La province négligée du Baloutchistan, située dans le sud-ouest du Pakistan, est le théâtre d’une insurrection persistante depuis des années, avec une hausse significative des attaques ces dernières années. Cela souligne les défis majeurs auxquels le gouvernement d’Islamabad est confronté pour gérer les nombreuses menaces sécuritaires.
Cependant, l’enlèvement d’un train de passagers mardi a marqué la première fois que l’Armée de libération du Baloutchistan (BLA), un groupe interdit, menait une opération d’une telle envergure, selon un rapport de l’Associated Press publié jeudi. Le groupe a pris en otage des centaines de passagers à bord du « Jaffar Express » et s’est retrouvé dans un affrontement direct avec les forces de sécurité pakistanaises jusqu’à mercredi.
Abdullah Khan, un analyste indépendant basé à Islamabad, a déclaré à l’AP que cet enlèvement était l’attaque la plus grave menée par la BLA à ce jour. Il s’attend à ce que le pays soit choqué par les détails finaux, notamment le nombre de victimes, qui pourrait être élevé. Au moins 30 combattants ont été tués lors d’un premier échange de tirs autour du train après l’attaque du groupe séparatiste. Mercredi soir, les forces de sécurité avaient secouru 190 des 450 passagers initiaux du train, selon les autorités.
Qui sont les séparatistes et que revendiquent-ils ?
Le Baloutchistan est la plus grande province du Pakistan mais aussi la moins peuplée. Elle est le foyer de la minorité ethnique baloutche, qui affirme être victime de discrimination de la part du gouvernement.
Depuis le début des années 2000, les séparatistes luttent pour une plus grande autonomie, voire pour une indépendance totale vis-à-vis d’Islamabad, ainsi que pour une répartition plus équitable des ressources naturelles abondantes de la région, comme le gaz, le pétrole et les minerais.
Comparaison avec les Talibans
Au fil des années, la puissance de l’Armée de libération du Baloutchistan s’est accrue, au point que certains analystes la comparent désormais aux Talibans pakistanais en termes de menace sécuritaire.
Le groupe cible régulièrement les forces de sécurité pakistanaises et a également attaqué des civils, y compris des travailleurs chinois engagés dans des projets d’infrastructure de plusieurs milliards de dollars liés au corridor économique sino-pakistanais. La BLA a aussi mené des attaques en dehors du Baloutchistan, notamment à Karachi, la plus grande ville du pays.
Bien que le gouvernement affirme avoir considérablement réduit la violence, les attaques dans le Baloutchistan se poursuivent. D’autres groupes extrémistes sont également actifs dans la région.
Pourquoi maintenant ?
La BLA, considérée comme une organisation terroriste par le Pakistan et les États-Unis et comptant environ 3 000 combattants, a revendiqué l’attaque de mardi.
Le groupe cherche à établir un État indépendant du Baloutchistan, englobant des territoires situés au Pakistan, en Iran et en Afghanistan, où réside la communauté baloutche.
Islamabad accuse l’Inde, son rival nucléaire, de soutenir la BLA, une affirmation que New Delhi dément. Le gouvernement pakistanais prétend également qu’il existe une certaine coopération entre la BLA et les Talibans pakistanais, le principal groupe armé du pays.
Selon les analystes, la BLA est devenue plus audacieuse depuis que les Talibans pakistanais ont rompu leur cessez-le-feu avec le gouvernement en novembre 2022, ce qui a conduit à une recrudescence des attaques armées à travers le pays.
Une situation géopolitique tendue
Outre sa rivalité avec l’Inde, le Pakistan entretient également une relation tendue avec son voisin iranien, ce qui aggrave l’insécurité au Baloutchistan.
Les deux pays partagent une frontière de 900 km, largement incontrôlée, facilitant les mouvements des contrebandiers et des groupes armés.
Chacun accuse l’autre d’abriter ou de tolérer des groupes rebelles. Abdullah Khan souligne également l’impact économique de ces troubles, avertissant que cette instabilité nuit aux investissements étrangers.
« Qui viendra investir au Pakistan si nous continuons à voir de telles attaques ? », s’interroge-t-il.
L’initiative chinoise des « Nouvelles Routes de la Soie » a injecté des milliards de dollars au Pakistan, mais cela a également accru le sentiment d’isolement de la communauté baloutche, qui accuse Islamabad d’exploiter les ressources de leur région tout en négligeant la population locale.
Cependant, Syed Mohammad Ali, un expert en sécurité pakistanais, estime que bien que l’attaque du train ait permis à la BLA d’attirer l’attention du public et des médias, les pertes civiles potentielles pourraient, à terme, affaiblir son soutien local.
