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Conférence sur le Liban: sert-elle à sauver le Hezbollah ou le pays ? Tous les doutes sont permis…

Ce jeudi 24 octobre à Paris, la Conférence internationale de soutien au Liban s’est tenue. Organisée par Emmanuel Macron, elle a rassemblé plus de 70 chefs d’État, organisations internationales et sociétés civile avec un but officiel : aider ce pays au bord du gouffre. Officiellement, l’enjeu est d’apporter une aide immédiate à la population libanaise, renforcer les institutions du pays, les forces armée libanaises et garantir la stabilité intérieure. Rappelons en effet que les affrontements qui se déroulent dans le pays, notamment à la frontière avec Israël, ont déjà contraint un million personnes à se déplacer, et plus de 2 700 personnes ont été tuées en un mois lors de ces affrontements. L’autre but affiché de cette conférence est de promouvoir une solution diplomatique durable afin d’éviter un embrasement du conflit et éloigner le spectre grandissant d’une guerre civile et d’une Troisième Guerre mondiale.

Si au premier abord, cette conférence semble vertueuse et pleine de bonnes intentions, de nombreuses interrogations se posent. Et les les 1,5 milliard de dollars obtenus, censés soutenir les capacités de défense du Liban et l’aide humanitaire, sont loin d’effacer toutes les zones d’ombre entourant cette conférence. Cette conférence est-elle destinée à sauver le Liban ou bien le Hezbollah ? La question se pose de façon légitime…

Des absents de poids

En premier lieu, l’absence de représentants étrangers de haut rang et de certains acteurs-clés à cette conférence, comme Israël et l’Iran, pose question et soulève des doutes sur l’impact réel de cette conférence. Difficile en effet d’imaginer construire une paix durable sans asseoir autour de la table deux pays totalement incontournables dans la discussion si l’on souhaite véritablement stabiliser les relations diplomatiques dans la région. Autres absents de poids : le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui effectue une dernière tournée au Moyen-Orient avant la présidentielle américaine, et qui s’est fait remplacer, ou encore le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Ben Abdallah Al Saoud.

Le jeu dangereux du président Macron

En second lieu, le président Macron, en accusant Israël, et donc Benyamin Netanyahou, de « semer la barbarie », poursuit son jeu dangereux en flattant ses amis pro-iraniens au Liban. Une telle attaque directe contre Netanyahou n’a rien d’innocent et signifie, dans le système Macron, qu’un deal est en préparation. Cela confirme dans le même temps les ambiguïtés diplomatiques qu’entretient la France avec le Hezbollah ces dernières années. Des ambiguïtés que cette conférence n’a fait que renforcer…

À titre d’exemple, on peut s’interroger sur les représentants libanais présents à la conférence de Paris, à l’image de Najib Mikati, le premier ministre libanais par intérim, et Abdallah Bou Habib, le ministre des Affaires étrangères libanais. Ces derniers n’ont en effet aucune légitimé égale. Démissionnaires depuis deux ans, la constitution libanaise leur interdit de prendre des décisions sans avoir l’accord du parlement. En outre, ces dirigeants, accueillis en amis par Emmanuel Macron, ont été mis à leur poste par le chef du Hezbollah en personne, Hassan Nasrallah, décédé dans une frappe israélienne. Des éléments qui, associés au discours réprobateur contre Israël, sèment un peu plus le trouble.

L’argent du peuple libanais détourné par les dirigeants du pays au profit du Hezbollah

On peut dès lors légitimement se poser la question ce qu’il adviendra des 800 millions d’euros d’aides accordés au Liban. Le pays est en effet toujours contrôlé par le Hezbollah, parti pro-iranien qui dirige tout en sous-main. L’argent va donc atterrir dans les caisses du Hezbollah, qui grâce à la bienveillance du président Macron, voit ainsi une véritable aubaine pour se reconstituer une trésorerie. On rappelle en effet qu’Israël avait réussi à couper les sources d’approvisionnement du Hezbollah en bombardant les infrastructures des banques appartement au Hezbollah et en réduisant en cendres des centaines de millions en cash qui étaient cachés dans des souterrains…

L’argent promis au Liban lors de cette conférence servira-t-il les intérêts du peuple libanais? Rien n’est moins sûr… Le tout, encore une fois, sous le regard bienveillant du président Macron, qui semble avoir pris étrangement un virage bien complaisant avec le Hezbollah. En coulisses, la majorité des députés macronistes ne comprennent pas cette position et ont d’ailleurs tenté de dissuader le président de prendre ce virage radical. En vain…

Le pire, c’est que ce ne serait pas la première fois que les Libanais se font ainsi voler. Loin de là. Jusque-là, tout l’argent des aides financières étrangères en faveur du Liban a été détourné par les dirigeants libanais, et notamment les 14 milliards de dollars accordés au Liban pour lui évier la banqueroute, accordées lors des accords de Paris-1, Paris-2 et Paris-3, lorsque Jacques Chirac présidait la conférence internationale des donateurs. Sans oublier le milliard d’euros envoyé par l’Union européenne pour aider les réfugiés syrien au Liban, qui s’est tout simplement évaporé. À tel point que le parlement européen a voté l’arrêt de toute aide au Liban en cash… Mais où est passé ce milliard ? Mystère…

