Le juge d’Istanbul a ordonné dimanche l’incarcération du maire Ekrem Imamoglu, figure montante de l’opposition, pour des accusations de corruption. Déjà poursuivi pour « soutien à une organisation terroriste », le principal rival du président Erdogan a été transféré au tribunal samedi soir avec une centaine de coaccusés, avant d’être entendu à deux reprises dans la nuit. Ce nouvel épisode judiciaire contre l’élu social-démocrate intervient alors qu’il devait être investi, ce dimanche, candidat à la présidentielle de 2028 par son parti, le CHP.
L’arrestation d’Imamoglu mercredi à l’aube a immédiatement enflammé les rues du pays. D’Istanbul à Izmir en passant par Ankara, des dizaines de milliers de manifestants ont bravé les barrages policiers pendant plusieurs nuits consécutives. Malgré les restrictions imposées par le gouvernorat, la mobilisation ne faiblit pas. Selon les autorités, plus de 340 personnes ont été arrêtées depuis vendredi, et les interpellations se poursuivent.
Pour ses soutiens, cette arrestation s’apparente à un coup d’État politique orchestré par le régime islamo-conservateur, soucieux de neutraliser son principal opposant. Imamoglu avait ravi Istanbul à l’AKP d’Erdogan en 2019, mettant fin à 25 ans de domination islamiste sur la ville. Sa popularité, renforcée par une réélection triomphale, en avait fait un prétendant crédible à la présidence.
Dans les rues, la colère dépasse désormais le sort du seul maire d’Istanbul. Pour de nombreux manifestants, cette incarcération incarne la dérive autoritaire d’un régime de plus en plus répressif. Le sentiment d’étouffement – politique, économique, culturel – alimente une contestation généralisée, notamment chez les jeunes générations inquiètes pour leurs libertés et leur avenir.
Alors que Paris, Berlin et plusieurs maires européens ont condamné l’arrestation, Recep Tayyip Erdogan campe sur une ligne dure. Il a promis de ne pas céder à ce qu’il qualifie de « terreur de la rue », ravivant ainsi les souvenirs du soulèvement de Gezi en 2013. Mais l’ampleur de la mobilisation actuelle semble lui rappeler que même affaiblie, l’opposition turque n’a pas dit son dernier mot.