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INTERVIEW – Romain Molina : après la fête, la face cachée des Jeux Olympiques Paris 2024

Après la joie des Jeux Olympiques à domicile, la crise de plusieurs fédérations sportives françaises ? C’est ce que l’on apprend dans le « Livre noir des Jeux Olympiques », écrit par Romain Molina (Éditions Exuvie). Depuis le sud de l’Espagne, où il réside, le journaliste d’investigation a accordé à Entrevue un long entretien sur les dessous du plus grand événement sportif mondial. Glaçant.

Thibaud Vézirian : Bonjour Romain, tu as sorti juste avant Paris 2024 un livre retraçant les dérives des Jeux et du Comité Olympique… tu arrives encore à apprécier ce type de grand événement malgré tout le négatif que tu décris en coulisses ?

Romain Molina ­: Il y a des athlètes que je connais, donc forcément, le rapport est un peu différent. Le problème n’a jamais été les Jeux Olympiques, c’est quelque chose de magnifique. Le problème, c’est la manière dont ils sont réalisés. Tout ce qu’il y a derrière. En espérant qu’un jour, les athlètes soient remis au centre de l’équation. C’est quand même la seule compétition sportive au monde où les athlètes reçoivent zéro euro à la fin de la part du CIO (NDLR : Comité International Olympique), les organisateurs. C’est quand même un concept… Pendant ce temps-là, le directeur de la communication institutionnelle du CIO, Monsieur Christian Klaue, prend 540 000 dollars par an. Une aberration.

À force de dénoncer toutes les histoires sombres du sport mondial, on te reproche parfois d’être uniquement négatif. Tu as pris du plaisir en regardant Paris 2024 ?

Bien sûr, forcément ! Notamment en regardant le basket, mon sport. Quand tu vois l’excellente arène de Lille, c’est fort. Et puis il y a aussi des sports moins médiatisés : c’est magnifique pour tous ces athlètes-là, ainsi que les staffs, d’exister un peu. Par exemple, le tir à l’arc, c’est un art. La posture, la patience, la respiration, etc. Il y a plein de sports qu’on connaît mal.

Et cette cérémonie d’ouverture ? Réussie ? Pas réussie ? Les commentaires ont été globalement dithyrambiques, sauf chez quelques Français ronchons…

Je n’ai jamais regardé en direct une cérémonie d’ouverture de ma vie. Mais j’ai deux choses à dire. La première, c’est que Play the Game, une association très importante dans le milieu du journalisme sportif, explique que toutes les cérémonies d’ouverture servent à donner une bonne image des régimes en place, à montrer sa légitimité. De tout temps. Ensuite, mettre de l’idéologie dans une cérémonie d’ouverture, tous le font. Ça fait partie de la politisation acceptée par le CIO. Je ne pense pas que ce soit ça la véritable essence du sport… Dans une cérémonie, les gens attendent du grandiose. La course au gigantisme me gêne. Après la cérémonie de Paris, tu sais déjà qu’aux États-Unis, ils se sont dits : il va falloir qu’on fasse mieux à Los Angeles ! Et le CIO fait monter ça, ce qui fait dépenser de plus en plus de sommes folles. Le Canard Enchaîné a dévoilé que le coût global de la cérémonie d’ouverture était de 122 millions d’euros. Avec autant d’argent investi, heureusement que c’est un minimum joli ! Mais d’un autre côté, on ne va pas faire les rabat-joie. Il faut vivre… On parle quand même de la France, de la francophonie. Il n’empêche, on a fait courir un risque insensé à la population sur place, avec un gros problème sécuritaire. Les services de renseignement l’ont dit. Tant mieux, il n’y a pas eu d’attentat. C’est génial. Bravo à tous les services.

Tu retombes dans le négatif (sourire)…

D’ailleurs, on n’en parlait plus mais ils ont réussi une prouesse exceptionnelle : cacher les SDF et les migrants ! Notamment au gymnase des Vignoles, dans le XXe arrondissement de Paris. Il y a 162 SDF et migrants qui ont été calfeutrés toute la journée de la cérémonie d’ouverture, avec interdiction de sortir. Ça, c’est l’autre face de la cérémonie d’ouverture. Ils ont même mis des grandes bandes de papier sur les baies vitrées pour éviter qu’on voie qui il y avait à l’intérieur… Une épuration de Paris. Comme l’Égypte l’a fait lors de la dernière CAN (Coupe d’Afrique des Nations), comme le Yémen l’avait fait lors de la Coupe du Golfe, et on avait accusé la Russie de faire pareil.

Avec une telle enquête sur les Jeux Olympiques et donc forcément sur Paris 2024, tu n’as reçu de menaces ? On a cherché à te faire taire ?

Non, ce sont des grands muets. Des organisations qui ne répondent pas. Le CIO adore faire son petit numéro de promotion et puis c’est tout. Ils sont au-dessus et laissent filer les remarques négatives. On peut voir à l’arrivée de Thomas Bach, le président du CIO, à Paris, il avait brandi des banderoles d’appel à la paix, accompagné de réfugiés, c’est exceptionnel. Il vise le prix Nobel de la paix. Ça, cela fait partie du culte de la personnalité des grands leaders. Par rapport à mon livre, le seul truc qui m’a surpris, ce sont les athlètes français. Ils viennent tous me contacter en privé, dont certains médaillés olympiques, mais ensuite, personne n’ose parler. Ou très peu. Il y a une énorme peur. Au canoé-kayak, notamment. En lutte, en escrime, aussi. Ça m’a impressionné.

D’où vient cette peur de parler ?

Ils ne veulent pas parler avant une compétition, car sinon, ils ne seront pas sélectionnés. Tu te rends compte qu’en fait, les athlètes sont terrorisés par leur fédération. Tout cela fait écho à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les différences entre les fédérations sportives. Une omerta.

Après les JO, les scandales vont éclater ?