Autre élément édifiant : la France est parfaitement au courant de ces détournements d’argent. Comme le révélait le journaliste Georges Malbrunot, Emmanuel Macron lui-même avait expliqué aux dirigeants libanais, réunis à Beyrouth à l’ambassade de France en 2020, savoir qu’il savait qu’ils avaient volé l’argent des Libanais, notamment en créant une pyramide de Ponzy, précisant même qu’il savait où cet argent était caché, y compris dans certaines banques françaises. Au final, cette mise au point n’aura pas servi à rembourser le peuple libanais, mais permis à la France et au milliardaire Rodolphe Saadé, président de la société de transport maritime CMA CGM, d’obtenir le contrat de la reconstruction du port de Beyrouth suite à la gigantesque explosion de 2020. Ce dernier, nouvellement propriétaire de BFM TV, était d’ailleurs dans l’avion présidentiel, comme l’a aussi révélé Georges Malbrunot. Le tout sous la bienveillance du Hezbollah, passage obligé pour finaliser un tel deal, via le ministre des Transports de l’époque Ali Amieh, proche du Hezbollah, et Ammar Moussaoui, délégué du Hezbollah aux relations internationales. D’autres projets ont suivi…

La colère froide d’Emmanuel Macron

Si Emmanuel Macron entretient des relations troubles avec le Hezbollah, le président goûte peu qu’on le lui rappelle publiquement. Tout le monde a en mémoire cette scène ahurissante qui se déroule en 2020 à l’Élysée, au cours de laquelle Macron s’emporte violemment contre le journaliste Georges Malbrunot, l’un des mieux renseignés sur le Moyen-Orient. En cause : plusieurs articles diffusés dans Le Figaro, dans lesquels le journaliste évoquait les chefs de clans et les mécanismes de la corruption dont souffre le Liban. Le journaliste révélait aussi qu’Emmanuel Macron avait déclaré à Mohammed Raad : « Je veux travailler avec vous pour changer le Liban. » Pour rappel, Mohammed Raad est l’une des principales figures du Hezbollah, et a été le premier député de cette organisation à obtenir un siège de député au Parlement, en 1992″. Cette colère froide, cette remontrance indigne d’une cour de récréation, totalement indigne d’un chef d’État dans un pays démocratique, en dit long sur l’ambiguïté des relations entre le président français et le Hezbollah…

La libération de Riad Salamé, détenu pour corruption, évoquée lors de la Conférence internationale de soutien au Liban

Autre preuve des relations troubles du président français : on a appris que lors de la Conférence internationale de soutien au Liban, la question de la libération de Riad Salamé avait été évoquée. Une énorme surprise, quand on sait que ce dernier, ex-gouverneur de la Banque du Liban, a été placé en détention au mois de septembre suite à une enquête le visant pour des soupçons de détournement de fonds publics pour un montant dépassant les 40 millions de dollars. Présenté par certains comme le sauveur du Liban ou un bouc-émissaire, c’est ce même Salamé qui était en en poste à la tête de la BDL depuis 1993, et qui est soupçonné aujourd’hui d’avoir ruiné le Liban. Il a notamment été soupçonné d’avoir mis en place des systèmes financiers risqués, souvent comparés à une « pyramide de Ponzi ». Depuis fin 2019, l’effondrement de l’économie libanaise a vu la monnaie nationale perdre plus de 98 % de sa valeur, plongeant de nombreux citoyens dans la précarité et leur coupant l’accès à leurs économies. Sa libération anticipée, mises sur le table de la Conférence internationale de soutien au Liban, est donc un véritable scandale démontrant malheureusement qu’une fois encore, l’intérêt des Libanais n’est absolument pas la priorité de ceux assis autour de la table…

Mais après tout, quand on entend le président Macron parler du Liban actuel comme d’un « miracle » de diversité et d’un modèle politique, alors que le pays est gangréné par la corruption, l’ultra-communautarisme et les islamistes aux ordres de l’Iran, plus rien ne doit nous surprendre dans ce bal hypocrite de barbares et de corrompus…

Obama, Trump, Sarkozy, Mitterrand, De Gaulle… Aujourd’hui, « il n’y a pratiquement plus d’orateurs »

Suite de l’interview de Stéphane André, fondateur de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris, au sujet des qualités nécessaires pour s’exprimer au public. Via l’analyse de nos dirigeants présents ou passés, d’Emmanuel Macron à Michel Barnier, de Barack Obama à Donald Trump en passant par Mitterrand et De Gaulle. (partie 2/2)

T.V. Avec cette actualité politique très dense depuis plusieurs mois, quelle est la personnalité politique du moment la plus forte en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. C’est un désert. Il n’y a pratiquement plus d’orateurs. Aujourd’hui, tout le monde parle. Quand on parle en tant qu’influenceur, on peut parler dans son lit au monde entier. Donc le corps n’a plus besoin de travailler. C’est pour ça qu’il y a ce brouhaha d’Internet où chacun n’est alimenté que via les algorithmes qui lui proposent que ce qu’il a envie d’entendre. Il n’y a plus de leader, parce qu’il n’y a plus d’orateur. Pour moi, un orateur est un leader. Il faudrait que n’importe quel enseignant soit un leader devant sa classe.

T.V. : Vous êtes remonté à Mitterrand, De Gaulle, etc. Est-ce que le dernier grand orateur est un Barack Obama ou un Donald Trump ?

Stéphane André. Barack Obama, oui, Donald Trump, non, c’est une catastrophe. Trump, c’est un Sarkozy multiplié par 10. Nicolas Sarkozy a souvent agressé les journalistes. Trump dix fois plus. Tous les deux montrent une face avant tendue. Donald Trump, son visage, c’est un blindage. Il a ses paupières presque fermées, quand il parle, comme des meurtrières de blockhaus, et son oeil, ce n’est pas un œil curieux du public, un oeil enfantin. Un grand orateur doit avoir un regard d’enfant de 5 ans, regarder son public comme un enfant. Croiser les regards, au hasard. Comme dans un sondage aléatoire, sentir la globalité du public, prendre le pouls. Barack Obama, détente faciale totale. Aucune défense musculaire apparente. Visage totalement détendu. Épaule basse, le bras est bas. Et le regard est sur le public. Ça veut dire, je n’ai pas peur, tout en parlant je vous accueille. Alors que, Manuel Valls, quand il était Premier ministre : raide, avec des « euh » partout. Sarkozy, visage tendu, tics d’épaule, l’est tout autant. Et Trump visage blindé l’est encore plus. Ce sont des chefs. De Gaulle, Mitterrand, Obama étaient des leaders. Le chef s’impose et impose. Le leader s’expose et expose. Mais on s’engagera beaucoup plus pour un leader que pour un chef. Pour un chef, dans l’entreprise et ailleurs, on fait le minimum. Pour avoir la paix. On fait bien la différence dans notre école entre le chef et le leader.

