Elon Musk n’en finit plus de brouiller les frontières entre business, politique et influence numérique. Dernier épisode en date : la manipulation présumée d’un sondage d’opinion sur la popularité de Tesla en Allemagne, qui jette une lumière crue sur les méthodes employées pour façonner l’image de la marque… et de son patron.
Tout commence par une question simple posée par T-Online, un site d’information parmi les plus suivis d’Allemagne : « Achèteriez-vous encore une Tesla aujourd’hui ? » Trois options : « Oui, pas de problème », « Ne sais pas », ou « Absolument pas ». Pendant une semaine, le résultat est sans appel : 94 % des participants répondent « non », dans un contexte tendu où Elon Musk est critiqué pour son soutien à l’extrême droite allemande (AfD) et son alignement affiché avec Donald Trump.
Mais une semaine plus tard, à la surprise générale, les chiffres basculent. Le « Oui » passe en tête, avec plus de 70 % de réponses favorables. Un retournement si spectaculaire qu’il intrigue la rédaction de T-Online, qui mène alors sa propre enquête. Les résultats sont édifiants : 253 000 votes, sur les 460 000 enregistrés, proviennent de seulement deux adresses IP situées aux États-Unis. En clair, le sondage a été massivement biaisé.
Elon Musk n’a pas tardé à s’en féliciter publiquement sur X (ex-Twitter), dénonçant les « mensonges des médias traditionnels » et appelant à « restaurer la vérité ». Une réaction qui, au lieu de calmer les choses, enflamme le débat. Car il ne s’agirait pas d’un simple coup de pouce des fans de la marque, mais bien d’une tentative organisée de manipulation de l’opinion publique européenne, depuis l’étranger, sur fond d’engagement politique.
Dans un climat où la neutralité des entreprises face aux processus démocratiques est déjà sous tension, cette affaire ravive les soupçons sur l’usage que Musk fait de ses réseaux — sociaux comme économiques — pour peser sur les débats. Tesla est-elle encore une entreprise comme une autre ? Ou devient-elle l’extension d’une idéologie portée par son fondateur milliardaire, mêlant culte de la personnalité, ultralibéralisme et mépris des contre-pouvoirs ?
Au-delà du ridicule apparent d’un sondage en ligne détourné, l’affaire pose une question plus large : peut-on encore croire aux instruments d’opinion quand ils sont à ce point vulnérables à la manipulation numérique ? Et surtout, quelle est la responsabilité des grandes figures de la tech, comme Elon Musk, quand elles instrumentalisent leur puissance pour réécrire le réel — un clic à la fois ?