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Obama, Trump, Sarkozy, Mitterrand, De Gaulle… Aujourd’hui, « il n’y a pratiquement plus d’orateurs »

Suite de l’interview de Stéphane André, fondateur de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris, au sujet des qualités nécessaires pour s’exprimer au public. Via l’analyse de nos dirigeants présents ou passés, d’Emmanuel Macron à Michel Barnier, de Barack Obama à Donald Trump en passant par Mitterrand et De Gaulle. (partie 2/2)

T.V. Avec cette actualité politique très dense depuis plusieurs mois, quelle est la personnalité politique du moment la plus forte en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. C’est un désert. Il n’y a pratiquement plus d’orateurs. Aujourd’hui, tout le monde parle. Quand on parle en tant qu’influenceur, on peut parler dans son lit au monde entier. Donc le corps n’a plus besoin de travailler. C’est pour ça qu’il y a ce brouhaha d’Internet où chacun n’est alimenté que via les algorithmes qui lui proposent que ce qu’il a envie d’entendre. Il n’y a plus de leader, parce qu’il n’y a plus d’orateur. Pour moi, un orateur est un leader. Il faudrait que n’importe quel enseignant soit un leader devant sa classe.

T.V. : Vous êtes remonté à Mitterrand, De Gaulle, etc. Est-ce que le dernier grand orateur est un Barack Obama ou un Donald Trump ?

Stéphane André. Barack Obama, oui, Donald Trump, non, c’est une catastrophe. Trump, c’est un Sarkozy multiplié par 10. Nicolas Sarkozy a souvent agressé les journalistes. Trump dix fois plus. Tous les deux montrent une face avant tendue. Donald Trump, son visage, c’est un blindage. Il a ses paupières presque fermées, quand il parle, comme des meurtrières de blockhaus, et son oeil, ce n’est pas un œil curieux du public, un oeil enfantin. Un grand orateur doit avoir un regard d’enfant de 5 ans, regarder son public comme un enfant. Croiser les regards, au hasard. Comme dans un sondage aléatoire, sentir la globalité du public, prendre le pouls. Barack Obama, détente faciale totale. Aucune défense musculaire apparente. Visage totalement détendu. Épaule basse, le bras est bas. Et le regard est sur le public. Ça veut dire, je n’ai pas peur, tout en parlant je vous accueille. Alors que, Manuel Valls, quand il était Premier ministre : raide, avec des « euh » partout. Sarkozy, visage tendu, tics d’épaule, l’est tout autant. Et Trump visage blindé l’est encore plus. Ce sont des chefs. De Gaulle, Mitterrand, Obama étaient des leaders. Le chef s’impose et impose. Le leader s’expose et expose. Mais on s’engagera beaucoup plus pour un leader que pour un chef. Pour un chef, dans l’entreprise et ailleurs, on fait le minimum. Pour avoir la paix. On fait bien la différence dans notre école entre le chef et le leader.

T.V. : Vous dites que « la technique est universelle, le style est toujours individuel »

Stéphane André. Nous faisons éclore des styles. Nous n’enseignons que « le tarmac » de la technique. Si l’élève travaille, son style apparaît. Le style de M. Barnier n’est pas de regarder dans le vide pour trouver ses mots. S’il travaillait la technique, on verrait éclore son style. Mais ce n’est pas ce qu’il donne tous les jours. Le style raconte l’histoire de la personne. C’est vrai pour l’accent marseillais ou l’accent ch’ti. Mais ma façon de parler, ma façon de bouger ou de ne pas bouger devant vous, mon économie de mouvement ou mes intonations, vous racontent en réalité mon histoire. Tout cela vient de tout ce que j’ai vécu, les accidents dans la vie que j’ai eus, si j’ai été un littéraire ou pas, si j’ai fait des études ou pas d’études, etc. La manière dont quelqu’un parle raconte son histoire. C’est son style. Mais ça n’est que la signature qu’il met au bas de l’œuvre artistique, qui est le personnage, l’incarnation de la fonction qu’il a su construire.

T.V. Comment se déroulent vos cours dans votre école ? C’est collectif ou individuel ?

