« YouTube n’est pas une chaîne TV » : Médiamétrie s’oppose à la vision de YouTube

11 novembre, 2024 / Entrevue

Dans le débat actuel autour de l’évolution des médias, la directrice générale de YouTube France, Justine Ryst, a récemment affirmé que « YouTube est aujourd’hui la première chaîne de télévision en France ». S’appuyant sur les audiences impressionnantes de la plateforme, elle considère que YouTube occupe désormais une place majeure dans le paysage audiovisuel français. Son argument principal repose sur la complémentarité croissante entre YouTube et les chaînes traditionnelles et sur des succès populaires, comme le documentaire d’Inoxtag, Kaizen, qui a conquis plus de 37 millions de vues.

Ryst a également plaidé pour la mise en place d’une mesure unique de l’audience pour toutes les plateformes, espérant un rapprochement des chiffres d’audience de YouTube avec ceux de la télévision traditionnelle. Selon elle, la popularité de la plateforme sur les téléviseurs connectés – avec une augmentation de 19 % en 2024 – et la diversité de formats offerts, comme les vidéos courtes et les formats longs, légitiment cette vision.

Une opposition ferme de Médiamétrie

Cette vision n’a pas été partagée par Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie, le principal organisme de mesure d’audience en France. Dans une déclaration publiée sur LinkedIn, il a exprimé son désaccord avec l’idée que YouTube puisse être qualifiée de « chaîne de télévision ». Pour lui, une chaîne de télévision se distingue par des critères stricts : des responsabilités éditoriales, une conformité légale rigoureuse, et des investissements constants dans le contenu.

Yannick Carriou a mis en garde contre une possible confusion entre plateformes de vidéos et chaînes de télévision, soulignant que chaque modèle repose sur des usages et des contraintes différents. « Une mesure cross-média consiste à rapprocher des objets différents, pas à les confondre », a-t-il déclaré, en insistant sur la nécessité d’une mesure transparente et équitable pour maintenir la confiance des annonceurs.

L’évolution des habitudes de consommation de contenu, marquée par la multiplication des écrans, a incité Médiamétrie à adapter ses mesures. Depuis 2020, le Médiamat inclut désormais l’audience réalisée en mobilité, en dehors du domicile, et, plus récemment, l’audience des écrans internet à domicile. Les plateformes de streaming comme Netflix et Disney+ seront également mesurées prochainement, montrant ainsi l’élargissement des mesures d’audience.

Une complémentarité évidente mais des usages différents

Ryst et Carriou semblent néanmoins s’accorder sur le fait que YouTube et les chaînes traditionnelles ne s’excluent pas mutuellement. Plusieurs chaînes de télévision, comme TF1 et France Télévisions, ont des chaînes YouTube, atteignant un public plus jeune. Des personnalités du petit écran, telles qu’Élise Lucet, se lancent également sur YouTube, contribuant à la porosité entre ces deux mondes.

Alors que Justine Ryst affirme que la télévision devient le deuxième écran de YouTube après le mobile, elle considère cette tendance comme une transformation majeure des usages. Cependant, Yannick Carriou maintient que, malgré cette popularité, YouTube reste une plateforme de vidéos, pas une chaîne de télévision.

Afin de répondre aux attentes croissantes d’une vision complète de l’écosystème, Médiamétrie travaille sur un comité cross-média réunissant des chaînes, agences, annonceurs, et plateformes. L’objectif ? Développer des outils de mesure adaptés et rigoureux, permettant de préserver la clarté et d’assurer une mesure d’audience transparente.