Ce mercredi 26 mars, les députés entament l’examen en commission d’un texte qui pourrait bouleverser la justice pénale française : l’intégration explicite du « non-consentement » dans la définition légale du viol. Depuis 1980, le code pénal ne parle que de violence, menace, contrainte ou surprise… et laisse le mot « consentement » à l’écart. Un silence que les associations féministes, les victimes et une partie du monde politique ne veulent plus tolérer.
Depuis les débuts du droit pénal moderne, la définition du viol a évolué lentement. Il faut attendre 1980 pour que le terme soit même défini, 1990 pour que le viol conjugal soit reconnu, et 2021 pour que tout acte sexuel avec un mineur de moins de 15 ans soit automatiquement qualifié de viol, même en présence d’un prétendu « consentement ». Aujourd’hui, une nouvelle étape est envisagée : faire du refus explicite de la victime un élément central du droit.
Une avancée symbolique ou un piège juridique ?
Soutenu par le gouvernement et plusieurs groupes parlementaires, le texte entend faire entrer dans la loi une notion omniprésente dans les débats sociaux mais absente du code : le non-consentement. L’objectif ? Combler ce vide juridique pour permettre aux enquêteurs et aux juges de mieux apprécier le défaut de volonté dans les rapports sexuels. Mais cette évolution soulève de nombreuses craintes, notamment dans les rangs de certains avocats et juristes.
Pour certains, cette réforme risque de créer une confusion sur la charge de la preuve. Devra-t-on désormais prouver que l’on n’était pas consentant ? Les députés écologistes et centristes assurent que non, et que la responsabilité pénale continuera à reposer sur l’auteur présumé. Le Conseil d’État, dans un avis rendu début mars, a d’ailleurs confirmé que ce risque était exagéré, tout en suggérant d’encadrer juridiquement ce que signifie « consentir » : librement, clairement, sans pression, et de manière réversible.
Mais du côté d’associations féministes comme Osez le féminisme, le ton est plus nuancé. « Ce n’est pas la loi qui manque, c’est les moyens pour l’appliquer », tranche l’avocate Violaine de Filippis-Abate, qui estime que l’essentiel des classements sans suite vient d’enquêtes bâclées, non de vides juridiques. Pour elle, codifier le consentement est une démarche louable mais secondaire face au manque criant d’investigations sérieuses et de formation des enquêteurs.
La loi va-t-elle vraiment changer les choses ?
Au-delà du débat juridique, le texte porte une portée hautement symbolique. Selon ses auteures, les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, il s’agit aussi de déconstruire les stéréotypes ancrés dans les procès pour viol : l’idée qu’une « vraie victime » doit se débattre, hurler ou présenter des marques visibles de violence. Or, des études montrent qu’en situation de choc ou de peur, beaucoup de victimes se figent.
Le débat s’annonce houleux. Plusieurs députés du Rassemblement national ont déjà annoncé leur opposition, et certains élus socialistes s’interrogent sur la pertinence d’une redéfinition. Même au sein de la majorité, des voix juridiques s’élèvent pour plaider la prudence. L’examen dans l’hémicycle est prévu pour le 1er avril, mais ce texte, même s’il est adopté, pourrait bien n’être qu’un début. Car derrière le débat sur le consentement, c’est toute la justice des violences sexuelles qui est en cause.