Stéphane André. Il y a des cours particuliers, où l’on reçoit des hommes et des femmes, ça peut être des managers, des consultants, de toute façon des gens qui doivent s’exprimer en public dans le cadre de leur fonction. Pour les politiques, ce sont en général des cours particuliers. En France, les politiques n’aiment pas trop qu’on dise qu’ils prennent des cours pour parler en public. Les Anglais, ça ne les dérange pas. Les enfants anglais font des cours de « debating » dans toutes les écoles. Un politique dira facilement qu’il a un conseiller en communication, qu’Euro RSCG s’occupe de sa communication, qu’il a des gens qui lui rédigent ses discours. Mais il ne dira pas facilement qu’il prend des cours pour bien parler en public. Nous donnons des cours longue durée pour des groupes sur 35 séances, des séances de 2 heures sur une année scolaire. Et il y a des séminaires de 2, 3 ou 4 jours. On y enseigne la base, la technique, que ce soit à des négociateurs, à des managers pour animer des réunions de travail, à des conférenciers pour des grandes réunions, à des commerciaux pour produire des pitchs, etc. Notre technique est très physique, elle s’appuie sur le regard, sur le dos, sur la voix. Je dois théâtraliser. « La vie publique est un théâtre », Shakespeare l’a dit. Chacun joue un rôle, joue la comédie, comme vous dites, mais au sens positif du terme, bien sûr.

T.V. : Avec cette société actuelle, tête baissée sur son smartphone, une notification en balaye une autre, qu’est-ce que ça change ?

Stéphane André. Le fait que le vecteur de communication change, c’est une forme de modernité, mais les grands orateurs passeront toujours, à travers n’importe quel vecteur. Nous, on attend qu’au-dessus de ce brouhaha médiatique, tout d’un coup surgisse encore un orateur. C’est l’espoir que j’aurais pour un Michel Barnier, mais j’ai des doutes. Ce qui est incroyable, c’est que les lois que j’ai mises au point pendant des années ne changent pas avec la technologie d’aujourd’hui. La présence humaine est importante. Peu importe qu’on soit en train de se filmer avec un téléphone, avec une caméra, avec un ordinateur, il faut rester un orateur puisqu’on est en scène. Un conseil idiot, mais tout simple, quand les gens parlent devant leur écran chez eux, ça ce n’est même pas de la technique : mettez votre ordinateur sur une pile de dictionnaires de manière à ce que vous soyez en face de la caméra et que les gens soient en face de vous. Finis les mentons prognathes et les fronts fuyants.

T.V. : Dés que vous voyez quelqu’un, vous jugez son art oratoire ?

Stéphane André. Oui, mais uniquement quelqu’un dans la vie publique. L’art oratoire ne concerne en aucune façon la vie privée. C’est comme au théâtre. Le comédien travaille sur scène pour interpréter quelque chose, mais quand il rentre chez lui, il peut parler différemment. Il peut avoir des tics verbaux en discutant avec un copain. Sur scène, c’est fini. Un orateur, c’est la même chose. Mais quand il est en scène, c’est au titre d’une fonction publique. Il doit donc s’élever au niveau de cette fonction. Les techniques que nous enseignons, je déconseille même à mes élèves de les appliquer en vie privée. Reposez-vous. Et puis, en vie privée, vous êtes entourés de gens qui vous aiment, d’amitié ou d’amour. C’est votre personne qu’ils aiment, et non un personnage.

T.V. : D’autres métiers, comme les enseignants, devraient utiliser vos méthodes ?