Oui, et la faillite du sport français va arriver. La fameuse ANS (Agence Nationale du Sport) a beaucoup dopé financièrement les fédérations françaises. 2,5 millions ou 2,6 millions d’argent public dans la lutte cette année sur un budget de 4,5 millions pour 23 000 licenciés. Ils disent 28 000, peu importe. C’est énorme, sachant qu’en plus, il y a des plaintes pour emploi fictif ou usage de faux. Pas grave. On passe. Un plan de sauvegarde et des dettes faramineuses ? On passe. L’escrime ? Un trou d’un million. Qu’est-ce qu’on en fait après les Jeux ? Pourquoi on a autant de fédérations olympiques en déficit, alors qu’elles sont dopées d’argent public ? Les subventions vont baisser, on va assister lors de l’après Paris 2024 à la faillite de plusieurs fédérations où l’argent a été très mal géré. Avant les Jeux, la politique, c’était de ne surtout pas regarder ce qui se passait vraiment. L’argent public a servi à engraisser les dirigeants de fédérations, à aucun moment, on leur a demandé des comptes. La Fédération française d’escrime est sous inspection générale depuis 16 mois. 16 mois ! Évidemment, il ne fallait rien sortir avant les Jeux. C’est l’inspection la plus longue du monde… Ridicule. Vu que c’est le premier pourvoyeur historique de médailles françaises, on ferme le couvercle… Pour la Fédération française de football (FFF), quand il y a eu la volonté politique d’écarter M. Le Graet du sommet, l’audit a duré quatre-cinq mois. La Fédération française de foot, des centaines de salariés, face à celle d’escrime… C’est un manque de volonté.

Ça me fait penser à tous les Jeux Olympiques en fait : au Brésil, en Russie, au Japon… Souvent pire qu’en France, avec des stades déserts pour toujours, dès la fin des JO.

On appelle ça les éléphants blancs. Les stades mais aussi les pistes, aux Jeux d’hiver, de bobsleigh ou autre, le tremplin de saut à ski près de Grenoble, à l’époque, en friche depuis 30 ans… Sarajevo, Turin… Tokyo ? Le grand dôme de gymnastique, vide. Pour Paris 2024, on s’est loupés sur le budget, surtout. Parce qu’à la base, la piscine de Saint-Denis devait faire 15 000 places, pour englober tous les sports aquatiques. Il y a eu un dépassement de 91 millions d’euros, environ. Et elle fait seulement 5 000 places. Or, World Aquatics, ils te font comprendre que pour la natation libre, il faut 15 000. Donc, en fait, on a créé ce centre aquatique en Seine-Saint-Denis pour du water-polo, de la natation synchronisée et du plongeon. Je n’ai rien contre ces sports. Ce sont des disciplines intéressantes. Mais ce ne sont pas les natations phares. On a créé ce centre-là avec un surplus de 90 millions par rapport à ce qui a été planifié. Et les moments phares se sont joués à Nanterre.

Les budgets ont donc été sous-estimés ?

Totalement sous-estimés. Je n’ai pas bossé dans le BTP, mais une erreur de 90 millions pour 3 fois moins de capacité, il y a un problème quelque part. Sachant qu’on savait dès le départ que ce n’était pas viable d’avoir une piscine de 15 000 places en France. Mais le plus exceptionnel, c’est l’ancien dépôt militaire de la Courneuve qu’ils ont rénové pour le tir…

Un énorme couac ?

10 ou 15 millions d’euros investis. Ils se sont rendus compte qu’en fait, ce lieu ne pouvait pas accueillir le public, ­trop petit. Direction Châteauroux, au centre national du tir. On n’a pas créé tellement de nouvelles structures, c’est le point positif. À Tahiti, il y a quand même le couac de cette fameuse tour d’arbitrage, en aluminium, ça a pété des coraux à 10 endroits différents. Irrémédiable. Pour des jeux écolos, c’est quand même assez beau…

Tu abordes souvent la question de ces budgets mal tenus. Quel sera le fameux coût pour les Français ?

La vraie question, en fait, c’est pourquoi on n’arrête pas de mentir aux gens en disant les Jeux payent les Jeux ? Ça n’a jamais existé. Les Américains ne l’ont pas fait, les Russes non plus. Personne. La France n’avait pas réussi à Albertville, ni à Grenoble. Donc, je ne vois pas comment en 2024, ça y est, on va réussir ce coup-là ! C’est la faute du CIO, grand gagnant. Parce qu’il ne faut pas oublier que le gagnant, c’est le CIO. Tu as uniquement le droit d’afficher les sponsors du CIO lors des Jeux. C’est noté dans le contrat de ville hôte. Et le deuxième grand gagnant, ce sont peut-être les grandes entreprises de BTP qui vont récupérer des appels d’offres. Mais en aucun cas, le citoyen français.

Mais c’est un boost colossal en termes d’image.

Les rentrées d’argent espérées ne sont pas là. L’aspect marketing est un désastre. Pour m’être renseigné, ça a été validé par plein de commissions : ils espéraient plein de rentrées via l’afflux de touristes asiatiques. On les a pris pour des imbéciles en voulant leur vendre n’importe quoi à des prix trop élevés. Le ruissellement économique, c’est une connerie sans nom parce que Paris est déjà une ville touristique. Comme Londres, et tant d’autres. Londres 2012, Boris Johnson, en plein milieu des Jeux, a demandé aux Londoniens de revenir parce que c’était vide. Une ville comme Paris n’a pas besoin des Jeux pour attirer les touristes. Bunkerisation de la ville, prix complètement exubérants ici et là, tu te retrouves avec une baisse de la visite touristique. Londres avait déjà expérimenté ça. On pensait être plus malin que les Londoniens ? En fait, les JO peuvent te servir dans une ville où, naturellement, tu n’irais pas… Ils ont voulu faire du made in France. En fait, ils ont vendu les licences. Le problème, c’est de les vendre aux copains. Tu as le Coq sportif. La marque a demandé un prêt au comité olympique de 2,5 millions d’euros. Les kimonos invalidés par les judokas à deux jours des épreuves, on en parle ? Heureusement, le déficit ne sera pas aussi abyssal qu’à Sotchi (Russie) ou Athènes (Grèce). De toute façon, l’État a signé une garantie financière là-dessus. Et tu ne peux pas avoir les JO si tu n’as pas cette signature qui implique que les États sont garants.

Au sujet du CIO, tu le présentes comme une « monstruosité » et même une « mafia ». Ça veut dire quoi ?

