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Rafah : Des manifestants sur le périphérique parisien

Des scènes inédites, en plein nuit, sur le périphérique à Paris. Quelques heures après une manifestation place de la République contre les bombardements d’Israël dans la bande de Gaza, et notamment les drames terribles de Rafah, plusieurs groupes de personnes ont décidé d’investir le périphérique parisien.

Voitures bloquées, manifestants sur les voies, la police qui peine à disperser tout le monde… Dans la nuit de mardi à mercredi, on assiste à des scènes inédites. Deux jours après les attaques israéliennes sur Rafah, la mort d’innocents et la diffusion d’images insoutenables, plusieurs dizaines de manifestants tentent de bloquer le périphérique à Paris, pendant la nuit.

Ils ont aussi tenté de rejoindre l’ambassade d’Israël. La police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants. C’est le journaliste Clément Lanot qui raconte ces scènes et les filment pour diffuser sur son compte X.

« Les forces de l’ordre ne parviennent pas à disperser totalement les manifestants », précise-t-il. Des chants, des drapeaux palestiniens, de nombreuses banderoles « Stop au génocide ». Sur les réseaux sociaux, depuis les horreurs de Rafah, ce sont des millions et des millions de messages appelant à la paix qui sont relayés.

Place de la République, jusqu’à 4 500 personnes se sont rassemblées cette nuit. 10 000 la veille, selon la préfecture de police de Paris.

Blocages de Sciences Po : la contestation s’étend dans toute la France

L’effet boule de neige. Après Sciences Po Paris, ce sont plusieurs autres IEP qui se mettent en grève. Des manifestants pro-palestiniens barrent l’accès aux établissements de Rennes, Strasbourg, Toulouse, Saint-Etienne, Lyon, Bordeaux ou encore Menton.

Après les campus parisiens de la Sorbonne et de Sciences Po, des étudiants et personnalités politiques diffusent petit à petit des images de partout en France, où des blocages ont lieu.

À Rennes, où l’on aperçoit des chaises empilées devant les grilles, une jeune femme explique dans une vidéo TikTok que les étudiants « ont voté le blocage de l’IEP en soutien au peuple palestinien et en soutien à tous les étudiants mobilisés, aux États-Unis, à Sciences Po Paris… »

À Strasbourg, une quarantaine d’étudiants brandissent des drapeaux de la Palestine et agitent des banderoles. Sur l’une d’elles : « Israël génocide Sciences Po Complice ».

À Menton, un « sit-in » est organisé par une dizaine d’étudiants solidaires de la cause palestinienne. Des chants « pour l’honneur de la Palestine et pour ceux qu’on assassine nous, on est là » sont entendus.

À Saint-Étienne, d’après les premiers témoignages, les étudiants semblent avoir déjà été délogés par les forces de l’ordre. Une évacuation d’une trentaine d’étudiants réalisée dans le calme.

D’autres rassemblements sont prévus dans les heures à venir à Toulouse ou à Bordeaux.

Le comité « Palestine inter Sciences Po » appelle depuis vendredi « toutes les universités de France à se mobiliser pour dénoncer le génocide en cours à Gaza. »

Manifestations pro-palestiniennes : Sciences Po débloqué par la police

Une pagaille totale. Le blocage de l’Institut d’études politiques parisien par des étudiants pro-palestiniens a fait réagir de nombreuses personnalités politiques. La police a finalement mis fin à la manifestation en fin d’après-midi. Pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, c’est surtout un problème de forme.

La méthode ne passe pas : « les lignes rouges ont été franchies » par les militants. Le fond, c’est autre chose. « Ce n’est pas le cadre d’un débat apaisé. La façon, la forme, voire les revendications, n’ont pas de légitimité à être portées ainsi », a-t-elle réagi sur BFM TV.

Le comité de manifestants réclame notamment « la condamnation claire des agissements d’Israël par Sciences Po ». Pour eux, il y aurait « ambigüité » entre l’école et Israël. Les étudiants demandent également « la fin des collaborations » avec toutes « les institutions ou entités » complices « de l’oppression systémique du peuple palestinien ». Enfin, ils s’indignent de « la répression des voix pro-palestiniennes sur le campus ».

Des propos qui font réagir Antoine Léaument, député La France Insoumise dans l’Essonne. « Bravo Sciences Po », écrit-il sur X. « L’école doit former des citoyens, donc des esprits critiques. Pas faire rentrer dans le rang ceux qui contestent. Dans notre hymne national, il est dit qu’il faut résister à la tyrannie. C’est l’intérêt public de lutter contre un risque de génocide ! »

Le député LFI de Seine Saint-Denis, Thomas Portes, s’est lui aussi rendu sur place pour épauler les manifestants et haranguer la foule : « Gloire aux étudiants de Sciences Po qui se mobilisent contre le génocide du peuple Palestinien. Vous êtes l’honneur de ce pays. »

Via un communiqué, la direction de l’établissement condamne fermement ces manifestations étudiantes. Et instaure en réaction immédiate des cours en distanciel. Une délégation d’étudiants s’était rassemblée pour entamer des pourparlers avec les décideurs de l’IEP afin de trouver une issue. La police a finalement mis fin au blocage.