T.V. : Vous dites que « la technique est universelle, le style est toujours individuel »

Stéphane André. Nous faisons éclore des styles. Nous n’enseignons que « le tarmac » de la technique. Si l’élève travaille, son style apparaît. Le style de M. Barnier n’est pas de regarder dans le vide pour trouver ses mots. S’il travaillait la technique, on verrait éclore son style. Mais ce n’est pas ce qu’il donne tous les jours. Le style raconte l’histoire de la personne. C’est vrai pour l’accent marseillais ou l’accent ch’ti. Mais ma façon de parler, ma façon de bouger ou de ne pas bouger devant vous, mon économie de mouvement ou mes intonations, vous racontent en réalité mon histoire. Tout cela vient de tout ce que j’ai vécu, les accidents dans la vie que j’ai eus, si j’ai été un littéraire ou pas, si j’ai fait des études ou pas d’études, etc. La manière dont quelqu’un parle raconte son histoire. C’est son style. Mais ça n’est que la signature qu’il met au bas de l’œuvre artistique, qui est le personnage, l’incarnation de la fonction qu’il a su construire.

T.V. Comment se déroulent vos cours dans votre école ? C’est collectif ou individuel ?

Stéphane André. Il y a des cours particuliers, où l’on reçoit des hommes et des femmes, ça peut être des managers, des consultants, de toute façon des gens qui doivent s’exprimer en public dans le cadre de leur fonction. Pour les politiques, ce sont en général des cours particuliers. En France, les politiques n’aiment pas trop qu’on dise qu’ils prennent des cours pour parler en public. Les Anglais, ça ne les dérange pas. Les enfants anglais font des cours de « debating » dans toutes les écoles. Un politique dira facilement qu’il a un conseiller en communication, qu’Euro RSCG s’occupe de sa communication, qu’il a des gens qui lui rédigent ses discours. Mais il ne dira pas facilement qu’il prend des cours pour bien parler en public. Nous donnons des cours longue durée pour des groupes sur 35 séances, des séances de 2 heures sur une année scolaire. Et il y a des séminaires de 2, 3 ou 4 jours. On y enseigne la base, la technique, que ce soit à des négociateurs, à des managers pour animer des réunions de travail, à des conférenciers pour des grandes réunions, à des commerciaux pour produire des pitchs, etc. Notre technique est très physique, elle s’appuie sur le regard, sur le dos, sur la voix. Je dois théâtraliser. « La vie publique est un théâtre », Shakespeare l’a dit. Chacun joue un rôle, joue la comédie, comme vous dites, mais au sens positif du terme, bien sûr.

T.V. : Avec cette société actuelle, tête baissée sur son smartphone, une notification en balaye une autre, qu’est-ce que ça change ?

Stéphane André. Le fait que le vecteur de communication change, c’est une forme de modernité, mais les grands orateurs passeront toujours, à travers n’importe quel vecteur. Nous, on attend qu’au-dessus de ce brouhaha médiatique, tout d’un coup surgisse encore un orateur. C’est l’espoir que j’aurais pour un Michel Barnier, mais j’ai des doutes. Ce qui est incroyable, c’est que les lois que j’ai mises au point pendant des années ne changent pas avec la technologie d’aujourd’hui. La présence humaine est importante. Peu importe qu’on soit en train de se filmer avec un téléphone, avec une caméra, avec un ordinateur, il faut rester un orateur puisqu’on est en scène. Un conseil idiot, mais tout simple, quand les gens parlent devant leur écran chez eux, ça ce n’est même pas de la technique : mettez votre ordinateur sur une pile de dictionnaires de manière à ce que vous soyez en face de la caméra et que les gens soient en face de vous. Finis les mentons prognathes et les fronts fuyants.

T.V. : Dés que vous voyez quelqu’un, vous jugez son art oratoire ?

Stéphane André. Oui, mais uniquement quelqu’un dans la vie publique. L’art oratoire ne concerne en aucune façon la vie privée. C’est comme au théâtre. Le comédien travaille sur scène pour interpréter quelque chose, mais quand il rentre chez lui, il peut parler différemment. Il peut avoir des tics verbaux en discutant avec un copain. Sur scène, c’est fini. Un orateur, c’est la même chose. Mais quand il est en scène, c’est au titre d’une fonction publique. Il doit donc s’élever au niveau de cette fonction. Les techniques que nous enseignons, je déconseille même à mes élèves de les appliquer en vie privée. Reposez-vous. Et puis, en vie privée, vous êtes entourés de gens qui vous aiment, d’amitié ou d’amour. C’est votre personne qu’ils aiment, et non un personnage.

T.V. : D’autres métiers, comme les enseignants, devraient utiliser vos méthodes ?