Certains disent que c’est une secte parce qu’ils sont 105 membres, dont plusieurs d’un même pays, cooptés les uns les autres sans aucune transparence. Contrairement à la FIFA, où une fédération égale un vote. Au CIO, tu as un peu de tout : l’émir du Qatar, la princesse Nora de Liechtenstein, le prince de Monaco… Sans aucune transparence. Ils viennent de donner les Jeux d’hiver 2030 aux Alpes françaises et 2034 à Salt Lake City (Etats-Unis). Déjà, ça contredit toute charte olympique parce que l’article 5 indique que l’élection des Jeux olympiques ne peut pas se dérouler dans le pays où se passent actuellement les Jeux. Bref… Article 4, il faut une garantie de l’État. La France ne l’a toujours pas donné. Pas grave. Mais pour Salt Lake, là, c’est très grave. Ils ont conditionné l’obtention des Jeux au fait que la politique américaine change en matière de dopage. Les USA ont ouvert des enquêtes liées à l’Agence mondiale anti-dopage, le CIO ne veut surtout pas. Ils disent que c’est un règlement de compte politique ! Tu as le patron de l’Agence mondiale anti-dopage qui a refusé de se rendre aux USA pour témoigner. Thomas Bach, le président du CIO, a déclaré à Paris qu’il allait s’entretenir avec le prochain président des États-Unis afin que ce dernier dissipe les craintes du CIO. Il se place au-dessus de tout… Aucun homme politique n’est plus important que les Jeux.

Si tu veux les Jeux, tu dois donc accepter toutes leurs conditions ?

Les Russes l’ont fait, les Chinois l’ont fait, tous l’ont fait… Évidemment, le CIO va te faire ta promotion. C’est un outil de lobbying. On l’a vu récemment avec l’attribution pour les prochains jeux eSport. En Arabie Saoudite. Pendant deux heures, ils ont dit à quel point l’Arabie Saoudite est un pays exceptionnel. Vu le coût des Jeux, plus aucun pays ne peut se permettre un tel plan com, sauf les nouveaux géants. Pour les JO 2036, le Qatar et l’Inde sont en train de se livrer une bataille. Aujourd’hui, les villes moyennes ne peuvent plus y aller. Budapest avait essayé, la population avait dit non. Hambourg, pareil. Mais pourtant, les gens attendent du spectaculaire, du gigantisme… Les télés attendent ça, les annonceurs aussi. Ça va devenir des compétitions nationales.

Les nouvelles puissances font du soft-power, ou du sportswashing, car les historiques grandes nations sont à la peine…

J’ai posé la question à plein de gens, ils m’ont dit « Ah, mais les politiciens, ils aiment trop ça, parce que pendant trois semaines, ils sont au centre du monde. » Donc, tu as l’ego qui rentre en ligne de compte. Pourquoi les Alpes françaises n’ont pas été recalées en 2030 ? M.Wauquiez et M.Muselier les voulaient pour leurs régions. La soupe est tellement bonne. Dans ces cas-là, même le droit du travail est retoqué !

Comment faire pour changer tout ça ?

Il faut arrêter de donner un blanc-seing politique à ces gens-là. Ils doivent être jugés à la même enseigne que nous. Le problème, c’est que tu as des organisations qui fuient complètement les juridictions civiles. Le CIO fait la com’ de certains États. Ils sont par exemple allés voir Aliyev en Azerbaïdjan, pour dire à quel point il était exceptionnel. Une honte. À l’époque, c’était l’Ouzbékistan aussi, avec le président Karimov, un boucher sans nom. Et rappelle-toi la Chine, c’était exceptionnel. La Russie, c’était exceptionnel. Maintenant, la Russie, ils sont méchants. Ça y est… Après avoir mangé pendant 20 ans dans la gamelle russe, Thomas Bach, décoré par Poutine, a retourné sa veste. Et pour la petite anecdote, le CIO a même son bureau de lobbying à Bruxelles… Donc, la clé pour arrêter tout cela, c’est de dire non au CIO. Mais tu auras toujours des États et des présidents pour dire oui.


Le Livre Noir des Jeux Olympiques – Romain Molina (éditions Exuvie).

« Les papiers n’étaient pas complètement bons »… Rolland Courbis se confie sur son année de joueur en Grèce

« Il avait inventé Photoshop déjà à l’époque« , confie sa fille Olivia, avec un grand sourire. Père et fille, Rolland et Olivia, réunis pour la promo du film 4 Zéros, qui sort en salles ce mercredi.

En toute fin d’interview, Rolland Courbis aborde rapidement une anecdote au sujet de sa carrière de joueur. Bien qu’il soit désormais connu et reconnu en tant que consultant sur RMC et La Chaîne L’Equipe, il a eu auparavant une très belle carrière d’entraîneur et de joueur.

En 1973, une toute autre époque du football, où, en Grèce, seuls les joueurs grecs pouvaient y évoluer, le championnat local cherche alors à se renforcer coûte que coûte. Et certains recruteurs parcourent l’Europe pour voir si certains noms ressemblant aux noms grecs n’auraient pas de vraies origines grecques… Courbis ? Pourquoi pas…

Rolland Courbis a alors cherché autant que possible des origines grecques…

Obama, Trump, Sarkozy, Mitterrand, De Gaulle… Aujourd’hui, « il n’y a pratiquement plus d’orateurs »

Suite de l’interview de Stéphane André, fondateur de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris, au sujet des qualités nécessaires pour s’exprimer au public. Via l’analyse de nos dirigeants présents ou passés, d’Emmanuel Macron à Michel Barnier, de Barack Obama à Donald Trump en passant par Mitterrand et De Gaulle. (partie 2/2)

T.V. Avec cette actualité politique très dense depuis plusieurs mois, quelle est la personnalité politique du moment la plus forte en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. C’est un désert. Il n’y a pratiquement plus d’orateurs. Aujourd’hui, tout le monde parle. Quand on parle en tant qu’influenceur, on peut parler dans son lit au monde entier. Donc le corps n’a plus besoin de travailler. C’est pour ça qu’il y a ce brouhaha d’Internet où chacun n’est alimenté que via les algorithmes qui lui proposent que ce qu’il a envie d’entendre. Il n’y a plus de leader, parce qu’il n’y a plus d’orateur. Pour moi, un orateur est un leader. Il faudrait que n’importe quel enseignant soit un leader devant sa classe.

T.V. : Vous êtes remonté à Mitterrand, De Gaulle, etc. Est-ce que le dernier grand orateur est un Barack Obama ou un Donald Trump ?

