À Toul (Meurthe-et-Moselle), l’installation récente d’une statue en bronze du général Marcel Bigeard, haute de 2,50 mètres, provoque des tensions. Érigée le jeudi 24 octobre 2024 en toute discrétion près du monument aux morts, cette statue a été l’initiative de la Fondation Marcel Bigeard et approuvée par le conseil municipal en 2018. Pourtant, la controverse autour de l’œuvre reste vive, le nom de Bigeard étant associé à la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie.
Ce vendredi 25 octobre, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant la mairie de Toul pour exprimer leur opposition à cette statue. Des pancartes portant des messages tels que « Non au symbole de la terreur coloniale » et « Ne célébrons pas le tortionnaire Bigeard » étaient visibles, et des membres de la Ligue des droits de l’homme soutenaient le collectif « Histoire et Mémoire dans le Respect des Droits humains ». José Vaillant, l’un des manifestants, a évoqué un possible recours juridique et a appelé à une mobilisation plus large contre cette initiative.
Marcel Bigeard, né à Toul en 1916 et décédé en 2010, est une figure complexe de l’histoire militaire française. Ancien résistant, il a commandé les parachutistes coloniaux lors de la guerre d’Indochine, marquée notamment par la chute de Dien Bien Phu. Toutefois, son rôle dans la guerre d’Algérie, et plus particulièrement son soutien à l’usage de la torture pendant la bataille d’Alger, reste un point de discorde majeur.
Les opposants à la statue dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une glorification d’un personnage controversé, notamment en raison des « vols de la mort » et autres techniques de torture attribuées à Bigeard. L’historien Fabrice Riceputi a même déclaré sur les réseaux sociaux que « la torture coloniale a désormais une capitale : Toul ».
La position de la mairie
La mairie de Toul, dirigée par une majorité de gauche, avait approuvé l’installation de la statue à deux reprises lors de conseils municipaux, malgré les controverses. Le maire Alde Harmand, contacté par l’AFP, n’a pas souhaité commenter la polémique, soulignant simplement qu’il s’agissait d’un projet initié et financé par la Fondation Marcel Bigeard pour honorer « un enfant de Toul ».
Pour certains habitants, comme René Maroten, Bigeard demeure une figure locale sympathique, appréciée pour ses interactions quotidiennes et ses exploits militaires, loin de l’image du tortionnaire. D’autres, cependant, considèrent cette statue comme un symbole inapproprié pour la ville, remettant en question l’opportunité d’honorer un militaire dont les actes en Algérie continuent de diviser.
La ville face à ses contradictions
La mise en place de la statue n’a été accompagnée d’aucune communication officielle de la mairie, et l’érection s’est faite discrètement, ce qui alimente les spéculations sur une possible gêne des autorités locales face aux réactions suscitées. À une époque où de nombreuses statues de personnalités controversées sont déboulonnées en France, l’initiative de Toul apparaît en décalage.
Le collectif « Histoire et Mémoire dans le Respect des Droits humains » appelle à de nouvelles actions et prévoit de solliciter l’intervention du préfet de Meurthe-et-Moselle pour faire retirer la statue, estimant qu’elle constitue un « trouble à l’ordre public ».
La controverse autour de la statue du général Bigeard reflète les débats plus larges sur la mémoire coloniale en France et les tensions persistantes concernant l’héritage de la guerre d’Algérie. Le cas de Toul souligne les défis liés à la commémoration de figures historiques controversées dans l’espace public.