Stéphane André. La formation des enseignants, c’est une catastrophe. Les enseignants, aujourd’hui, devant des classes très difficiles, on les emmène au suicide. Non seulement ils sont sous-payés, mais en plus, une classe de 35 élèves, toute une année, garder le respect de toute la classe et emmener tout le monde, c’est une performance sportive absolument incroyable. Il faut avoir un corps en place, il faut recevoir la diversité d’une classe pour faire en sorte que, quand je reçois ça, tout d’un coup, mon cerveau sache calculer le texte qui va convenir au nul, à celui qui n’est pas nul, à celui qui est fils d’immigré, comme celui qui ne l’est pas. C’est ça que doit faire un grand orateur. Toucher tout le monde, en même temps. Il faut gérer trois lignes de façon pertinente : la ligne verbale, la ligne des mots, la ligne tonale, l’enchaînement des tons, la ligne rythmique. Il faut évidemment que ma triple ligne verbale, tonale et rythmique convienne à tout le monde. Un orateur reçoit la complexité d’un public divers, son cerveau en fait la synthèse et son cerveau sait exactement donner à chaque seconde, au bon moment, le bon mot qui conviendra à tous. Toute la question est de saisir à chaque seconde l’état de ce public dans sa globalité. C’est ce que savent faire le bons orateurs. Mais l’art oratoire s’apprend, comme le piano ou la guitare.


Pour lire la partie 1 de l’interview, cliquez ici.


Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)

Macron, Barnier, Mélenchon… « Pas de leader car il n’y a plus d’orateur », les bons conseils de Stéphane André

La défiance est totale entre les représentants du monde politique et les citoyens français. Pour remédier à cela, un grand leader doit émerger. Qui dit grand leader dit grand orateur. Stéphane André reçoit Entrevue dans les locaux de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris. Cette école, il l’a fondée en 2008. L’homme de 77 ans à la carrière bien remplie travaille ce sujet de l’expression oratoire depuis 1973. Epoque où la communication était loin d’être omniprésente. Rencontre. (partie 1/2)

Thibaud Vézirian. Cela fait 50 ans que vous travaillez ces sujets-là. Savoir bien communiquer oralement est un besoin encore plus vital dans la société actuelle ?

Stéphane André. Quand j’ai commencé à parler de ce thème, c’était une époque où la communication n’était pas à la mode. J’ai eu beaucoup de chance dans la vie parce que quand j’ai commencé, j’étais tout seul. On me disait qu’apprendre à parler en public, ce n’était pas un métier. Au mois de juillet dernier, on a fêté le 50e anniversaire de mon travail. L’école de l’art oratoire n’existe que depuis 2008, mais j’ai commencé ce travail en 1973, je sortais tout juste de l’ESSEC. Le directeur de l’école était un ancien avocat, j’étais comédien et il m’a demandé de donner des cours aux étudiants. Parce que lui était passionné par la parole en public, c’était un précurseur. Plus tard, des camarades, souvent issus du théâtre, qui ont bien voulu cautionner mon travail, m’ont rejoint.

T.V. : Donner un cours d’art oratoire, cela ressemblait à quoi à l’époque ?

Stéphane André : J’ai appris très vite à faire les différences entre l’acteur et l’orateur. L’acteur a une mission dans la société, l’orateur en a une autre. L’acteur, lui, jouant Molière, Shakespeare, propose un miroir à la société qui est venue voir la représentation. Et la société rit d’elle-même en se regardant dans le miroir de la pièce, ou pleure sur elle-même et sortir du théâtre ensuite un peu plus sage. Ça s’appelle la culture. L’orateur, lui, n’est pas là pour proposer un miroir à la société. Il est là pour la construire.

Toute personne qui prend la parole dans la vie publique le fait au titre d’une fonction de chef d’entreprise, de manager, de député, d’enseignant, de maire, de Président de la République, etc. Et il doit incarner cette fonction. Dans « incarner », il y a le mot « carne », et la carne, c’est le corps. En France, quand on entend parler d’incarnation dans les débats politiques, etc., on met un nom sur un poste, mais il n’y a pas le corps.

T.V. : C’est-à-dire ?

Stéphane André. Il y a l’homme avec son cerveau, et puis, en réunion, c’est son cerveau qui parle. Mais le corps, lui, n’incarne rien. Donc, il passe son temps à n’exposer que sa personne. Une personne, ce n’est pas un personnage. Une personne, c’est chacun de nous dans la rue, avec un discours tout aussi banal. Et quand je vois M. le nouveau Premier Ministre, M. Barnier, bon…

T.V. : Michel Barnier est un bon communicant en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. Il parle, c’est très agréable. Ok. Ça n’a rien de la dimension d’un personnage du niveau d’un Premier ministre. Même si leur style serait différent aujourd’hui, rappelons-nous des deux derniers grands orateurs dans notre Ve République qu’ont été De Gaulle et Mitterrand. Deux styles totalement différents, deux bords politiques, mais deux orateurs politiques. Et c’est ça qui fait vivre une démocratie.

T.V. : Les personnalités politiques d’aujourd’hui ne sont pas de grands orateurs ?

Stéphane André. Disons que je ne suis pas impressionné par les numéros de Jean-Luc Mélenchon, qui adule son propre don d’orateur, et n’a pas l’humilité de se plier à la discipline d’une technique. Cette école, je l’ai construite sans le savoir pendant 50 ans, en construisant peu à peu, au contact de mes élèves une technique d’art oratoire. L’art oratoire est pour moi comme l’art du piano, du violon, l’art dramatique ou l’art lyrique. C’est très technique.

T.V. : Cela ressemble aux techniques de communication concrètes enseignées par certains journalistes en media-training ?

Stéphane André. En dehors de son apparence, le journaliste ne s’intéresse pas au corps de l’orateur, ce n’est pas son expertise. C’est pourquoi il m’est arrivé souvent de co-animer des séminaires de media training, avec Jean-Marie Cavada et d’autres journalistes. C’est complémentaire. L’art oratoire, c’est la maîtrise de la pensée dans l’action. Par l’incarnation. La maîtrise de la pensée dans l’action et pour l’action. Si je fais une campagne électorale, j’incarne un certain nombre d’idées de droite ou de gauche, je représente un personnage de député bien plus grand que ma personne, je suis l’incarnation d’une certaine idée de la France. C’est ça, mais si le corps n’est pas là, il est évident qu’on n’incarne plus rien. L’incarnation élève la pensée de l’orateur.

