La maison d’enchères Christie’s a ouvert une nouvelle ère en lançant sa première vente dédiée entièrement à des œuvres créées avec l’intelligence artificielle. L’événement, baptisé “Augmented Intelligence”, se déroule en ligne jusqu’au 5 mars et propose une vingtaine de pièces. Si cette initiative reflète l’influence croissante de l’IA dans le monde artistique, elle suscite également des débats passionnés.
Selon Nicole Sales Giles, directrice des ventes d’art numérique chez Christie’s, “l’IA est désormais un outil prolifique dans notre quotidien”, facilitant l’appréciation de cette technologie dans un contexte créatif. Le développement de modèles d’IA comme ChatGPT a démocratisé l’accès à ces innovations, permettant de générer des images ou des dessins à partir de simples requêtes textuelles. Cependant, l’utilisation de l’IA en art n’est pas nouvelle. Christie’s présente notamment une œuvre de Charles Csuri, pionnier de l’art numérique, datée de 1966.
Parmi les œuvres mises en vente, “Emerging Faces” de l’artiste Pindar Van Arman, estimée jusqu’à 250 000 dollars, se distingue. Cette série de neuf tableaux est le fruit d’une collaboration entre deux modèles d’IA, l’un dessinant un visage, l’autre arrêtant le processus dès qu’il reconnaît une forme humaine. Malgré l’innovation, certaines voix s’élèvent contre cette pratique.
La vente a suscité une vive opposition. Une pétition, signée par plus de 6 300 personnes, accuse Christie’s de commercialiser des œuvres issues de modèles d’IA ayant utilisé sans autorisation des créations protégées par le droit d’auteur. Selon les signataires, cette vente valorise une pratique assimilée à du “vol massif de travaux d’artistes humains”. En 2023, plusieurs artistes avaient déjà intenté des actions en justice contre des plateformes d’IA générative comme Midjourney, accusées d’exploitation illégale d’œuvres protégées.
Face aux critiques, l’artiste Refik Anadol, participant à l’événement, a défendu la démarche, affirmant que “la majorité des artistes du projet utilisent leurs propres données et modèles”. Pour Nicole Sales Giles, les controverses autour des nouveaux mouvements artistiques ne sont pas inédites : “L’idée que les artistes s’inspirent de leurs prédécesseurs n’est pas nouvelle.” Cependant, l’illustrateur Reid Southern souligne le problème éthique de l’IA : “Voler une ou deux personnes serait mal, mais voler des millions de personnes serait acceptable ?”
La vente “Augmented Intelligence” marque une étape importante dans l’évolution du marché de l’art, ouvrant la voie à un débat essentiel sur les droits de propriété intellectuelle et la place de l’intelligence artificielle dans la création artistique.