Réindustrialisation : la France à la peine au premier semestre 2024

23 septembre, 2024 / Entrevue

La réindustrialisation de la France, qui avait repris des couleurs ces dernières années, semble désormais marquer le pas. Selon une étude publiée par le cabinet Trendeo, les chiffres du premier semestre 2024 montrent un ralentissement significatif des ouvertures de sites industriels, tandis que les fermetures progressent.

Une hausse des fermetures d’usines

De janvier à juin 2024, Trendeo a recensé 61 annonces de fermetures d’usines ou d’ateliers de plus de 10 salariés, souvent liées à des liquidations judiciaires. Cela représente une hausse de 9 % par rapport à la même période en 2023. En parallèle, 79 ouvertures de nouveaux sites ont été comptabilisées, un recul de 4 % par rapport à l’an dernier.

Le solde net d’ouverture de sites reste positif avec 18 nouvelles usines annoncées de plus que de fermetures. Cependant, ce chiffre est en forte baisse (-30 %) par rapport à la même période en 2023, où le solde atteignait 26 unités. Cette baisse du solde net inquiète, d’autant plus que la tendance s’est aggravée durant l’été, avec 5 ouvertures pour 10 fermetures.

Les PME en difficulté

La situation des PME, qui constituent le cœur du tissu industriel français, est particulièrement préoccupante. La Cour des Comptes a récemment qualifié de « décevant » le dispositif de soutien aux petites et moyennes entreprises en difficulté. Parmi les fermetures observées cet été, plusieurs concernent des PME créées entre 2015 et 2017, au début du mouvement de réindustrialisation.

Des entreprises telles que Chamberlain en Dordogne, Kalium dans l’Indre, ou encore MC International Molds en Saône-et-Loire ont annoncé leur fermeture, mettant en lumière la fragilité persistante de ce secteur.

Délocalisations et fermetures

Le phénomène de délocalisations, qui pèse sur la réindustrialisation, reste une réalité. Par exemple, IBM a supprimé 260 postes en France dans le cadre d’une « optimisation des centres de services partagés offshore ». De son côté, Stellantis délocalisera deux lignes de production de boîtes de vitesses vers l’Inde et l’Italie. Bosch a également transféré la fabrication de directions assistées électriques de son site de Marignier en Europe de l’Est.

Malgré ce tableau morose, quelques initiatives témoignent d’une volonté de réindustrialisation. Des sites liés à la transition énergétique, notamment dans le recyclage et les énergies renouvelables, ont vu le jour au cours de l’été. À Neuf-Brisach, Constellium a inauguré une extension de son site de recyclage d’aluminium. Hermès, dans le secteur du luxe, poursuit également son expansion avec l’ouverture d’une nouvelle maroquinerie à Riom, et d’autres projets sont en cours.

Une dynamique d’emploi ralentie

La création nette d’emplois dans le secteur industriel suit la même tendance que celle des ouvertures d’usines. Avec 9 597 emplois créés entre janvier et août 2024, le solde est le plus faible observé depuis 2020. À titre de comparaison, 27 000 emplois avaient été créés en 2022. Certains secteurs, comme les équipements électriques, tirent encore leur épingle du jeu, notamment grâce aux projets de production de batteries. À l’inverse, l’automobile, en pleine transition vers l’électrique, reste en difficulté, avec un solde négatif de 469 emplois au premier semestre.

Paradoxalement, les investissements industriels ont atteint des niveaux records en 2024. Trendeo estime qu’environ 50 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie industrielle sur les huit premiers mois de l’année. Cela s’explique notamment par une hausse continue de l’investissement moyen par projet. Toutefois, ces investissements sont de plus en plus concentrés dans les secteurs les plus capitalistiques, comme l’énergie ou l’aérospatial.

La réindustrialisation de la France, malgré des efforts soutenus et des investissements croissants, connaît un coup d’arrêt. Si certains secteurs innovants et liés à la transition énergétique parviennent à se développer, d’autres, comme l’automobile ou les PME traditionnelles, continuent de souffrir. La tendance générale est donc préoccupante, et les acteurs du secteur appellent à un accompagnement plus fort pour soutenir la réindustrialisation dans les territoires et les filières en difficulté.