T.V. : Tout cela signifie que les problèmes actuels de communication de nos politiques vis-à-vis du grand public, toutes ces informations et idées qui ne passent pas, c’est un problème de technique oratoire ?

Stéphane André. Il y a un problème de leadership. Si je prends deux figures opposées, qui ont été des grands exemples historiques de la parole en public : il y a le Christ et l’antéchrist, De Gaulle contre Hitler. Adolf Hitler, c’est un grand charisme, il n’y a pas de formation pour être charismatique. C’est une présence plus forte que celle des autres, on ne sait pas pourquoi. Sur scène, il se passe quelque chose. Quand Hitler est monté sur une table à Munich, bien avant la guerre, il s’est révélé. Mais quand on écoute la parole d’Hitler, c’est le cri de souffrance d’un grand psychotique : il est archi tendu, archi contracté, ce n’est pas de l’art, c’est très laid, ce n’est pas beau, ne serait-ce qu’au son.

T.V. : Le son, la voix, c’est le plus important ?

Stéphane André : C’est ce qui constitue l’identité d’un orateur. Le son de la voix d’Hitler est très laid. A l’opposé de ça, De Gaulle a une voix, une expression, il y a une élégance dans son comportement. Charles De Gaulle, c’est de l’art oratoire, c’est du leadership. Il est dans les canons de la technique, il a d’ailleurs pris des cours avec Jean Yonnel, grand comédien du Théâtre français. Quand il arrive au pouvoir en 1958, Marcel Bleustein-Blanchet, grand publicitaire, donne le conseil à De Gaulle d’aller prendre des cours chez Jean Yonnel.

T.V. : Les plus grands leaders ne maîtrisent pas tous l’art oratoire ?

Stéphane André. Napoléon s’est rapproché de François-Joseph Talma, un grand comédien de son époque. Tous les grands orateurs politiques ont compris leur proximité avec les grands comédiens. Ils servent une cause, une idée et un public, c’est ça un orateur. Aujourd’hui, ce que vous voyez de la société, et notamment de la politique, montre un grand besoin de techniques oratoires. On est surtout centré sur la rhétorique, beaucoup moins sur l’éloquence. Et l’éloquence n’existe qu’au moment où l’orateur est sur scène. C’est-à-dire qu’il entre, met d’abord son corps en équilibre entre le sol au-dessous de lui, le ciel au-dessus de lui, le public en face de lui.  Et c’est parce qu’il est en scène, en harmonie avec le monde physique qu’il l’est aussi avec l’univers intellectuel. Alors peut lui venir une idée essentielle qu’il n’aurait pas eue en préparant son discours, et que ses conseillers, qui ne sont pas à la tribune, ne peuvent pas trouver. Les grands orateurs politiques ont eu leurs idées les plus géniales face au peuple.

T.V. : Dans le paysage politique actuel, qui auriez-vous envie de conseiller en particulier ?

Stéphane André. Le niveau des orateurs aujourd’hui a baissé considérablement. Je vous parlais de De Gaulle et de Mitterrand. Je suis allé rechercher loin. Depuis Mitterrand, les présidents de la République ont eu une expression qui a été beaucoup plus ordinaire. Ils ont voulu descendre dans l’arène pour être comme tout le monde. Or, César ne descend pas dans l’arène. Mais comment peut-on être Président en étant comme tout le monde ? Le statut ne suffit pas. Il faut l’incarner. Si je me mets à parler comme tout le monde, je n’incarne plus le statut.

T.V. : Alors qu’est-ce qu’un bon discours public ?

Stéphane André. Parler en public ne consiste pas à dire ce qu’on a prévu de dire, mais d’aller au-delà grâce au public. Nos orateurs, aujourd’hui, veulent absolument dire ce qu’ils ont prévu de dire, tout ce qu’ils ont prévu de dire et rien que ça. Ils n’ont pas de relation à la salle. Ils ne sont pas corps à corps avec la salle. Ils regardent dans le vide ou dans leurs notes. Michel Barnier regarde dans le vide, il y trouve une idée, il la donne. Puis il va chercher une autre idée dans le vide, et il la donne. On assiste à de vrais tunnels, que les journalistes sont bien obligés d’interrompre. Il ne regarde pas la ou le journaliste pour trouver ses mots, donc il ne regarde pas la France pour stimuler sa pensée. Elle tourne en rond et ne s’élève pas… Regarder la ou le journaliste, c’est regarder la France.

T.V. : Si vous arriviez à le croiser sur le trottoir, deux minutes, vous pourriez lui dire déjà, de changer quoi ?

Stéphane André. Je lui dirais, « mon vieux, venez prendre des cours ! » Ce n’est pas si facile que cela, de parler en public. C’est un sport, exactement comme le tennis. Comme le rugby ou la boxe. Il faut de l’entraînement. Mais les gens pensent que c’est simple… Je hais cette division entre le fond et la forme. Nous avons dans notre école une métaphore : il y a l’auteur et il y a l’acteur. Au théâtre, il y a des auteurs : Molière, Shakespeare, par exemple. Mais en art oratoire, trop d’orateurs se prennent pour des auteurs en rédigeant leurs discours. En réalité, au théâtre, le génie, c’est un individu, l’auteur dramatique. En art oratoire, il n’y a pas d’auteur. Je peux préparer mon discours. Et quand j’arrive devant le public, je vais au-delà du discours, comme le faisait De Gaulle, grâce au public que je regarde et qui m’inspire.. L’auteur, en art oratoire, ce n’est plus un individu. C’est le collectif que l’orateur sait construire avec son public.

