L’industrie automobile européenne traverse une période de profonde mutation, sous l’effet conjugué d’une réglementation environnementale de plus en plus contraignante, d’une concurrence chinoise féroce et d’une demande d’électriques encore insuffisante. Les constructeurs redoutent de lourdes pénalités financières dès 2025, tandis que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, tente d’instaurer un dialogue stratégique pour trouver des solutions pragmatiques.
Des normes toujours plus strictes et une demande en berne
Alors que l’Union européenne maintient son cap vers une interdiction de la vente de voitures neuves à moteurs thermiques dès 2035, les constructeurs s’inquiètent de ne pas pouvoir atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 dès l’année prochaine. Les normes européennes vont se durcir dès 2025, ramenant les plafonds d’émission à environ 94 g/km de CO2 contre 116 g/km en 2024. En cas de non-respect, des amendes qui pourraient se chiffrer en milliards d’euros menacent une industrie déjà sous tension.
Le problème est que la demande de véhicules électriques peine à décoller au rythme espéré. Alors que l’Europe entend s’imposer sur ce segment, la part de marché des constructeurs chinois ne cesse de progresser, au point d’inquiéter à la fois les industriels et les responsables politiques. Selon le rapport Draghi, la part de la Chine dans la production mondiale est passée de 4 % en 2000 à 32 % en 2022, tandis que celle de l’UE est tombée de 31 % à 15 % sur la même période. Le retard de l’Europe dans le secteur électrique est également flagrant, avec une baisse de la part des constructeurs européens sur leur propre marché (de 80 % en 2015 à 60 % en 2023), alors que celle des Chinois est passée de 5 % à 15 %.
Ursula von der Leyen promet un « dialogue stratégique »
Consciente de la fragilité de ce secteur clé, qui représente près de 14 millions d’emplois et 7 % du PIB européen, Ursula von der Leyen a promis d’engager prochainement des discussions avec les constructeurs. L’objectif : élaborer un plan d’action industriel pour rendre l’industrie automobile européenne plus compétitive et soutenir sa transition.
Cette volonté d’ouvrir le dialogue coïncide avec la pression croissante du Parti populaire européen (PPE), première force politique au Parlement, qui appelle à un réexamen en profondeur de la stratégie automobile de l’UE. Le PPE souhaite notamment accorder davantage de flexibilité aux constructeurs, en lissant les objectifs de réduction des émissions sur trois ans et en suspendant temporairement les pénalités. L’idée est de donner aux industriels le temps d’ajuster leurs offres, sans pour autant sacrifier les ambitions climatiques.
Le PPE va plus loin en réclamant la réouverture du débat sur l’interdiction des moteurs thermiques dès 2035, au nom de la « neutralité technologique ». Il plaide pour un « mélange de technologies » incluant les e-carburants, les biocarburants, les hybrides rechargeables ou encore l’hydrogène, afin de ne pas se reposer uniquement sur la batterie électrique.
D’autres pistes sont sur la table, telles que le verdissement accéléré des flottes d’entreprises, l’extension et la simplification du réseau de recharge, ou encore la promotion du vélo et le développement de projets futuristes comme l’hyperloop. L’Union européenne, qui vient d’élire ses commissaires jusqu’en 2029, devra trancher ces enjeux dans les prochains mois.
La pression est d’autant plus forte que des élections majeures approchent, notamment en Allemagne, pays qui cristallise une partie des inquiétudes autour de l’automobile. Entre la nécessité de tenir les engagements climatiques, la pression de l’industrie, l’influence grandissante du PPE et les difficultés d’un marché mal préparé à la bascule électrique, l’Europe doit trouver un équilibre subtil.
La Commission est ainsi confrontée à un triple défi : rassurer l’industrie, préserver sa compétitivité face à la Chine et maintenir ses objectifs environnementaux. Les semaines à venir, marquées par le « dialogue stratégique » promis par Ursula von der Leyen, seront décisives pour définir l’avenir de l’automobile européenne.