Stéphane André. Barack Obama, oui, Donald Trump, non, c’est une catastrophe. Trump, c’est un Sarkozy multiplié par 10. Nicolas Sarkozy a souvent agressé les journalistes. Trump dix fois plus. Tous les deux montrent une face avant tendue. Donald Trump, son visage, c’est un blindage. Il a ses paupières presque fermées, quand il parle, comme des meurtrières de blockhaus, et son oeil, ce n’est pas un œil curieux du public, un oeil enfantin. Un grand orateur doit avoir un regard d’enfant de 5 ans, regarder son public comme un enfant. Croiser les regards, au hasard. Comme dans un sondage aléatoire, sentir la globalité du public, prendre le pouls. Barack Obama, détente faciale totale. Aucune défense musculaire apparente. Visage totalement détendu. Épaule basse, le bras est bas. Et le regard est sur le public. Ça veut dire, je n’ai pas peur, tout en parlant je vous accueille. Alors que, Manuel Valls, quand il était Premier ministre : raide, avec des « euh » partout. Sarkozy, visage tendu, tics d’épaule, l’est tout autant. Et Trump visage blindé l’est encore plus. Ce sont des chefs. De Gaulle, Mitterrand, Obama étaient des leaders. Le chef s’impose et impose. Le leader s’expose et expose. Mais on s’engagera beaucoup plus pour un leader que pour un chef. Pour un chef, dans l’entreprise et ailleurs, on fait le minimum. Pour avoir la paix. On fait bien la différence dans notre école entre le chef et le leader.

T.V. : Vous dites que « la technique est universelle, le style est toujours individuel »

Stéphane André. Nous faisons éclore des styles. Nous n’enseignons que « le tarmac » de la technique. Si l’élève travaille, son style apparaît. Le style de M. Barnier n’est pas de regarder dans le vide pour trouver ses mots. S’il travaillait la technique, on verrait éclore son style. Mais ce n’est pas ce qu’il donne tous les jours. Le style raconte l’histoire de la personne. C’est vrai pour l’accent marseillais ou l’accent ch’ti. Mais ma façon de parler, ma façon de bouger ou de ne pas bouger devant vous, mon économie de mouvement ou mes intonations, vous racontent en réalité mon histoire. Tout cela vient de tout ce que j’ai vécu, les accidents dans la vie que j’ai eus, si j’ai été un littéraire ou pas, si j’ai fait des études ou pas d’études, etc. La manière dont quelqu’un parle raconte son histoire. C’est son style. Mais ça n’est que la signature qu’il met au bas de l’œuvre artistique, qui est le personnage, l’incarnation de la fonction qu’il a su construire.

T.V. Comment se déroulent vos cours dans votre école ? C’est collectif ou individuel ?

Stéphane André. Il y a des cours particuliers, où l’on reçoit des hommes et des femmes, ça peut être des managers, des consultants, de toute façon des gens qui doivent s’exprimer en public dans le cadre de leur fonction. Pour les politiques, ce sont en général des cours particuliers. En France, les politiques n’aiment pas trop qu’on dise qu’ils prennent des cours pour parler en public. Les Anglais, ça ne les dérange pas. Les enfants anglais font des cours de « debating » dans toutes les écoles. Un politique dira facilement qu’il a un conseiller en communication, qu’Euro RSCG s’occupe de sa communication, qu’il a des gens qui lui rédigent ses discours. Mais il ne dira pas facilement qu’il prend des cours pour bien parler en public. Nous donnons des cours longue durée pour des groupes sur 35 séances, des séances de 2 heures sur une année scolaire. Et il y a des séminaires de 2, 3 ou 4 jours. On y enseigne la base, la technique, que ce soit à des négociateurs, à des managers pour animer des réunions de travail, à des conférenciers pour des grandes réunions, à des commerciaux pour produire des pitchs, etc. Notre technique est très physique, elle s’appuie sur le regard, sur le dos, sur la voix. Je dois théâtraliser. « La vie publique est un théâtre », Shakespeare l’a dit. Chacun joue un rôle, joue la comédie, comme vous dites, mais au sens positif du terme, bien sûr.

T.V. : Avec cette société actuelle, tête baissée sur son smartphone, une notification en balaye une autre, qu’est-ce que ça change ?

Stéphane André. Le fait que le vecteur de communication change, c’est une forme de modernité, mais les grands orateurs passeront toujours, à travers n’importe quel vecteur. Nous, on attend qu’au-dessus de ce brouhaha médiatique, tout d’un coup surgisse encore un orateur. C’est l’espoir que j’aurais pour un Michel Barnier, mais j’ai des doutes. Ce qui est incroyable, c’est que les lois que j’ai mises au point pendant des années ne changent pas avec la technologie d’aujourd’hui. La présence humaine est importante. Peu importe qu’on soit en train de se filmer avec un téléphone, avec une caméra, avec un ordinateur, il faut rester un orateur puisqu’on est en scène. Un conseil idiot, mais tout simple, quand les gens parlent devant leur écran chez eux, ça ce n’est même pas de la technique : mettez votre ordinateur sur une pile de dictionnaires de manière à ce que vous soyez en face de la caméra et que les gens soient en face de vous. Finis les mentons prognathes et les fronts fuyants.

T.V. : Dés que vous voyez quelqu’un, vous jugez son art oratoire ?

Stéphane André. Oui, mais uniquement quelqu’un dans la vie publique. L’art oratoire ne concerne en aucune façon la vie privée. C’est comme au théâtre. Le comédien travaille sur scène pour interpréter quelque chose, mais quand il rentre chez lui, il peut parler différemment. Il peut avoir des tics verbaux en discutant avec un copain. Sur scène, c’est fini. Un orateur, c’est la même chose. Mais quand il est en scène, c’est au titre d’une fonction publique. Il doit donc s’élever au niveau de cette fonction. Les techniques que nous enseignons, je déconseille même à mes élèves de les appliquer en vie privée. Reposez-vous. Et puis, en vie privée, vous êtes entourés de gens qui vous aiment, d’amitié ou d’amour. C’est votre personne qu’ils aiment, et non un personnage.

T.V. : D’autres métiers, comme les enseignants, devraient utiliser vos méthodes ?

Stéphane André. La formation des enseignants, c’est une catastrophe. Les enseignants, aujourd’hui, devant des classes très difficiles, on les emmène au suicide. Non seulement ils sont sous-payés, mais en plus, une classe de 35 élèves, toute une année, garder le respect de toute la classe et emmener tout le monde, c’est une performance sportive absolument incroyable. Il faut avoir un corps en place, il faut recevoir la diversité d’une classe pour faire en sorte que, quand je reçois ça, tout d’un coup, mon cerveau sache calculer le texte qui va convenir au nul, à celui qui n’est pas nul, à celui qui est fils d’immigré, comme celui qui ne l’est pas. C’est ça que doit faire un grand orateur. Toucher tout le monde, en même temps. Il faut gérer trois lignes de façon pertinente : la ligne verbale, la ligne des mots, la ligne tonale, l’enchaînement des tons, la ligne rythmique. Il faut évidemment que ma triple ligne verbale, tonale et rythmique convienne à tout le monde. Un orateur reçoit la complexité d’un public divers, son cerveau en fait la synthèse et son cerveau sait exactement donner à chaque seconde, au bon moment, le bon mot qui conviendra à tous. Toute la question est de saisir à chaque seconde l’état de ce public dans sa globalité. C’est ce que savent faire le bons orateurs. Mais l’art oratoire s’apprend, comme le piano ou la guitare.