T.V. : De mémoire, quand Emmanuel Macron est élu Président en 2017, et aussi pendant sa campagne, ses discours font mouche. C’est ce qui a aussi fait la différence ?

Stéphane André. Emmanuel Macron, c’est très intéressant, parce qu’il a été bon orateur à certains moments. Le jour où il fait son premier discours de Président, il est un bon orateur. Il a alors un certain leadership. Quand il reçoit la visite de Donald Trump en France, aussi. Mais pendant sa campagne, il se casse la voix. Emmanuel Macron est un orateur insuffisant, la voix est trop petite. Et depuis, quand il est interviewé par des gens de votre corporation, les journalistes, il est en bras de chemise, il est accoudé, il parle comme s’il était à une terrasse de café. Il fait exactement Monsieur tout le monde, il descend dans l’arène. Et là, il n’incarne plus la fonction, il fait du mal à la fonction. Et à une tribune, quand il lâche son papier et regarde la salle, il est dans le vrai. C’est-à-dire qu’Emmanuel Macron est très irrégulier.


Pour lire directement la partie 2 de l’interview de Stéphane André, cliquez ici.


Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)

Johan Neeskens (1951-2024), le football au rang d’art : son dernier match en France en avril dernier

Un géant du football vient de décéder. Légende des Oranj des Pays-Bas, Johan Neeskens s’est éteint à l’âge de 73 ans. Un milieu de terrain magique, très bon tireur de penalty. Digne représentant du football total.

Le 24 avril dernier, on ne le savait alors pas mais les Français ont assisté à son dernier grand match. Johan Neeskens était à Plaisir (Yvelines), avec le brassard de capitaine du Variétés Club de France (VCF), en compagnie du Président de la République Emmanuel Macron, Didier Drogba, Eden Hazard, Laurent Blanc, Didier Deschamps, Samuel Eto’o ou Arsène Wenger. Un match caritatif où il a pu nous régaler quelques minutes de son fantastique toucher de balle.

Le VCF, dont il était membre depuis 1992, observera une minute de silence en sa mémoire samedi prochain avant le 2500eme match de l’histoire du club.

Johan Neeskens a remporté trois Coupes des clubs champions consécutives sous le maillot de l’Ajax d’Amsterdam entre 1971 et 1973. Avec l’illustre Johan Cruyff, d’Amsterdam à Barcelone en passant par les États-Unis, il aura fait voyager son art.

« F**k Macron ! » : Après sa victoire face à Benoît Saint-Denis, Renato Moicano s’en prend au Président et à la Mondialisation

L’UFC Paris aura réservé le plein de surprises, samedi soir. De la défaite terrible de Benoît Saint-Denis face au Brésilien Renao Moicano jusqu’aux déclarations surréalistes de ce dernier après le combat.

Renato Moicano s’est fait un nom en France. Le combattant brésilien a complètement détruit « BSD », Benoît Saint-Denis, star du MMA en France. Après sa victoire nette et sans bavure, il a mis le traducteur en difficultés…

Alors qu’il était interrogé sur sa prestation, il se lance dans une prise de parole hautement politique, voire sociétale : « Tout d’abord, les Français, je voulais dire beaucoup de c**nneries sur la France. Puis je suis allé au Louvre, à l’Arc de Triomphe, dans tous les plus beaux endroits de Paris, et j’ai juste une chose à dire : les Français sont super mais leur gouvernement est une horreur« .

Il poursuit avec la même détermination que dans l’octogone : « La révolution française de 1789 a cherché à effacer Dieu de la carte mais devinez quoi, Jésus Christ est plus que jamais en vie.« 

Le plus insultant arrive lorsque le speaker cherche à le relancer sur un futur adversaire : « Fuck Macron , fuck la mondialisation, fuck tous ces p*tains de mondialistes« , tonne-t-il fort, « ils essayent de pousser un agenda politique corrompu. Si vous voulez parler de politique, je vous incite à lire ‘Démocratie, le Dieu qui a échoué‘, de Hans-Hermann Hoppe. Et j’espère que vous allez comprendre ce qu’est vraiment la démocratie. Vous comprendrez pourquoi le monde devient fou. Merci aux Français, Paris est magnifique !« 

La foule, pas forcément bilingue, reste assez stoïque, des vivats descendent quand même des gradins. Décidément, Renato Moicano aura surpris le monde sur et en dehors de l’octogone.

Rémy Boullé propose LA solution contre les fausses cartes handicapées

« Aujourd’hui à Paris, c’est 80% de fausses cartes handicapées« … Rémy Boullé, médaillé de bronze sur 200 mètres en para-canoë aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, ne parle pas pour ne rien dire. L’ex-commando parachutiste a confié avoir été reçu en toute intimité par Emmanuel Macron. Et il est allé à la rencontre du chef de l’Etat avec des idées concrètes pour faire évoluer la société.

Invité de la dernière émission « Quel Jeux ! » sur France 2, dimanche, le médaillé de bronze paralympique Rémy Boullé a montré que l’on pouvait facilement faire bouger les choses pour les personnes en situation de handicap dans la société. Sans investir massivement de l’argent, on peut aussi avoir des idées simples.