Stéphane André. La formation des enseignants, c’est une catastrophe. Les enseignants, aujourd’hui, devant des classes très difficiles, on les emmène au suicide. Non seulement ils sont sous-payés, mais en plus, une classe de 35 élèves, toute une année, garder le respect de toute la classe et emmener tout le monde, c’est une performance sportive absolument incroyable. Il faut avoir un corps en place, il faut recevoir la diversité d’une classe pour faire en sorte que, quand je reçois ça, tout d’un coup, mon cerveau sache calculer le texte qui va convenir au nul, à celui qui n’est pas nul, à celui qui est fils d’immigré, comme celui qui ne l’est pas. C’est ça que doit faire un grand orateur. Toucher tout le monde, en même temps. Il faut gérer trois lignes de façon pertinente : la ligne verbale, la ligne des mots, la ligne tonale, l’enchaînement des tons, la ligne rythmique. Il faut évidemment que ma triple ligne verbale, tonale et rythmique convienne à tout le monde. Un orateur reçoit la complexité d’un public divers, son cerveau en fait la synthèse et son cerveau sait exactement donner à chaque seconde, au bon moment, le bon mot qui conviendra à tous. Toute la question est de saisir à chaque seconde l’état de ce public dans sa globalité. C’est ce que savent faire le bons orateurs. Mais l’art oratoire s’apprend, comme le piano ou la guitare.


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Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)

Macron, Barnier, Mélenchon… « Pas de leader car il n’y a plus d’orateur », les bons conseils de Stéphane André

La défiance est totale entre les représentants du monde politique et les citoyens français. Pour remédier à cela, un grand leader doit émerger. Qui dit grand leader dit grand orateur. Stéphane André reçoit Entrevue dans les locaux de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris. Cette école, il l’a fondée en 2008. L’homme de 77 ans à la carrière bien remplie travaille ce sujet de l’expression oratoire depuis 1973. Epoque où la communication était loin d’être omniprésente. Rencontre. (partie 1/2)

Thibaud Vézirian. Cela fait 50 ans que vous travaillez ces sujets-là. Savoir bien communiquer oralement est un besoin encore plus vital dans la société actuelle ?

Stéphane André. Quand j’ai commencé à parler de ce thème, c’était une époque où la communication n’était pas à la mode. J’ai eu beaucoup de chance dans la vie parce que quand j’ai commencé, j’étais tout seul. On me disait qu’apprendre à parler en public, ce n’était pas un métier. Au mois de juillet dernier, on a fêté le 50e anniversaire de mon travail. L’école de l’art oratoire n’existe que depuis 2008, mais j’ai commencé ce travail en 1973, je sortais tout juste de l’ESSEC. Le directeur de l’école était un ancien avocat, j’étais comédien et il m’a demandé de donner des cours aux étudiants. Parce que lui était passionné par la parole en public, c’était un précurseur. Plus tard, des camarades, souvent issus du théâtre, qui ont bien voulu cautionner mon travail, m’ont rejoint.

T.V. : Donner un cours d’art oratoire, cela ressemblait à quoi à l’époque ?

Stéphane André : J’ai appris très vite à faire les différences entre l’acteur et l’orateur. L’acteur a une mission dans la société, l’orateur en a une autre. L’acteur, lui, jouant Molière, Shakespeare, propose un miroir à la société qui est venue voir la représentation. Et la société rit d’elle-même en se regardant dans le miroir de la pièce, ou pleure sur elle-même et sortir du théâtre ensuite un peu plus sage. Ça s’appelle la culture. L’orateur, lui, n’est pas là pour proposer un miroir à la société. Il est là pour la construire.

Toute personne qui prend la parole dans la vie publique le fait au titre d’une fonction de chef d’entreprise, de manager, de député, d’enseignant, de maire, de Président de la République, etc. Et il doit incarner cette fonction. Dans « incarner », il y a le mot « carne », et la carne, c’est le corps. En France, quand on entend parler d’incarnation dans les débats politiques, etc., on met un nom sur un poste, mais il n’y a pas le corps.

T.V. : C’est-à-dire ?

Stéphane André. Il y a l’homme avec son cerveau, et puis, en réunion, c’est son cerveau qui parle. Mais le corps, lui, n’incarne rien. Donc, il passe son temps à n’exposer que sa personne. Une personne, ce n’est pas un personnage. Une personne, c’est chacun de nous dans la rue, avec un discours tout aussi banal. Et quand je vois M. le nouveau Premier Ministre, M. Barnier, bon…

T.V. : Michel Barnier est un bon communicant en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. Il parle, c’est très agréable. Ok. Ça n’a rien de la dimension d’un personnage du niveau d’un Premier ministre. Même si leur style serait différent aujourd’hui, rappelons-nous des deux derniers grands orateurs dans notre Ve République qu’ont été De Gaulle et Mitterrand. Deux styles totalement différents, deux bords politiques, mais deux orateurs politiques. Et c’est ça qui fait vivre une démocratie.