Pour lire la partie 1 de l’interview, cliquez ici.


Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)

Macron, Barnier, Mélenchon… « Pas de leader car il n’y a plus d’orateur », les bons conseils de Stéphane André

La défiance est totale entre les représentants du monde politique et les citoyens français. Pour remédier à cela, un grand leader doit émerger. Qui dit grand leader dit grand orateur. Stéphane André reçoit Entrevue dans les locaux de l’école de l’Art Oratoire dans le VIIIe arrondissement de Paris. Cette école, il l’a fondée en 2008. L’homme de 77 ans à la carrière bien remplie travaille ce sujet de l’expression oratoire depuis 1973. Epoque où la communication était loin d’être omniprésente. Rencontre. (partie 1/2)

Thibaud Vézirian. Cela fait 50 ans que vous travaillez ces sujets-là. Savoir bien communiquer oralement est un besoin encore plus vital dans la société actuelle ?

Stéphane André. Quand j’ai commencé à parler de ce thème, c’était une époque où la communication n’était pas à la mode. J’ai eu beaucoup de chance dans la vie parce que quand j’ai commencé, j’étais tout seul. On me disait qu’apprendre à parler en public, ce n’était pas un métier. Au mois de juillet dernier, on a fêté le 50e anniversaire de mon travail. L’école de l’art oratoire n’existe que depuis 2008, mais j’ai commencé ce travail en 1973, je sortais tout juste de l’ESSEC. Le directeur de l’école était un ancien avocat, j’étais comédien et il m’a demandé de donner des cours aux étudiants. Parce que lui était passionné par la parole en public, c’était un précurseur. Plus tard, des camarades, souvent issus du théâtre, qui ont bien voulu cautionner mon travail, m’ont rejoint.

T.V. : Donner un cours d’art oratoire, cela ressemblait à quoi à l’époque ?

Stéphane André : J’ai appris très vite à faire les différences entre l’acteur et l’orateur. L’acteur a une mission dans la société, l’orateur en a une autre. L’acteur, lui, jouant Molière, Shakespeare, propose un miroir à la société qui est venue voir la représentation. Et la société rit d’elle-même en se regardant dans le miroir de la pièce, ou pleure sur elle-même et sortir du théâtre ensuite un peu plus sage. Ça s’appelle la culture. L’orateur, lui, n’est pas là pour proposer un miroir à la société. Il est là pour la construire.

Toute personne qui prend la parole dans la vie publique le fait au titre d’une fonction de chef d’entreprise, de manager, de député, d’enseignant, de maire, de Président de la République, etc. Et il doit incarner cette fonction. Dans « incarner », il y a le mot « carne », et la carne, c’est le corps. En France, quand on entend parler d’incarnation dans les débats politiques, etc., on met un nom sur un poste, mais il n’y a pas le corps.

T.V. : C’est-à-dire ?

Stéphane André. Il y a l’homme avec son cerveau, et puis, en réunion, c’est son cerveau qui parle. Mais le corps, lui, n’incarne rien. Donc, il passe son temps à n’exposer que sa personne. Une personne, ce n’est pas un personnage. Une personne, c’est chacun de nous dans la rue, avec un discours tout aussi banal. Et quand je vois M. le nouveau Premier Ministre, M. Barnier, bon…

T.V. : Michel Barnier est un bon communicant en termes d’art oratoire ?

Stéphane André. Il parle, c’est très agréable. Ok. Ça n’a rien de la dimension d’un personnage du niveau d’un Premier ministre. Même si leur style serait différent aujourd’hui, rappelons-nous des deux derniers grands orateurs dans notre Ve République qu’ont été De Gaulle et Mitterrand. Deux styles totalement différents, deux bords politiques, mais deux orateurs politiques. Et c’est ça qui fait vivre une démocratie.

T.V. : Les personnalités politiques d’aujourd’hui ne sont pas de grands orateurs ?

Stéphane André. Disons que je ne suis pas impressionné par les numéros de Jean-Luc Mélenchon, qui adule son propre don d’orateur, et n’a pas l’humilité de se plier à la discipline d’une technique. Cette école, je l’ai construite sans le savoir pendant 50 ans, en construisant peu à peu, au contact de mes élèves une technique d’art oratoire. L’art oratoire est pour moi comme l’art du piano, du violon, l’art dramatique ou l’art lyrique. C’est très technique.

T.V. : Cela ressemble aux techniques de communication concrètes enseignées par certains journalistes en media-training ?

Stéphane André. En dehors de son apparence, le journaliste ne s’intéresse pas au corps de l’orateur, ce n’est pas son expertise. C’est pourquoi il m’est arrivé souvent de co-animer des séminaires de media training, avec Jean-Marie Cavada et d’autres journalistes. C’est complémentaire. L’art oratoire, c’est la maîtrise de la pensée dans l’action. Par l’incarnation. La maîtrise de la pensée dans l’action et pour l’action. Si je fais une campagne électorale, j’incarne un certain nombre d’idées de droite ou de gauche, je représente un personnage de député bien plus grand que ma personne, je suis l’incarnation d’une certaine idée de la France. C’est ça, mais si le corps n’est pas là, il est évident qu’on n’incarne plus rien. L’incarnation élève la pensée de l’orateur.

T.V. : Tout cela signifie que les problèmes actuels de communication de nos politiques vis-à-vis du grand public, toutes ces informations et idées qui ne passent pas, c’est un problème de technique oratoire ?

Stéphane André. Il y a un problème de leadership. Si je prends deux figures opposées, qui ont été des grands exemples historiques de la parole en public : il y a le Christ et l’antéchrist, De Gaulle contre Hitler. Adolf Hitler, c’est un grand charisme, il n’y a pas de formation pour être charismatique. C’est une présence plus forte que celle des autres, on ne sait pas pourquoi. Sur scène, il se passe quelque chose. Quand Hitler est monté sur une table à Munich, bien avant la guerre, il s’est révélé. Mais quand on écoute la parole d’Hitler, c’est le cri de souffrance d’un grand psychotique : il est archi tendu, archi contracté, ce n’est pas de l’art, c’est très laid, ce n’est pas beau, ne serait-ce qu’au son.