« Avec ça, on réduirait de moitié les personnes qui se garent sur les places handicapées« , explique Rémy Boullé. L’athlète propose « par exemple (de) créer des puces magnétiques. Qu’on met sur notre pare-brise, que les policiers puissent flasher, ça réduirait de moitié les fausses cartes et donc on réduirait de moitié les personnes qui se garent sur les places handicapées. Il (Emmanuel Macron) m’a dit : « C’est une bonne idée ! ». Et je lui ai dit : « Ça coûte pas cher ». Et je lui ai dit : « Faites-le parce qu’on va réduire les personnes qui se garent sur les places handicapées et vous allez rendre la vie super à toutes les personnes qui ont besoin de ces places. »

Selon Rémy Boullé, « aujourd’hui à Paris, c’est 80% de fausses cartes handicapées. C’est pour ça que je lui ai dit qu’il faut des puces magnétiques où on vient scanner. Et la personne qui se gare sur la place handicapée, on lui met une grosse amende« . Dis comme ça, cela paraît une évidence. Place aux actes, Monsieur le Président.

L’Algérie sous Tebboune : un bilan mitigé cinq ans après le souffle du Hirak

Cinq ans après le mouvement du Hirak, qui a ébranlé l’Algérie avec des manifestations massives contre le prolongement du mandat de Bouteflika, le pays subit toujours une forte répression des dissidents. Actuellement, le président Abdelmadjid Tebboune, reniant ses promesses antérieures, vise un second mandat, exacerbant les tensions internes. Ce retour sur la scène électorale intervient alors que le bilan de son premier mandat est marqué par une gestion controversée des libertés civiles et une diplomatie erratique, critiquée tant sur la scène internationale que parmi ses citoyens. L’Algérie, marquée par les réminiscences du Hirak, est à la croisée des chemins entre aspirations démocratiques et dures réalités politiques.

En 2019 le Hirak avait secoué l’Algérie avec des manifestations contre la prolongation du mandat d’Abdelaziz Bouteflika, le pays est toujours en proie à une répression sévère de la dissidence. Pendant ce temps, l’actuel président Abdelmadjid Tebboune se présente pour un second mandat en dépit de ses engagements de 2019.

Le Hirak : Un mouvement réprimé, des promesses non tenues

Le Hirak a commencé en février 2019, lorsqu’une vague de manifestations pacifiques a éclaté à travers l’Algérie, réclamant la fin du régime de Bouteflika et des réformes politiques. Ce mouvement, composé principalement de citoyens ordinaires, a exigé des changements fondamentaux dans un pays où le pouvoir était concentré entre les mains d’une élite politique vieillissante.

Cependant, l’enthousiasme populaire a été brutalement interrompu par la pandémie de COVID-19 en 2020. Les autorités ont alors saisi l’occasion pour renforcer leur répression contre les voix dissidentes. Depuis lors, les arrestations arbitraires et les détentions se sont multipliées. Des centaines de personnes, dont des manifestants pacifiques, des journalistes, et des défenseurs des droits humains, continuent d’être emprisonnées pour avoir exprimé leurs opinions.

Amnesty International a récemment critiqué cette situation, appelant à la libération immédiate des détenus politiques et dénonçant la suppression des libertés fondamentales. Le rapport de l’organisation souligne l’intensification de la répression et le harcèlement des opposants politiques, un constat amer pour ceux qui espéraient un changement véritable après le Hirak.

Abdelmadjid Tebboune : de la promesse à la réélection

En 2019, Abdelmadjid Tebboune, alors candidat à la présidentielle algérienne, avait annoncé qu’en cas d’éléction, il ne se présenterait pas en 2024. Pourtant, le président sortant a récemment décidé de briguer un second mandat lors de l’élection prévue le 7 septembre prochain. Ce revirement surprenant suscite des interrogations et des critiques, en particulier de la part des figures du Hirak qui considèrent cette décision comme une trahison des engagements de Tebboune envers le peuple algérien.

Tebboune, qui a pris ses fonctions en décembre 2019 après la démission de Bouteflika, a mis en avant ses réalisations économiques et politiques au cours de son premier mandat. Son bilan inclut une gestion prudente de l’économie, une croissance du PIB, ainsi que des mesures sociales telles que l’augmentation du salaire minimum et des allocations chômage. Néanmoins, ces avancées sont assombries par un contexte politique de plus en plus répressif.

L’Algérie, sous la présidence de Abdelmadjid Tebboune, semble marquée par une hostilité croissante envers la France, alimentée par ce que’Emmanuel Macron nomme « un système construit sur une rente mémorielle » qui attribue à l’ancienne puissance coloniale la responsabilité des défis actuels du pays. Ce complotisme anti-France, entretenu par le pouvoir algérien, sert de bouc émissaire pour détourner l’attention des échecs internes, notamment en matière économique et sociale. Le président Tebboune a amplifié cette rhétorique dans un contexte de crises diplomatiques successives. La récente tension avec la France concernant le Sahara Occidental, où Alger a retiré son ambassadeur à Paris après le soutien français au plan d’autonomie marocain, n’est qu’un exemple des nombreux faux pas diplomatiques sous sa direction. Cette politique extérieure, à la fois agressive et peu fructueuse, reflète non seulement une gestion maladroite des relations internationales, mais également un profond malaise interne, où le régime semble incapable de proposer une vision constructive pour l’avenir du pays, préférant s’enfermer dans une posture de défiance et de victimisation.

Le président Tebboune assure que son deuxième mandat serait axé sur la continuation des réformes et le renforcement de l’État social. Cependant, cette promesse est perçue par beaucoup comme une tentative de consolider son pouvoir plutôt que de répondre aux véritables aspirations du peuple algérien.

Le bilan cinq ans après le Hirak : entre réformes et répression

Le Hirak a été un moment de grande espérance pour de nombreux Algériens, symbolisant une volonté collective de changement. Cependant, cinq ans plus tard, les réalisations tangibles de ce mouvement restent limitées. Le climat politique en Algérie est caractérisé par une répression continue des libertés publiques et un contrôle accru des manifestations et des médias.

