Tensions chez La Croix : une grève contre « la menace de l’extrême droite »

29 novembre, 2024 / Entrevue

Le groupe Bayard, propriétaire notamment du quotidien La Croix et du mensuel Notre Temps, traverse une crise interne majeure. Jeudi 28 novembre, une heure de grève a été observée par les salariés, inquiets de la nomination d’Alban du Rostu comme directeur de la stratégie et du développement, un choix perçu comme un signe d’une dérive idéologique vers l’extrême droite.

Une nomination controversée

La désignation d’Alban du Rostu, ancien bras droit du milliardaire catholique conservateur Pierre-Édouard Stérin, a suscité une vive opposition au sein de l’entreprise. M. Stérin est à l’origine du projet Périclès, qui vise à unir les forces de droite et d’extrême droite dans une stratégie de « bataille culturelle ». Une source syndicale a résumé l’état d’esprit des salariés : « On ne veut pas de l’extrême droite à Bayard. C’est un refus viscéral. »

Cette nomination a été annoncée peu après la prise de fonction de François Morinière, nouveau président du directoire du groupe depuis le 1er novembre. Outre l’embauche de M. du Rostu, les syndicats dénoncent également la décision de Bayard de participer à la reprise de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris, en collaboration avec des figures controversées comme Vincent Bolloré.

Un premier mouvement de grève

Jeudi, entre 14 heures et 15 heures, une heure de grève a marqué la première étape d’une mobilisation qui pourrait s’amplifier. Lors d’une assemblée générale, les syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC-CSN, CGT, SNJ) ont annoncé de nouvelles actions prévues pour le 5 décembre. Des tracts distribués aux salariés dénoncent un risque de « coup de barre à droite » pour ce groupe de presse catholique, historiquement attaché à des valeurs d’ouverture.

Interrogé par l’AFP, Alban du Rostu s’est défendu d’être affilié à un quelconque projet idéologique. « Je ne fais pas partie de ce projet-là », a-t-il assuré, déplorant « une caricature » et « un procès d’intention ». Selon lui, son rôle au sein de Bayard sera strictement stratégique, sans implication éditoriale ou managériale. Sa mission consiste à développer de nouveaux pôles d’activité dans des secteurs en croissance pour compenser les difficultés économiques de la presse.

Malgré ces déclarations, les syndicats restent sceptiques. Le parcours de M. du Rostu, ancien directeur du Fonds du bien commun, une organisation financée par Pierre-Édouard Stérin, continue d’alimenter les craintes.

Bayard, détenu par la congrégation religieuse des Augustins de l’Assomption, est un acteur majeur de la presse catholique et jeunesse en France. Il édite des titres emblématiques tels que Le Pèlerin, J’aime lire et Astrapi. Cette crise pourrait fragiliser un groupe déjà affecté par les mutations du secteur médiatique.

Pour l’instant, François Morinière n’a pas commenté la situation. Cependant, les salariés semblent déterminés à faire entendre leurs voix pour défendre les valeurs historiques de leur groupe face à ce qu’ils perçoivent comme une menace idéologique.