T.V. : Le son, la voix, c’est le plus important ?

Stéphane André : C’est ce qui constitue l’identité d’un orateur. Le son de la voix d’Hitler est très laid. A l’opposé de ça, De Gaulle a une voix, une expression, il y a une élégance dans son comportement. Charles De Gaulle, c’est de l’art oratoire, c’est du leadership. Il est dans les canons de la technique, il a d’ailleurs pris des cours avec Jean Yonnel, grand comédien du Théâtre français. Quand il arrive au pouvoir en 1958, Marcel Bleustein-Blanchet, grand publicitaire, donne le conseil à De Gaulle d’aller prendre des cours chez Jean Yonnel.

T.V. : Les plus grands leaders ne maîtrisent pas tous l’art oratoire ?

Stéphane André. Napoléon s’est rapproché de François-Joseph Talma, un grand comédien de son époque. Tous les grands orateurs politiques ont compris leur proximité avec les grands comédiens. Ils servent une cause, une idée et un public, c’est ça un orateur. Aujourd’hui, ce que vous voyez de la société, et notamment de la politique, montre un grand besoin de techniques oratoires. On est surtout centré sur la rhétorique, beaucoup moins sur l’éloquence. Et l’éloquence n’existe qu’au moment où l’orateur est sur scène. C’est-à-dire qu’il entre, met d’abord son corps en équilibre entre le sol au-dessous de lui, le ciel au-dessus de lui, le public en face de lui.  Et c’est parce qu’il est en scène, en harmonie avec le monde physique qu’il l’est aussi avec l’univers intellectuel. Alors peut lui venir une idée essentielle qu’il n’aurait pas eue en préparant son discours, et que ses conseillers, qui ne sont pas à la tribune, ne peuvent pas trouver. Les grands orateurs politiques ont eu leurs idées les plus géniales face au peuple.

T.V. : Dans le paysage politique actuel, qui auriez-vous envie de conseiller en particulier ?

Stéphane André. Le niveau des orateurs aujourd’hui a baissé considérablement. Je vous parlais de De Gaulle et de Mitterrand. Je suis allé rechercher loin. Depuis Mitterrand, les présidents de la République ont eu une expression qui a été beaucoup plus ordinaire. Ils ont voulu descendre dans l’arène pour être comme tout le monde. Or, César ne descend pas dans l’arène. Mais comment peut-on être Président en étant comme tout le monde ? Le statut ne suffit pas. Il faut l’incarner. Si je me mets à parler comme tout le monde, je n’incarne plus le statut.

T.V. : Alors qu’est-ce qu’un bon discours public ?

Stéphane André. Parler en public ne consiste pas à dire ce qu’on a prévu de dire, mais d’aller au-delà grâce au public. Nos orateurs, aujourd’hui, veulent absolument dire ce qu’ils ont prévu de dire, tout ce qu’ils ont prévu de dire et rien que ça. Ils n’ont pas de relation à la salle. Ils ne sont pas corps à corps avec la salle. Ils regardent dans le vide ou dans leurs notes. Michel Barnier regarde dans le vide, il y trouve une idée, il la donne. Puis il va chercher une autre idée dans le vide, et il la donne. On assiste à de vrais tunnels, que les journalistes sont bien obligés d’interrompre. Il ne regarde pas la ou le journaliste pour trouver ses mots, donc il ne regarde pas la France pour stimuler sa pensée. Elle tourne en rond et ne s’élève pas… Regarder la ou le journaliste, c’est regarder la France.

T.V. : Si vous arriviez à le croiser sur le trottoir, deux minutes, vous pourriez lui dire déjà, de changer quoi ?

Stéphane André. Je lui dirais, « mon vieux, venez prendre des cours ! » Ce n’est pas si facile que cela, de parler en public. C’est un sport, exactement comme le tennis. Comme le rugby ou la boxe. Il faut de l’entraînement. Mais les gens pensent que c’est simple… Je hais cette division entre le fond et la forme. Nous avons dans notre école une métaphore : il y a l’auteur et il y a l’acteur. Au théâtre, il y a des auteurs : Molière, Shakespeare, par exemple. Mais en art oratoire, trop d’orateurs se prennent pour des auteurs en rédigeant leurs discours. En réalité, au théâtre, le génie, c’est un individu, l’auteur dramatique. En art oratoire, il n’y a pas d’auteur. Je peux préparer mon discours. Et quand j’arrive devant le public, je vais au-delà du discours, comme le faisait De Gaulle, grâce au public que je regarde et qui m’inspire.. L’auteur, en art oratoire, ce n’est plus un individu. C’est le collectif que l’orateur sait construire avec son public.

T.V. : De mémoire, quand Emmanuel Macron est élu Président en 2017, et aussi pendant sa campagne, ses discours font mouche. C’est ce qui a aussi fait la différence ?

Stéphane André. Emmanuel Macron, c’est très intéressant, parce qu’il a été bon orateur à certains moments. Le jour où il fait son premier discours de Président, il est un bon orateur. Il a alors un certain leadership. Quand il reçoit la visite de Donald Trump en France, aussi. Mais pendant sa campagne, il se casse la voix. Emmanuel Macron est un orateur insuffisant, la voix est trop petite. Et depuis, quand il est interviewé par des gens de votre corporation, les journalistes, il est en bras de chemise, il est accoudé, il parle comme s’il était à une terrasse de café. Il fait exactement Monsieur tout le monde, il descend dans l’arène. Et là, il n’incarne plus la fonction, il fait du mal à la fonction. Et à une tribune, quand il lâche son papier et regarde la salle, il est dans le vrai. C’est-à-dire qu’Emmanuel Macron est très irrégulier.


Pour lire directement la partie 2 de l’interview de Stéphane André, cliquez ici.


Stéphane André, l’école de l’art oratoire (4 bis, rue de Lord Byron, Paris 8)

INTERVIEW – JACKSON RICHARDSON : « Les bruits de singes, ça me transformait »

C’est la première fois qu’en France que l’on désigne un ancien sportif en tant que capitaine de l’équipe de France des Jeux Olympiques. L’ex-légende du handball Jackson Richardson sera auprès des athlètes pendant toute la durée des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Rencontre avec l’ancien meilleur joueur de handball de la planète (1995), désormais grand-père et père d’un champion olympique (Melvyn Richardson).