La participation électorale a été faible lors des derniers scrutins, reflétant une désillusion croissante vis-à-vis du système politique. Les chiffres de l’abstention, atteignant jusqu’à 60 % lors des dernières élections, montrent un désengagement profond de la population face à un processus politique perçu comme biaisé et injuste.

En parallèle, les réformes promises par le gouvernement n’ont pas toujours répondu aux attentes des citoyens. Les politiques économiques, bien que louées par certains observateurs internationaux, n’ont pas nécessairement conduit à une amélioration significative des conditions de vie pour tous les Algériens.

Le paysage politique algérien continue d’être dominé par un régime autoritaire, avec une façade de pluralisme qui masque la réalité d’un contrôle rigide et d’une répression systématique des voix dissidentes. Les espoirs de changement apportés par le Hirak semblent encore lointains alors que le pays entre dans une nouvelle phase électorale avec des questions de légitimité et de réforme qui demeurent non résolues.

Vers une réélection contestée et un futur incertain ?

La présidentielle de septembre 2024 pourrait bien être un moment décisif pour l’Algérie, mais elle semble aussi marquer la continuité plutôt que le changement. Avec la candidature de Tebboune, malgré ses promesses antérieures, et un climat politique toujours tendu, l’avenir de l’Algérie reste incertain. Le pays se trouve à un carrefour critique où les aspirations du Hirak sont confrontées à une réalité politique rigide et répressive. Les candidatures de Hassani Cherif du parti islamiste MSP et de Youcef Aouchiche de l’historique Front des forces socialistes ont été validées, introduisant ainsi un semblant de pluralisme dans les élections algériennes. La question demeure : le changement tant attendu se concrétisera-t-il un jour ou l’Algérie restera-t-elle enlisée dans un statu quo qui peine à répondre aux besoins et aux aspirations de ses citoyens ?

Fake news – Non, un combattant du Hamas ne menace pas Paris pour les Jeux

Fact Checking – La vidéo fait froid dans le dos. Un combattant semble représenter le Hamas. Il menace ouvertement la France d’attaques pendant les Jeux Olympiques. Le soi-disant guerrier délivre « un message au peuple français et au président français Macron ». Très vite, beaucoup d’observateurs ont relevé la supercherie. Volonté de déstabilisation en provenance d’un pays étranger ?

La France est-elle sur le qui-vive concernant de potentielles attaques terroristes pendant les Jeux Olympiques (le reste du temps aussi) ? Tout à fait. Mais le gouvernement doit-il s’inquiéter de menaces proférer en vidéo par un combattant du Hamas revendiqué ? Pas du tout.

Petit tour de toutes les incohérences relevées sur cette vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Les moins crédules ne sont pas tombés dans le panneau. Dans cette pièce sombre, un homme a le visage masqué par un keffieh. Il avertit la France : « Le pays paiera pour son soutien au régim sioniste » et « pour l’accréditation des athlètes israéliens ». Il ajoute : « Des fleuves de sang couleront dans les rues de Paris, et ce jour est à venir, si Dieu le veut ».

Les spécialistes sont unanimes, l’arabe n’est absolument pas la langue native de cet homme. Ni l’accent palestinien, ni le bon langage arabe, ni l’uniforme correct du Hamas. Rien ne va. De même, cette vidéo ne comporte aucun logo, ni référence habituelle au Hamas. Le mouvement terroriste possède par ailleurs ses propres relais médiatiques, pas besoin de passer par une vidéo sortie de Telegram.

En effet, le collectif russophone @gnidaproject attribue au réseau de désinformation #CopyCop, affilié au Kremlin, cette fausse vidéo de menaces du Hamas visant les JO de Paris 2024.

Ainsi, l’enseignant et chercheur à Sciences Politiques, David Colon, nous apprend qu’un certain Aussie Cossack, de son vrai nom Simeon Boikov, fugitif australien qui se cache au consulat russe de de Sydney, est le premier à avoir publié cette vidéo sur Telegram.

« La vidéo a été publiée ensuite par plusieurs comptes de désinformation pro-russe affiliés au réseau #CopyCop, à l’origine depuis mars de plusieurs contenus de désinformation viraux générés par IA. »

Autre information importante, le Hamas n’a actuellement aucun intérêt à menacer aussi ouvertement la France, tant ses soutiens sont nombreux dans l’Hexagone et via l’opinion publique.

Mais comme rapidement, beaucoup de comptes complotistes se sont faits le relai de cette vidéo afin d’effrayer un peu plus la population, il fallait absolument fact-checker cette information.

Le journaliste de TF1/LCI Alexandre Capron a également apporté une précision intéressante à ce sujet : le « contenu a en plus été largement amplifié par des robots, avec des jolis comptes nom + chiffres, compte cryptos ou avec photos de profil « Thispersondoesnotexist »… donc chiffres réels du contenu très artificiels ».

Des robots ont donc contribué à donner de la visibilité à cette vidéo fake. Tout comme certaines personnalités d’extrême droite, habituées à agiter la peur pour obtenir des voix. Jean Messiha n’a pas hésité à écrire que « le Hamas menace directement la France et Macron », ce qui est entièrement faux.

Qui sont donc les auteurs de cette tentative de déstabilisation ? Des actes devenus habituels pour tester la crédulité des masses via les réseaux sociaux. Si certains ont vite pointé du doigt le régime de Netanyahou (Israël), l’ombre russe plane plutôt aussi de tels contenus.

Auprès de NBC News, des chercheurs du Centre d’analyse des menaces de Microsoft se confient. Ils sont remontés jusqu’au groupe Storm-1516, un dérivé de l’Internet Research Agency (IRA). Qu’est-ce que l’IRA ? Des usines à trolls russe créée par le fondateur de Wagner afin de manipuler les masses. Un grand classique de la désinformation.