Moins d’un mois après l’annonce par N’Djamena de la suspension de son accord de coopération militaire avec Paris, la France a officiellement remis ce jeudi la base militaire de Faya, située dans l’extrême nord du Tchad, aux autorités tchadiennes.
Le ministère tchadien des Armées a annoncé sur Facebook que la base, jusqu’à présent occupée par un détachement de l’armée française, avait été rétrocédée à l’Armée nationale tchadienne (ANT). Le personnel et le matériel présents sur place devraient regagner la France « dans les prochains jours ». Selon la même source, « 54 véhicules ont pris la route en convoi à 11h30 en direction de N’Djamena » tandis qu’« un avion Antonov 124 a décollé de la capitale avec plus de 80 tonnes de fret ».
D’après l’état-major français des Armées, « une trentaine de militaires » étaient stationnés à Faya. Leur départ sera suivi par la rétrocession des bases d’Abéché, puis de N’Djamena. Jusqu’à présent, le détachement français apportait un soutien médical à la population locale et utilisait l’aéroport de Faya comme point de départ pour des opérations conjointes dans le nord du pays, en collaboration avec l’armée tchadienne.
Un site stratégique et historique
Située près des monts Tibesti, dans le nord désertique du Tchad, Faya (rebaptisée Largeau sous la colonisation) fut un point de départ historique de la « colonne Leclerc » en 1941. Par la suite, la ville et sa base ont changé plusieurs fois de mains, notamment lors des conflits avec la Libye dans les années 1970 et 1980. C’est finalement grâce au soutien de la France que les forces tchadiennes ont repris la zone en 1987.
Depuis l’indépendance, des troupes françaises y étaient stationnées de façon quasi permanente. Le père de l’actuel président tchadien, Mahamat Idriss Déby, avait d’ailleurs bénéficié à plusieurs reprises du soutien militaire de Paris pour repousser des offensives rebelles, notamment en 2008 et en 2019.
Ce retrait français découle de la décision de N’Djamena, annoncée le 28 novembre, de mettre fin à soixante ans de coopération militaire, jugeant les accords de défense conclus au moment de la décolonisation « complètement obsolètes ». L’état-major français a confirmé que ces récents départs « marquaient la fin d’une présence militaire permanente, qui ne répondait plus aux attentes et aux intérêts des deux parties ».
Dimanche, le Tchad doit organiser des élections législatives, provinciales et locales, boycottées par l’opposition. Vendredi dernier, 120 soldats français avaient déjà quitté N’Djamena, un départ qui s’ajoutait à celui des avions de chasse une dizaine de jours plus tôt. Jusqu’alors, environ un millier de militaires français étaient déployés au Tchad, principalement au camp Kossei dans la capitale.
La France poussée hors du Sahel
Depuis l’indépendance en 1960, des troupes et avions de combat français étaient présents au Tchad pour la formation des troupes locales. La France comptait jusqu’à 5 000 soldats dans toute la région, dans le cadre de l’opération Barkhane, officiellement arrêtée fin novembre 2022. Mais entre 2022 et 2023, plusieurs pays de la région (Niger, Mali, Centrafrique, Burkina Faso) ont exigé le départ des troupes françaises de leurs territoires.
Le Tchad, considéré jusqu’ici comme le dernier point d’appui majeur de Paris au Sahel, a donc surpris en annonçant à son tour la dénonciation de l’accord de défense. Sur le continent, le Sénégal vient également d’indiquer son intention de revoir sa coopération militaire avec la France, poussant Paris à intensifier son rapprochement avec des pays anglophones comme le Nigeria ou le Ghana.