Après sept ans de négociations ardues, un traité international de lutte contre la cybercriminalité, initié par la Russie en 2017, est sur le point d’être finalisé. Ce lundi, les États membres de l’ONU ont entamé les dernières discussions sur ce texte qui, bien qu’il ait pour objectif de renforcer la coopération mondiale face à la cybercriminalité, suscite de vives critiques.
Un texte contesté
Bien que la dernière version du traité montre quelques améliorations, elle est loin de répondre aux attentes de nombreux acteurs. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a exprimé ses inquiétudes concernant plusieurs lacunes importantes. Selon l’organisation, certaines dispositions du traité pourraient ne pas respecter les normes internationales en matière de droits humains. Ces préoccupations sont accentuées par le fait que, dans certains pays, les lois existantes sur la cybercriminalité sont déjà utilisées pour restreindre excessivement la liberté d’expression et cibler les dissidents. Le comité intergouvernemental, chargé de la rédaction du texte depuis 2019, a dû convaincre des pays réticents, notamment les États-Unis et des nations européennes.
Les inquiétudes des défenseurs des droits et de la tech
Le projet de traité vise à lutter plus efficacement contre des crimes tels que la pédopornographie et le blanchiment d’argent, tout en renforçant la coopération internationale. Cependant, ses détracteurs, y compris la Freedom Online Coalition, qui regroupe 40 États, redoutent que son périmètre soit trop large. Ils craignent qu’il ne serve à justifier des mesures répressives au niveau national et international, affectant des groupes tels que les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et d’autres communautés marginalisées.
Human Rights Watch, par la voix de sa directrice Tirana Hassan, a mis en garde contre la possibilité que le traité se transforme en outil de surveillance mondiale. De manière inhabituelle, cette position est soutenue par des entreprises technologiques majeures, comme Microsoft, qui préfèrent « pas d’accord plutôt qu’un mauvais accord ».
Un besoin de coopération accru
Bien que la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière de cybercriminalité soit reconnue, notamment par les pays en développement, certains experts estiment que cela pourrait être réalisé via d’autres instruments existants, tels que la Convention de Budapest ou la Convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée. Nick Ashton-Hart, représentant l’organisation Cybersecurity Tech Accord, souligne qu’en l’absence d’améliorations significatives du traité, son organisation recommandera aux États de ne pas le signer ni le ratifier.
La vision de la Russie
La Russie, initiatrice du traité, défend sa position en affirmant qu’une attention excessive aux droits de l’homme dans le cadre de cette convention pourrait entraver la coopération internationale. Elle accuse par ailleurs les pays occidentaux de politiser les discussions autour de cette question.
Ainsi, alors que les dernières négociations s’achèvent, le texte continue de diviser au sein même de l’ONU. Le traité, qui devrait être présenté pour adoption prochainement, doit encore convaincre les États et surmonter les nombreuses objections soulevées.