Le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini a lancé mardi à Paris la concertation autour de son projet de réforme de la fonction publique, se heurtant d’emblée à la colère des syndicats. Annoncée en septembre 2023, la réforme devait initialement être présentée au Conseil des ministres en février, mais est désormais annoncée pour l’automne.
Le projet de loi vise notamment à accentuer la rémunération au mérite des fonctionnaires et faciliter les mutations d’une branche à l’autre de la fonction publique (qui en compte trois: État, collectivités, hôpitaux). «Un projet injuste qui va accroître la division entre les agents publics», s’est inquiété Solidaires fonction publique (6e syndicat) dans un communiqué. Pour la CFDT-FP (3e), «la priorité de nos collègues, c’est de maintenir leur pouvoir de vivre de leur travail, pour eux et leur famille (…). Le projet de loi ne sera socialement acceptable qu’à condition de répondre aux enjeux prioritaires pour les agents, pour les usagers et l’intérêt général du pays tout en laissant la place la plus large à la négociation collective», poursuit-elle dans un communiqué.
Le ministère de la Fonction publique tente de calmer le jeu en rappelant que le but de la réunion de mardi, qui a réuni syndicats, employeurs hospitaliers et collectivités, «est de poser sur la table tous les objets (de concertation, NDLR), sans tabou, sans dissimulation». «On anticipe des divergences de vues, d’approche, de lexique, mais il y a erreur quand les syndicats disent que cette réforme ne s’attaque à aucun problème» remonté par les fonctionnaires, ajoute le gouvernement. Dans un document présenté mardi aux syndicats et aux employeurs, le gouvernement détaille une série de mesures qu’il envisage de glisser dans sa réforme: maintien systématique de la rémunération en cas de mutation, octroi facilité d’un «emploi pérenne» aux apprentis, élargissement de la palette de sanctions face à une «insuffisance professionnelle»…
Si le fonctionnaire est «titulaire de son grade», il n’est pas pour autant «propriétaire de son emploi», insiste l’exécutif. «Je veux qu’on lève le tabou du licenciement dans la fonction publique», a claironné Stanislas Guerini dans Le Parisien, pointant une «culture de l’évitement sur ces sujets-là». Les catégories historiques de la fonction publique (A, B et C, en fonction du niveau de qualification) sont aussi sur la sellette, car jugées par le gouvernement «en décalage croissant» avec la réalité des métiers du secteur public.
Pas demandeurs de ce projet de loi, les huit syndicats représentatifs ont dénoncé dès lundi dans un communiqué commun une réforme à leurs yeux «dogmatique» et qui ne répondrait «à aucune des préoccupations exprimées par les agents publics». Cinq ans après une loi de «transformation» de la fonction publique qu’ils continuent de dénoncer, les syndicats regrettent que la préparation de la prochaine réforme se fasse sous la forme d’une simple concertation, plutôt que d’une négociation qui leur aurait donné davantage voix au chapitre.
Deuxième syndicat de fonctionnaires, la FGF-FO a ainsi refusé de participer à la réunion de mardi, son secrétaire général Christian Grolier dénonçant «un ministère qui ne veut pas négocier mais imposer son projet». L’Unsa-FP juge de son côté que «pour les agents publics, les priorités sont celles de leur pouvoir d’achat et de leurs conditions de travail. Plutôt qu’un projet de loi, c’est un engagement budgétaire qui serait nécessaire». La concertation doit se poursuivre jusqu’à l’été, avant une présentation du projet de loi à la rentrée. Selon un calendrier prévisionnel communiqué aux syndicats, deux autres réunions plénières – qui associent employeurs et représentants des agents – sont prévues au printemps, la première le 14 mai et la seconde le 20 juin.