La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, est au cœur d’une controverse depuis la diffusion d’une courte vidéo tournée à Mayotte, où elle effectuait lundi 30 décembre un déplacement aux côtés du Premier ministre François Bayrou et du ministre des Outre-mer Manuel Valls. Dans ces images relayées sur les réseaux sociaux, on la voit répondre brièvement – par un simple «OK» – aux doléances de deux enseignants en colère, avant de leur tourner le dos.
Une séquence devenue virale
Rapidement, la scène a fait le tour d’Internet. Elle montre deux professeurs qui interpellent Élisabeth Borne sur la situation difficile à Mayotte, durement touchée par le cyclone Chido au début du mois. Selon eux, des milliers de personnes vivant dans les bidonvilles ne bénéficient ni d’eau ni de nourriture, et les rares points de distribution d’aide seraient inaccessibles sans parcourir de longues distances à pied sous un soleil de plomb.
Dans la vidéo, Élisabeth Borne oppose un bref démenti – «La réalité est qu’il y a eu des distributions» – avant que les professeurs ne lui rétorquent qu’il est impossible pour les sinistrés de s’y rendre. Les enseignants l’accusent alors de se «désintéresser» de leurs difficultés.
Face aux critiques croissantes, la ministre de l’Éducation nationale a réagi dès le lendemain sur le réseau social X (ex-Twitter). Dans son message, elle dénonce la diffusion d’une «séquence tronquée» qui «ne reflète pas [ses] échanges» avec les deux enseignants. Elle affirme avoir largement débattu «avec les personnels de direction et les syndicats locaux» au sujet des défis liés à la rentrée à Mayotte, particulièrement complexe après le passage du cyclone.
«Je suis attachée au dialogue, et je suis consciente et préoccupée par la gravité de la situation», a-t-elle insisté, regrettant que la vidéo ne montre pas la totalité de leurs discussions ni les mesures envisagées pour l’archipel.
Des critiques qui persistent
Pourtant, les justifications d’Élisabeth Borne n’ont pas convaincu une partie de la classe politique ni les représentants syndicaux. Le Snes-FSU, principal syndicat des collèges et lycées, a fustigé un «mépris» et regretté que la ministre ait «tourné le dos» à la réalité de Mayotte. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a parlé d’une «image terrible», tandis qu’à droite, l’élu Les Républicains Aurélien Pradié a pointé «un mépris qui n’est pas un détail, mais le cœur d’une vision du pays».
Yann Pagan, l’un des enseignants à l’origine de la vidéo, a réitéré ses propos au micro de BFMTV : «En l’absence de réponse, Madame Borne nous a tourné le dos, c’est bien dommage. Il y a pourtant des enfants qui, depuis plus de deux semaines, doivent se débrouiller sans aucune aide gouvernementale.»
La visite d’Élisabeth Borne à Mayotte avait pourtant pour objectif de témoigner du soutien de l’État aux populations sinistrées et de vérifier la bonne mise en place des dispositifs d’urgence. Le Premier ministre François Bayrou, qui a poursuivi son déplacement à La Réunion, a également assuré que «toutes les autorités publiques se mobilisent pour que l’aide soit distribuée de la manière la plus efficace possible».
Malgré ces assurances, l’épisode a marqué les esprits et entaché ce premier déplacement de l’ancienne Première ministre en tant que cheffe de l’Éducation nationale. Pour beaucoup, il souligne à nouveau le sentiment d’abandon ressenti par de nombreux Mahorais, qui attendent des actions concrètes de l’État pour faire face aux conséquences dévastatrices du cyclone Chido.
Des explications attendues
Les habitants de Mayotte et la communauté éducative espèrent désormais que les mesures annoncées par le gouvernement se matérialiseront rapidement, en particulier dans les zones les plus touchées par la catastrophe. Les critiques se concentrent notamment sur la faiblesse logistique de la distribution alimentaire et des aides d’urgence.
De son côté, Élisabeth Borne promet de «travailler main dans la main» avec les acteurs locaux pour que la rentrée des classes ne soit pas compromise par les dégâts du cyclone. La ministre assure vouloir engager une concertation approfondie avec les personnels et les familles pour définir des actions adaptées aux réalités du terrain.
Reste à savoir si ces explications et ses futures décisions permettront d’apaiser les tensions et de lever les doutes sur l’engagement du gouvernement envers l’archipel. Pour l’heure, la polémique ne faiblit pas et illustre le défi d’équilibrer communication officielle et attentes concrètes de la population dans un contexte d’urgence humanitaire.