Syrie – CNN épinglé pour avoir truqué la sortie de prison d’un tortionnaire

Entrevue 1

Encore un coup dur pour le journalisme. CNN a fait sa Une la semaine dernière avec la sortie de prison d’un homme, en Syrie, victime, selon les journalistes, du régime Assad. Incapable de marcher correctement, il sortait, selon la journaliste Clarissa Ward, de « plusieurs mois de prison » et de « plusieurs jours sans manger ni boire« .

Trouvé soudainement par CNN sous une couverture, les images ont été envoyées dans le monde entier. Même si, d’emblée, via les réseaux sociaux, nombreux sont ceux à avoir douté de la véracité de cette mise en scène. Ils ont été accusés d’abord de « complotisme ». La réalité a vite rattrapé ceux qui croyaient dur comme fer à cette (trop) belle histoire…

Le média américain faisait alors passer cet homme détenu dans une prison secrète pour une énième victime du régime Assad. Ils sont en effet des milliers dans ce cas-là. Mais pas lui. Quelle honte. Ce n’est en fait qu’une mise en scène télévisée grotesque. Après enquête, ce monsieur qui joue (mal) la comédie est un membre notoire des forces de Bachar al-Assad, il est connu pour avoir torturé ceux qui refusaient de le payer.

Clarissa Ward a osé parler de « l’un des moments les plus extraordinaires dont (elle a) été témoin » au cours de ses 20 années de reportage dans le monde entier. Elle jette désormais le discrédit sur toute la profession.

« Je suis un civil », explique l’homme soi-disant emprisonné de force et torturé par le régime. L’équipe de CNN le rassure : « Nous sommes journalistes« . Sont-ils de bonne foi ? On en vient à douter…

Entrevue 2
Capture d’écran du reportage de CNN

Les fact-chekers syriens du média Verify-Sy ont vérifié tous les éléments de ce reportage : le « civil » s’appelle en réalité Salama Mohammad Salama. Un ripou. « Connu sous le nom d’Abu Hamza« , c’est un premier lieutenant des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne, connu pour ses activités à Homs.

Les habitants du quartier d’Al-Bayyada l’ont vite identifié. Il était souvent au poste de contrôle à l’entrée ouest de la zone. Une zone où tous les abus étaient permis.

« Clarissa Ward, ce n’est pas du théâtre. Vous pouvez et devez faire mieux.« 

Certains habitants, dont Verify-Sy se fait l’écho, explique qu’il a pu être récemment incarcéré, « moins d’un mois« . Pour un litige avec un supérieur. Rien d’autre. Loin d’être un héros ou un martyr.

En croyant bien faire et susciter une vague d’émotions, CNN s’est pris les pieds dans le tapis.

Certains journalistes syriens n’en peuvent plus des mises en scène peu glorieuses pour la profession : « Parmi les milliers d’histoires réelles et vivantes en provenance de Syrie, dont des millions résonnent dans chaque quartier, nous n’avons certainement pas besoin de scènes romancées pour transmettre la vérité… Clarissa Ward, ce n’est pas du théâtre. Vous pouvez et devez faire mieux.« 

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