La moitié d’Alep, la grande métropole du nord de la Syrie, est désormais sous le contrôle du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et de ses alliés rebelles, selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Une offensive d’envergure, lancée à l’aube mercredi, a surpris les troupes gouvernementales et entraîné des combats parmi les plus violents dans la région depuis 2020.
Une progression rapide et meurtrière
Les forces jihadistes, épaulées par des factions rebelles pro-turques, ont avancé avec une rapidité déconcertante. Après deux attentats-suicides à la voiture piégée, les assaillants ont pris le contrôle de plusieurs quartiers d’Alep, atteignant même la citadelle historique de la ville. Au moins 277 personnes, dont 24 civils, ont péri dans les affrontements, selon l’OSDH.
Les jihadistes ont également capturé la ville stratégique de Saraqeb, au sud d’Alep, située à l’intersection de deux axes routiers majeurs reliant Damas à Alep et Lattaquié. Au total, environ 70 localités sont tombées entre leurs mains depuis mercredi, plongeant la région dans le chaos.
À Alep, l’atmosphère est à la terreur. Des habitants décrivent une ville assiégée, où les bombardements incessants et les interdictions de déplacement sèment l’angoisse. « Nous avons préparé nos sacs, mais nous ne savons pas où aller », confie une mère de famille, désemparée face à la violence des combats. Selon le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 14 000 personnes ont fui les zones touchées, un chiffre qui pourrait encore augmenter dans les jours à venir.
Faiblesses du régime et contre-offensives
Les troupes du régime de Bachar al-Assad, affaiblies par le redéploiement de milliers de combattants du Hezbollah vers le Liban, n’ont opposé qu’une faible résistance. Certaines unités se sont repliées en désordre pour éviter un encerclement total. En réponse, Damas a envoyé des renforts, notamment des unités spéciales et des combattants pro-iraniens venus de Deir Ezzor.
L’aviation russe, alliée du régime, a intensifié ses frappes contre les positions jihadistes à Alep et Idleb. La Russie appelle Damas à reprendre rapidement le contrôle de la situation, tandis que l’Iran a réitéré son soutien indéfectible au régime syrien.
Bien que la Turquie ne soit pas officiellement impliquée dans cette offensive, certaines formations rebelles proches d’Ankara participent aux combats aux côtés de HTS. La Turquie, qui critique régulièrement les frappes du régime syrien sur la région d’Idleb, semble utiliser cette crise pour maintenir la pression sur Damas. Toutefois, Ankara s’inquiète des répercussions possibles sur ses frontières, notamment d’un afflux de réfugiés.
Un fragile équilibre brisé
Cette offensive met fin à quatre années de calme relatif dans le nord-ouest de la Syrie, où une trêve, parrainée en 2020 par Moscou et Ankara, avait permis de contenir les violences. Les événements actuels soulignent les faiblesses du régime syrien et la complexité des alliances sur le terrain, dans un conflit qui, depuis 2011, a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.
Face à l’escalade, l’incertitude plane sur l’avenir d’Alep et des provinces voisines. Pour les habitants, la priorité reste la survie, alors que la guerre civile syrienne reprend de plus belle, laissant planer le spectre d’un nouveau cycle de violences.