Il se confie à Entrevue le lendemain de ses 55 ans, un anniversaire fêté chez lui, sur l’île de la Réunion, quelques jours après avoir été porteur de la flamme olympique. Tout un symbole.

L’intégralité de l’interview est à retrouver dans le numéro d’Entrevue de juillet-août, actuellement en vente.

Thibaud Vézirian. Être capitaine de l’équipe de France Olympique et chef de mission Olympique, ça consiste en quoi ?

Jackson Richardson. J’ai un objectif avec le CNOSF, le Comité National Olympique des Sportifs Français, c’est de mettre les athlètes en conditions idéales pour pouvoir performer. Faire ce qu’ils savent faire du mieux possible et récupérer le maximum de médailles. Je m’occupe de tout ce qui est logistique, les accréditations, l’hébergement, les transports, tout ce qui doit les mettre dans les bonnes conditions. Mon rôle est d’être proche des athlètes, de pouvoir apporter aussi mon expérience et surtout de créer une unité. Je dois accompagner ces personnes-là, même dans les moments difficiles. Un rôle de grand frère. Et leur premier supporter.

Quatre participations aux Jeux, une médaille de bronze à Barcelone, meilleur joueur du monde en 1995, double champion du monde, un style unique avec des dreads légendaires, porte-drapeau à Athènes 2004. Vous avez une bonne étoile ?

Bien sûr. Un grand oui. Là, justement, quand je viens ici, je suis chez moi à La Réunion, à Saint-Pierre, dans ma famille. C’est une force. Quand je vais dans la rue, je vois des personnes avec qui j’étais à l’école qui vivent aujourd’hui dans la rue. Ne jamais oublier d’où je viens. C’est ce que me dit toujours mon père, ces valeurs-là. Un arbre qui n’a pas de racine n’a pas d’intérieur.

Vous avez raconté avoir été moqué en arrivant de la Réunion. On vous disait d’articuler, de descendre de votre cocotier, du racisme pur des années 80-90. Vous n’étiez pas le bienvenu ?

Je n’avais pas vraiment de problème de racisme. On me faisait juste comprendre que je n’étais pas forcément à ma place. Je n’avais pas cette facilité à m’exprimer en Français. J’étais jeune, j’avais peur de faire des fautes de Français et l’habitude de parler uniquement le Créole.

Sur fond de racisme, vous aviez pris une claque en politique, en 1994…

Je jouais à l’OM-Vitrolles. Le maire de Vitrolles m’a donné l’opportunité de pratiquer mon sport et de gagner ma vie. En fait, le président Jean-Claude Tapie et le maire de Vitrolles avaient comme opposition le Front National. On m’a demandé de faire un discours pour parler de ma ville. Si le FN passait, fin de la subvention pour le handball. J’ai parlé mais je ne me suis pas rendu compte de l’impact que ça allait avoir. Je rentre chez moi, je vois Jean-Marie Le Pen dans les JT de 20 heures déclarer : « ce noir américain depuis pas très longtemps naturalisé ne devrait s’occuper que de son sport au lieu de la politique »… Pendant deux ou trois mois, je ne répondais plus au téléphone car je recevais des menaces de mort. J’étais obligé de changer de chemin car j’avais peur d’être suivi entre Vitrolles et chez moi. La politique, j’ai compris… Il y a des choses avec lesquelles il ne faut pas jouer.

C’est terrible…

J’en parle parce que c’est ce que j’ai vécu. Quand je jouais en Allemagne, j’étais le joueur de couleur. Vous partez en déplacement et on vous fait des bruits de singes pendant le match. Ça me transformait, j’avais envie de faire plus à cause de ça. A la fin du match, ces gens-là demandaient des autographes. J’en rigolais.

Vous voulez en savoir plus ? Retrouvez dès maintenant l’intégralité de cette interview exceptionnelle dans le nouveau numéro d’Entrevue juillet-août, actuellement en vente.

« Faites pas chier… » : Griezmann coupé au montage, après la victoire étriquée face à la Belgique (1-0)

Un match étouffant. Un suspense à son comble. Les supporters pensaient même que ce 8e de finale de l’Euro entre la France et la Belgique allait nous emmener jusqu’au bout de la nuit, aux tirs au but. Mais Randal Kolo Muani est entré, plein d’envie, son tir croisé a été dévié… et voilà les Bleus en quarts de finale.

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… Les Bleus sont qualifiés. Non s’en nous avoir fait piquer du nez. Au terme d’un match sans spectacle, sans rythme et sans grosse occasion de but, l’équipe de France a une nouvelle fois envoyée ses cousins belges à la maison.

Alors forcément, après la rencontre, l’heure est au soulagement. Les Bleus sont en quarts de finale et joueront vendredi un gros morceau : le Portugal ! À moins que la Slovénie ne créé l’exploit ce soir…

Interrogé par un journaliste, Antoine Griezmann l’a mauvaise que l’on puisse critiquer les Bleus. Le joueur clé de l’Atlético de Madrid a dû s’adapter, lui qui n’avait plus jouer ailier droit depuis des années. Une position qui ne lui convient guère. Lui, si brillant habituellement, en arrive à déjouer dans cet Euro.

« C’était encore un nouveau système pour nous, il faut s’habituer. Mon positionnement sur le côté ? Je l’ai appris ce matin. Je suis au service du coach et de l’équipe, on s’adapte. Un sacrifice ? Non, ça va être mal repris. Le coach m’a dit de jouer ici, je joue ici. Peu importe où je joue, je vais me donner à fond. Il sait où j’aime jouer, mais je vais toujours tout donner pour l’équipe, pour ce coach. Il a confiance en moi et j’essaye de lui redonner. »

Mais c’est la petite phrase suivante qui va bien sûr faire couler le plus d’encre (expression d’un autre temps). Ou générer le plus de réactions sur les réseaux sociaux.

Alors que le journaliste de BeIn Sports l’interroge, « petit score mais qualification pour les quarts », Grizou répond du tac-au-tac, « faites pas chier avec un petit score ou quoi, on est en quarts ». C’est le principal, en effet. La petite phrase a été coupée au montage avant de mettre en ligne le replay de l’interview d’après-match…

Après l’Accor Arena, Redouane Bougheraba fonce vers l’Orange Vélodrome

Interview – Des surprises en pagaille, notamment la présence sur scène du combattant Cédric Doumbé. Redouane Bougheraba esr l’humoriste numéro 1 en France actuellement. Il vient de remplir mercredi et jeudi l’Accor Arena, avec un spectacle rebaptisé « On m’appelle Bercy ».

