C’est un procès inédit qui s’ouvre aujourd’hui, mettant en cause une professeure de français accusée d’avoir harcelé trois collégiens, dont Evaëlle, une fillette de 11 ans qui s’est suicidée en juin 2019. Ce drame, survenu à Herblay dans le Val-d’Oise, a mis en lumière le rôle qu’aurait joué l’enseignante dans un climat de harcèlement scolaire. Deux élèves sont également poursuivis dans cette affaire, mais c’est la première fois qu’une professeure est jugée pour de tels faits.
Dès son entrée en 6ᵉ en septembre 2018, Evaëlle subit moqueries, insultes et humiliations quotidiennes. En février 2019, la situation s’aggrave : elle accuse un élève de l’avoir poussée sur la route alors qu’un bus arrivait, un incident confirmé par plusieurs témoins. Quelques jours plus tard, elle est violemment prise à partie dans la cour. Ses parents dénoncent un isolement progressif, aggravé par l’attitude de leur professeure, Pascale B., qui aurait tenu des propos rabaissants et l’aurait placée au fond de la classe malgré ses problèmes de vue.
Un événement particulièrement marquant est survenu dix jours après l’incident du bus : une séance de vie de classe organisée par l’enseignante sur le harcèlement. Au lieu d’un échange bienveillant, ce moment tourne à l’humiliation publique. Evaëlle, en larmes, est accablée de reproches. Plusieurs élèves décrivent une scène de véritable « acharnement ». L’un d’eux se souvient que « la professeure a demandé ce qui nous dérangeait chez Evaëlle », tandis qu’un autre évoque la fillette pleurant sous les réprimandes. Cette journée restera, selon elle, « la pire » de sa vie.
Tout au long de l’instruction, Pascale B. a nié avoir exercé une quelconque malveillance. Se décrivant comme « sévère mais juste », elle soutient que la séance s’est déroulée normalement et que les pleurs d’Evaëlle relevaient d’une simple frustration. Mais ces explications n’ont pas convaincu la juge d’instruction, qui souligne qu’il est « difficilement concevable pour une professeure expérimentée de ne pas réaliser l’impact social et émotionnel » de son attitude.
Loin d’être un cas isolé, l’enseignante est également poursuivie pour le harcèlement de deux autres élèves. L’un d’eux raconte avoir été la cible quotidienne de remarques humiliantes telles que « Tu es bête, tu es nul », ou encore « Il faut retourner en CP ». Une ancienne proviseure confirme avoir déjà observé son comportement abusif envers certains élèves.
Pour les parents d’Evaëlle, cette audience est une étape cruciale. Ils avaient porté plainte dès février 2019, alors que leur fille avait déjà été transférée dans un autre établissement. Mais le harcèlement ne s’est pas arrêté. Le 21 juin, jour de son suicide, un élève lui avait vidé son sac en pleine rue. Quelques heures plus tard, elle mettait fin à ses jours.
Depuis 2021, l’enseignante n’a plus le droit d’exercer auprès de mineurs et doit suivre un traitement psychologique. Ce procès pose une question essentielle : jusqu’où va la responsabilité des adultes dans les drames liés au harcèlement scolaire ?