Un PS en quête de classes populaires : le défi presque impossible de Philippe Brun

Entrevue 1

Mercredi soir, sous les voûtes chargées d’histoire de la Bourse du travail de Saint-Denis, un jeune député socialiste, Philippe Brun, a réuni un échantillon choisi de fidèles autour d’un projet qui, bien qu’ancré à gauche, interroge par certains accents très républicains. À 34 ans, l’élu de l’Eure, formé dans les grandes institutions de l’État (Sciences Po, HEC, ENA), affiche des ambitions claires : reconquérir les classes populaires et raviver la flamme d’un Parti socialiste que beaucoup considèrent comme moribond. Et si, en apparence, tout sépare Brun de la droite souverainiste, ses analyses méritent une attention particulière.

Une critique assumée de la gauche « hors sol »

Lors de ce premier rassemblement de son mouvement, « La Ligne populaire », Brun a déclaré sans ambages que « l’extrême droite est si forte parce que les ouvriers et les employés ne votent plus pour nous ». Une constatation glaçante mais réelle : des bastions historiques de la gauche, comme la Nièvre ou l’Aude, ont basculé dans le giron du Rassemblement national.

Le constat de Brun est éloquent : le Parti socialiste, obsédé par des sujets sociétaux qu’il qualifie de « périphériques », a perdu pied face aux priorités concrètes des Français. Ainsi, il moque ce langage technocratique de la gauche actuelle – des « mobilités douces » au « pouvoir de vivre » – qui, selon lui, déconnecte les élites des réalités du quotidien.

Dans ses discours, Philippe Brun exhorte la gauche à se réapproprier des thématiques longtemps laissées à la droite : la défense de la laïcité, des services publics, et une valorisation du travail comme vecteur de dignité sociale. Sur ces points, le député socialiste se rapproche – sans doute involontairement – d’une certaine vision républicaine et nationale partagée bien au-delà de la gauche. « Les Français ne demandent pas à être arrosés d’aides, ils demandent à être mieux rémunérés », martèle-t-il.

S’il se démarque des positions écoeurantes de certains gauchistes sur les questions identitaires, Brun semble délibérément ignorer que sa gauche, qu’il qualifie de « langue morte », a largement contribué à ce divorce avec les classes populaires.

Philippe Brun prétend offrir une « troisième voie » entre les pro-NUPES et les adversaires de ce pacte de la honte dans lequel les républicains de gauches se sont jeté dans le filet Mélenchonistes. Mais son positionnement à contre-courant au sein de son propre parti risque de faire de lui un homme isolé. L’appareil socialiste, toujours déchiré entre des relents d’écologie radicale et une stratégie d’alliances mouvantes, pourrait avoir bien du mal à intégrer ce jeune trublion. Ses propositions pour élargir la représentativité sociale du PS – en formant des ouvriers et des employés à la politique via son « École de l’engagement » – risquent d’être perçues comme anecdotiques par les caciques du parti.

Une menace pour 2027… mais laquelle ?

Le député Normand l’a dit et répété : « En 2027, ce sera nous ou l’extrême droite. » Mais cette affirmation évacue une vérité bien plus complexe. La gauche, minée par ses propres déchirements et incapable de parler à ceux qu’elle prétend représenter, risque fort d’être reléguée au rôle de spectatrice face à une bataille entre un Rassemblement national enraciné et une droite républicaine souverainiste revigorée.

Si Philippe Brun veut incarner un renouveau de la gauche, il devra prouver que son approche ne se limite pas à une rhétorique brillante mais déconnectée de la réalité politique. En l’état, son ambition de « redéfinir la bataille culturelle autour de la valeur travail » pourrait trouver des échos chez les électeurs lassés par les slogans creux de la gauche traditionnelle.

Si Brun s’emploie à dynamiter le PS et à ouvrir un dialogue avec les classes populaires, sa tentative pourrait bien laisser le parti exsangue. Une occasion en or pour la droite souverainiste de s’imposer comme seule véritable alternative populaire et républicaine. Car, ne nous y trompons pas : si l’analyse de Brun touche juste, ses solutions restent celles d’un socialiste. Et à l’heure où la France rêve de solidité et de souveraineté, cela pourrait bien ne pas suffire.

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Journaliste, chroniqueur et producteur, Radouan Kourak est un passionné d’histoire et de politique. Il se distingue par son goût pour l’analyse, le débat, le pluralisme et la confrontation d’idées. Repéré par Cyril Hanouna, il est un habitué des plateaux de C8 et CNews, où il intervient avec conviction et réflexion. Il apporte dans les médias, une perspective unique nourrie par sa passion pour la France et son souci de rigueur.

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