Plus de 1,4 millions d’abonnés sur Instagram, des vidéos qui totalisent plusieurs millions de vues, des salles pleines… Un engouement rare pour un artiste français. Pour Entrevue, le Marseillais revendiqué se livre, quelques minutes après être sorti de scène. À retrouver en intégralité dans le nouveau numéro d’Entrevue, actuellement en vente.

Thibaud Vézirian : Redouane, tu seras le samedi 22 juin au milieu de l’Orange Vélodrome, pour une représentation unique de ton spectacle. Un rêve de gosse ?

Redouane Bougheraba : C’est exceptionnel ! À Marseille, ma ville, réunir tous ces gens… J’ai fait une réunion aujourd’hui avec la production, on a 27 000 billets vendus. On devrait être à plus de 30 000 quand le magazine va sortir. Et on table sur 40 à 50 000 spectateurs. Je pensais pouvoir faire venir tous ces gens en deux ou trois ans de spectacle mais pas en un soir.

Beaucoup t’ont déjà vu en tournée, sachant qu’avant l’Orange Vélodrome, tu auras déjà rempli l’Accor Arena (Paris) deux fois et la LDLC Arena (Lyon). Marseille sera un show unique ?

Plus de 350 000 spectateurs sont déjà venus sur la tournée. Donc oui, à Marseille, ce sera un nouveau spectacle. Il va y avoir des guests (NDLR : des invités), ça va être un événement unique et historique. Pour faire un stade, tenir les gens, il faut vraiment réaliser un spectacle visuel. Avec beaucoup d’émotions. Il y aura toute ma famille et aussi toute la famille artistique. On va faire un truc de malade ! De grande envergure. À la maison, avec des invités marseillais, voire internationaux. Je ne peux pas en dire plus mais il va y avoir de la musique aussi. On va essayer de choquer les gens ! Coachella, tu connais ? Mais à Marseille !

Thibaud Vézirian : Tu as pris une ampleur énorme sur les réseaux sociaux et dans l’univers médiatique. Sur scène, ça paraît très sportif. Tu as une préparation spécifique ? Tu as embauché un staff ? Préparateur physique, mental ? Comme un footballeur…

Redouane Bougheraba : Je reviens d’Inde, pour le tournage d’un film. J’allais tous les jours à la salle de sport. Je fais attention à la nutrition. J’ai perdu 8 kilos ! J’essaie d’arriver fit pour cet événement, comme un grand match. Je me prépare comme une finale de la Champions League ou un match de la Coupe du Monde. Je te jure, je me dis qu’il faut que je sois au top physiquement et psychologiquement. Mais ça va, j’ai plein de potes coachs, je connais plein d’anciens pros, plein de gars qui me suivent et m’envoient de la force, des conseils. L’Orange Vélodrome, c’est un gros événement, on ne va pas se rater. Tu ne peux pas arriver en surpoids. C’est une finale.

Une finale, ça se gagne…

Il faut qu’on mette l’impact physique. Après, je sais que les blagues seront là, le spectacle va être rôdé, il va être exceptionnel. Mais on ne laisse rien au hasard. On ne laisse rien passer. Je dois arriver physiquement au top.

Interview à retrouver en intégralité dans le nouveau numéro d’Entrevue, actuellement en vente.

INTERVIEW – Matthias Dandois et le BMX veulent rendre les Jeux « plus cool » !

Il mettra fin à sa carrière de légende du BMX à la fin de l’année 2024. En attendant un possible 10e titre de champion du monde, Matthias Dandois endosse la responsabilité de représenter tous les sports nouveaux aux JO de Paris. Entretien avec « monsieur l’ambassadeur », à retrouver en intégralité dans le nouveau numéro d’Entrevue, actuellement en vente.

Thibaud Vézirian : Matthias, on a besoin d’y voir plus clair. Le BMX a fait son entrée aux Jeux Olympiques en 2008 à Pékin (Chine), mais ce n’est pas au programme officiel des JO de Paris…

Matthias Dandois : Le BMX, ce sont plusieurs disciplines. Si les courses de BMX, la race, sont bien entrées aux JO 2008, ça n’a rien à voir avec le freestyle par exemple. Le BMX freestyle, il y a des sauts, des rampes… C’est arrivé à Tokyo au Japon en 2021. Le BMX flat, troisième discipline, c’est mon sport ! Il entre en sport de démonstration aux JO de Paris pour finaliser son arrivée à Los Angeles en sport officiel. À Paris, place de la Concorde, le but sera de faire mon run habituel. C’est une exhibition pour faire la meilleure présentation de notre sport, avec des tricks (des figures) que je connais par cœur. Ça va être un kif de ouf, avec zéro pression. J’ai déjà tout gagné dans mon sport.

Être ambassadeur des nouveaux sports aux JO de Paris, ça consiste en quoi ?

Il s’agit de porter la parole des disciplines alternatives, d’aller réunion de consulting avec le CIO (comité international olympique), etc. L’idée, derrière cela, c’est de faire baisser la moyenne d’âge des audiences télé. Aujourd’hui, on ne va pas se mentir, c’est entre 58 et 60 ans. Il faut aller chercher les jeunes. C’est une question de business, rendre les Jeux plus cool, améliorer les droits télé. Je représente le skate, le BMX, le break, je vais participer à la cérémonie d’ouverture et je ferai donc les démonstrations de BMX flat les 30 et 31 juillet.

Le karaté a justement disparu des sports représentés aux JO de Paris, ce n’est plus un sport  assez « cool » ?

C’est un lobbying de tous les instants. Tu ne peux pas faire entrer aux JO n’importe quel sport. Quand un sport d’une catégorie sort, il faut le remplacer par un sport de même catégorie. Le break est considéré comme un sport de combat. Ils ont donc dû faire sortir un équivalent. C’est tombé sur le karaté car cela faisait le moins d’audience. C’est qui est d’ailleurs assez bête (il sourit) car on avait un énorme espoir de médaille, avec Steven Da Costa. C’est un jeu de chaises musicales et ça ne fait pas que des heureux, c’est logique.

Interview en intégralité à retrouver dans le numéro d’Entrevue de mai 2024.