T.V. : Les personnalités politiques d’aujourd’hui ne sont pas de grands orateurs ?

Stéphane André. Disons que je ne suis pas impressionné par les numéros de Jean-Luc Mélenchon, qui adule son propre don d’orateur, et n’a pas l’humilité de se plier à la discipline d’une technique. Cette école, je l’ai construite sans le savoir pendant 50 ans, en construisant peu à peu, au contact de mes élèves une technique d’art oratoire. L’art oratoire est pour moi comme l’art du piano, du violon, l’art dramatique ou l’art lyrique. C’est très technique.

T.V. : Cela ressemble aux techniques de communication concrètes enseignées par certains journalistes en media-training ?

Stéphane André. En dehors de son apparence, le journaliste ne s’intéresse pas au corps de l’orateur, ce n’est pas son expertise. C’est pourquoi il m’est arrivé souvent de co-animer des séminaires de media training, avec Jean-Marie Cavada et d’autres journalistes. C’est complémentaire. L’art oratoire, c’est la maîtrise de la pensée dans l’action. Par l’incarnation. La maîtrise de la pensée dans l’action et pour l’action. Si je fais une campagne électorale, j’incarne un certain nombre d’idées de droite ou de gauche, je représente un personnage de député bien plus grand que ma personne, je suis l’incarnation d’une certaine idée de la France. C’est ça, mais si le corps n’est pas là, il est évident qu’on n’incarne plus rien. L’incarnation élève la pensée de l’orateur.

T.V. : Tout cela signifie que les problèmes actuels de communication de nos politiques vis-à-vis du grand public, toutes ces informations et idées qui ne passent pas, c’est un problème de technique oratoire ?

Stéphane André. Il y a un problème de leadership. Si je prends deux figures opposées, qui ont été des grands exemples historiques de la parole en public : il y a le Christ et l’antéchrist, De Gaulle contre Hitler. Adolf Hitler, c’est un grand charisme, il n’y a pas de formation pour être charismatique. C’est une présence plus forte que celle des autres, on ne sait pas pourquoi. Sur scène, il se passe quelque chose. Quand Hitler est monté sur une table à Munich, bien avant la guerre, il s’est révélé. Mais quand on écoute la parole d’Hitler, c’est le cri de souffrance d’un grand psychotique : il est archi tendu, archi contracté, ce n’est pas de l’art, c’est très laid, ce n’est pas beau, ne serait-ce qu’au son.

T.V. : Le son, la voix, c’est le plus important ?

Stéphane André : C’est ce qui constitue l’identité d’un orateur. Le son de la voix d’Hitler est très laid. A l’opposé de ça, De Gaulle a une voix, une expression, il y a une élégance dans son comportement. Charles De Gaulle, c’est de l’art oratoire, c’est du leadership. Il est dans les canons de la technique, il a d’ailleurs pris des cours avec Jean Yonnel, grand comédien du Théâtre français. Quand il arrive au pouvoir en 1958, Marcel Bleustein-Blanchet, grand publicitaire, donne le conseil à De Gaulle d’aller prendre des cours chez Jean Yonnel.

T.V. : Les plus grands leaders ne maîtrisent pas tous l’art oratoire ?

Stéphane André. Napoléon s’est rapproché de François-Joseph Talma, un grand comédien de son époque. Tous les grands orateurs politiques ont compris leur proximité avec les grands comédiens. Ils servent une cause, une idée et un public, c’est ça un orateur. Aujourd’hui, ce que vous voyez de la société, et notamment de la politique, montre un grand besoin de techniques oratoires. On est surtout centré sur la rhétorique, beaucoup moins sur l’éloquence. Et l’éloquence n’existe qu’au moment où l’orateur est sur scène. C’est-à-dire qu’il entre, met d’abord son corps en équilibre entre le sol au-dessous de lui, le ciel au-dessus de lui, le public en face de lui.  Et c’est parce qu’il est en scène, en harmonie avec le monde physique qu’il l’est aussi avec l’univers intellectuel. Alors peut lui venir une idée essentielle qu’il n’aurait pas eue en préparant son discours, et que ses conseillers, qui ne sont pas à la tribune, ne peuvent pas trouver. Les grands orateurs politiques ont eu leurs idées les plus géniales face au peuple.

