En prenant une part active dans la campagne électorale, Recep Tayyip Erdogan a insufflé une dimension nationale aux élections locales de dimanche en Turquie. La défaite de son parti constitue donc un sérieux revers pour l’homme fort du pays depuis 2003.
Le président a reconnu la victoire historique de l’opposition lors des élections municipales, qu’il considère comme un « tournant » pour son camp. Avec 95 % des votes dépouillés, l’opposition turque a infligé au parti AKP (islamo-conservateur) du président Erdogan sa plus lourde défaite électorale.
Le principal parti de l’opposition, le CHP (social-démocrate), a revendiqué la victoire à Istanbul et à Ankara, les deux plus grandes villes de Turquie, et semblait en voie de remporter de nombreuses autres villes, dont Bursa, une importante ville industrielle du nord-ouest, acquise par l’AKP depuis 2004. Depuis le siège de son parti à Ankara, devant une foule abattue et silencieuse, le président a promis de « respecter la décision de la Nation ».
Peu avant cela, le maire sortant d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, avait annoncé sa réélection à la tête de la plus grande ville de Turquie, qu’il avait conquise en 2019, avant même la proclamation officielle des résultats. À Ankara, le maire du CHP, Mansur Yavas, largement en tête, avait également revendiqué la victoire. « Les électeurs ont choisi de changer le visage de la Turquie », a estimé le chef du CHP, Ozgur Ozel.
Outre Izmir, troisième ville du pays et bastion du CHP, et Antalya, où les partisans de l’opposition commençaient à célébrer la victoire dans les rues, la principale formation de l’opposition a réalisé une percée remarquable en Anatolie. Elle est en tête dans des capitales de provinces longtemps détenues par l’AKP.
Malgré les efforts déployés par le président Erdogan dans la campagne, en particulier à Istanbul, capitale économique et culturelle où il a été maire dans les années 1990 et qui a basculé dans l’opposition en 2019, son engagement n’a pas suffi.
Cette défaite pourrait avoir d’importantes répercussions pour Erdogan en 2028. Le maire d’Istanbul, populaire parmi les Turcs, s’est régulièrement présenté comme un rival direct du président, que ce dernier a qualifié de « maire à temps partiel » absorbé par ses ambitions nationales. Aux yeux de nombreux observateurs, le maire d’Istanbul a désormais une voie ouverte vers l’élection présidentielle de 2028.