Le cinéaste canadien Matthew Rankin, connu pour son style singulier et audacieux, revient sur le devant de la scène avec Une langue universelle, un film aussi étonnant qu’enchanteur, en salle depuis le 18 décembre. Mêlant une affection palpable pour sa ville natale de Winnipeg à un hommage vibrant au cinéma iranien, cette fable décalée est une exploration poétique des frontières de la langue, de la mémoire et de l’absurde.
Dans une Winnipeg recouverte de neige, mais où l’on parle… persan, le film prend place dans une réalité parallèle déroutante. Matthew, le personnage principal (interprété par le réalisateur lui-même), quitte Montréal pour retourner dans sa ville natale. Là, il découvre un monde où le farsi est devenu la langue dominante, sans que personne ne s’en étonne. Ce changement inexplicable crée un espace-temps à la fois familier et étranger, parfait pour une quête existentielle.
Matthew croise le chemin de figures fantasques : deux enfants malicieux prêts à tout pour déloger un billet de banque gelé dans la glace, un guide touristique aussi maladroit que déterminé, et un enseignant colérique. Chacun contribue à un univers où les bizarreries semblent contagieuses, amplifiant l’atmosphère de cette comédie teintée de mélancolie.
Une poésie en clair-obscur
Rankin puise dans les souvenirs de sa propre famille pour ancrer son récit dans l’intime, notamment avec l’histoire d’un billet emprisonné dans la glace, une anecdote que lui racontait sa grand-mère. Les amateurs de cinéma iranien y retrouveront également des échos du Ballon blanc de Jafar Panahi, dans lequel une petite fille tentait désespérément de récupérer un billet pour acheter un poisson rouge.
La patte visuelle de Rankin s’épanouit dans cette Winnipeg transfigurée : une palette de gris et de blancs rehaussée par des touches vibrantes de couleur et des détails farfelus. Les scènes sont peuplées de dindons omniprésents et d’une tristesse générale qui bascule dans le comique, rappelant que le film, au-delà de sa poésie, est aussi une farce grinçante. Poétique, drôle, et profondément original, Une langue universelle est un bijou qui invite à réfléchir tout en s’abandonnant à l’absurde.