T.V. : Dans le paysage politique actuel, qui auriez-vous envie de conseiller en particulier ?

Stéphane André. Le niveau des orateurs aujourd’hui a baissé considérablement. Je vous parlais de De Gaulle et de Mitterrand. Je suis allé rechercher loin. Depuis Mitterrand, les présidents de la République ont eu une expression qui a été beaucoup plus ordinaire. Ils ont voulu descendre dans l’arène pour être comme tout le monde. Or, César ne descend pas dans l’arène. Mais comment peut-on être Président en étant comme tout le monde ? Le statut ne suffit pas. Il faut l’incarner. Si je me mets à parler comme tout le monde, je n’incarne plus le statut.

T.V. : Alors qu’est-ce qu’un bon discours public ?

Stéphane André. Parler en public ne consiste pas à dire ce qu’on a prévu de dire, mais d’aller au-delà grâce au public. Nos orateurs, aujourd’hui, veulent absolument dire ce qu’ils ont prévu de dire, tout ce qu’ils ont prévu de dire et rien que ça. Ils n’ont pas de relation à la salle. Ils ne sont pas corps à corps avec la salle. Ils regardent dans le vide ou dans leurs notes. Michel Barnier regarde dans le vide, il y trouve une idée, il la donne. Puis il va chercher une autre idée dans le vide, et il la donne. On assiste à de vrais tunnels, que les journalistes sont bien obligés d’interrompre. Il ne regarde pas la ou le journaliste pour trouver ses mots, donc il ne regarde pas la France pour stimuler sa pensée. Elle tourne en rond et ne s’élève pas… Regarder la ou le journaliste, c’est regarder la France.

T.V. : Si vous arriviez à le croiser sur le trottoir, deux minutes, vous pourriez lui dire déjà, de changer quoi ?

Stéphane André. Je lui dirais, « mon vieux, venez prendre des cours ! » Ce n’est pas si facile que cela, de parler en public. C’est un sport, exactement comme le tennis. Comme le rugby ou la boxe. Il faut de l’entraînement. Mais les gens pensent que c’est simple… Je hais cette division entre le fond et la forme. Nous avons dans notre école une métaphore : il y a l’auteur et il y a l’acteur. Au théâtre, il y a des auteurs : Molière, Shakespeare, par exemple. Mais en art oratoire, trop d’orateurs se prennent pour des auteurs en rédigeant leurs discours. En réalité, au théâtre, le génie, c’est un individu, l’auteur dramatique. En art oratoire, il n’y a pas d’auteur. Je peux préparer mon discours. Et quand j’arrive devant le public, je vais au-delà du discours, comme le faisait De Gaulle, grâce au public que je regarde et qui m’inspire.. L’auteur, en art oratoire, ce n’est plus un individu. C’est le collectif que l’orateur sait construire avec son public.

T.V. : De mémoire, quand Emmanuel Macron est élu Président en 2017, et aussi pendant sa campagne, ses discours font mouche. C’est ce qui a aussi fait la différence ?

Stéphane André. Emmanuel Macron, c’est très intéressant, parce qu’il a été bon orateur à certains moments. Le jour où il fait son premier discours de Président, il est un bon orateur. Il a alors un certain leadership. Quand il reçoit la visite de Donald Trump en France, aussi. Mais pendant sa campagne, il se casse la voix. Emmanuel Macron est un orateur insuffisant, la voix est trop petite. Et depuis, quand il est interviewé par des gens de votre corporation, les journalistes, il est en bras de chemise, il est accoudé, il parle comme s’il était à une terrasse de café. Il fait exactement Monsieur tout le monde, il descend dans l’arène. Et là, il n’incarne plus la fonction, il fait du mal à la fonction. Et à une tribune, quand il lâche son papier et regarde la salle, il est dans le vrai. C’est-à-dire qu’Emmanuel Macron est très irrégulier.


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Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)