hospitalisé pour un stress post-traumatique. Qu’avez-vous pensé du tôlé provoqué par son interview en direct devant la carcasse des hélicoptères ?
J’ai beaucoup discuté avec lui en Argentine. Il s’agit d’un monsieur très renfermé, mais ô combien sympathique. J’étais en admiration devant l’étendue de ses connaissances en astronomie et en météorologie. C’est un aussi un grand passionné de voile. Étrangement, après le crash, il ne m’a pas paru si effondré. Mais il a évoqué cette prétendue « bourde » qu’il aurait faite. En clair, il semble qu’il y ait eu un effet boule de neige. Car dès le départ, Louis Bodin n’avait pas le choix. La dite séquence a été  tournée dans la précipitation la plus totale ! Il était à seulement quelques minutes du direct, planté devant une caméra tenue par une équipe espagnole, tandis que TF1, de son côté, lui mettait la pression depuis Paris. Il est normal qu’il ait eu du mal à dire non !

Le journaliste Nelson Monfort, que vous connaissez bien, a été très touché par la disparition de Camille Muffat, dont il était proche. Cette épreuve va-t-elle vous rapprocher ?
Pour ça, nous n’avions pas besoin d’une telle tragédie. En revanche, cela pousse à profiter beaucoup plus l’un de l’autre. Comme Alain Bernard l’a souligné à juste titre, « il ne faut avoir aucun regret pour le passé ». Nous devons profiter pleinement des meilleurs moments de la vie, tout en relativisant.

Quel message aimeriez-vous adresser à tous les Français qui vous aiment et qui ont remercié le ciel de vous avoir sauvé ?
Je vous remercie infiniment ! J’ai reçu un nombre incalculable de messages de soutien, notamment en provenance de Chine. Dans la rue, les gens ont fait preuve d’une grande compassion à mon égard. Jusque-là, je n’avais encore jamais pu mesurer un tel degré de notoriété. Je n’ai réalisé qu’à ce moment-là à quel point des personnes m’aimaient et s’inquiètaient pour moi… Merci du fond du cœur !

Propos recueillis par Olivier Porri-Santoro pour Entrevue

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Entré à la rédaction d’Entrevue en 1999 en tant que stagiaire avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2014, Jérôme Goulon a dirigé le service reportages et réalisé de grosses enquêtes en caméra cachée et d’infiltration. Passionné de médias, d’actualité et de sport, il a publié de nombreuses interviews exclusives. En parallèle, il apparaît régulièrement depuis 2007 à la télévision sur différentes chaînes ( TF1, France 3, M6, C8, NRJ 12, RMC Story ), notamment sur les plateaux de Jean-Marc Morandini et Cyril Hanouna. Il a également été chroniqueur pour Non Stop people (groupe Canal+) et sur Radio J. 

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