Après Sciences Po, les grandes écoles sous surveillance

L’affaire a fait la Une au mois de mars. Sciences Po Paris au cœur d’une polémique après une mobilisation pro-palestinienne au sein de son établissement. L’affaire s’est même invitée en Conseil des ministres, mentionnée par Emmanuel Macron lui-même. L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avait alors affirmé que des jeunes appartenant à l’association avaient été « pris à partie comme juifs et sionistes » lors de cette occupation d’un amphithéâtre.

Ce mardi matin-là, une centaine d’étudiants investissent l’amphithéâtre principal de Sciences Po Paris, dans le cadre d’une « journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine ». Une étudiante membre l’Union des étudiants juifs de France a alors « été empêchée d’accéder à l’amphithéâtre » où se tenait l’action, et « des propos accusatoires ont été prononcés à l’encontre » de l’association étudiante.

Face à cette situation discriminatoire, voire violente, le gouvernement a fait sentir sa fermeté sur le sujet. Afin d’éviter des dérives. Mais ce type de mobilisation pourrait-il faire boule de neige ? Et se dérouler ailleurs, dans d’autres campus ? L’ombre d’autres pays se fait-il sentir jusque-là ? HEC a par exemple noué un lien fort avec le Qatar, s’installant à Doha via la Qatar Foundation dès 2010.

Entrevue a pu entrer en contact avec HEC Paris, qui ne souhaite « pas apporter de commentaire sur le sujet » des manifestations pro-Palestine. Pour autant, avec la forme de financement actuel des grandes écoles, via des sociétés, des fonds d’investissement ou même des États, un risque de collusion existe-il ? Des pressions peuvent-elles s’exercer pour rogner leur indépendance ?

« HEC Paris est très majoritairement financée par les frais de scolarité en provenance des programmes pré expérience, des programmes MBAs et de formation continue », précise la prestigieuse école. « Elle bénéficie en outre du support de donateurs via la Fondation HEC et de subventions qui permettent d’innover pour des projets à vocation sociale (bourses), académiques (recherche) ou à impact comme par exemple dans l’entrepreneuriat social. »

Quid du Qatar, médiateur incontournable du conflit Israël-Palestine, qui joue un rôle actif auprès de l’Occident mais en liens étroits avec le Hamas ? Son softpower actif met les autorités françaises sur leurs gardes. De la même manière, la France lutte contre le financement opaque des mosquées, derrière quoi se cacherait l’influence des Frères Musulmans, bien implantés au Qatar.

Les problèmes n’arrivent pas qu’aux autres. Et bien souvent, ce qui se déroule aux Etats-Unis arrive ensuite en France. Outre Atlantique, l’Université de Berkeley (Californie) est un « haut lieu du militantisme », comme le disait Le Monde en octobre 2023. Les violents actes antisémites n’ont jamais été aussi nombreux qu’actuellement.

Sur la côte est des Etats-Unis, à Harvard, début janvier, c’est Claudine Gay, la présidente de l’université, qui annonce sa démission. Elle était vivement critiquée depuis une audition au Congrès, où elle n’avait pas condamné clairement des appels au génocide des juifs. La lutte contre l’antisémitisme sur les campus est un combat permanent. Les associations juives s’inquiètent plus que jamais de la situation. Car derrière le financement de Harvard, on retrouve le Qatar et l’Arabie Saoudite, pour près de 11 millions de dollars de dons en 2022 et 2023. Double jeu ? Situations à clarifier.

Là-bas, certains pays du Moyen Orient s’affichent parmi les principaux donateurs des grandes écoles depuis une dizaine d’années. Dans le dernier rapport du Ministère de l’Éducation américain (octobre 2023), le montant total des dons aux universités, venant du Qatar, de l’Arabie Saoudite et d’autres pays de la région est de 2,2 milliards de dollars. Colossal. Faut-il y voir un lien du jeu qatari ambigu ou est-ce un « simple softpower » à surveiller ?

HEC peut-elle ignorer toutes ces luttes d’influence ? « Pas de risque » nous répond-on : « La zone des pays du GCC (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Émirats arabes unis) représente autour de 8% du budget d’HEC. Nous sommes une école à but non lucratif. Au Qatar, nous travaillons en partenariat avec la Qatar Foundation, qui finance notamment nos locaux, comme ceux des autres grandes universités américaines, présentes au sein d’Education City. Les frais de scolarité sont les mêmes que ceux de Paris. »

Mais vu la situation géopolitique actuelle, les grandes écoles vont-elles devoir faire preuve de toujours plus de prudence face aux influences extérieures ? « HEC Paris est une institution indépendante juridiquement », rappelle l’école. « C’est un “établissement d’enseignement supérieur consulaire”. La Qatar Foundation n’est en aucun cas impliquée dans cette gouvernance. »

Rassurante, la direction d’HEC se veut même un acteur du changement au Qatar. « Nous contribuons à la dynamique d’ouverture et de progrès de la région du Golfe, à commencer par celle du Qatar, qui a d’immenses challenges à relever pour passer d’une économie de l’extraction à une économie de la connaissance. Cette transition est et sera réalisée par la génération que nous formons sur place depuis plus de dix ans. »