Que disent les experts sur les rêves ?

Entrevue 1

Depuis longtemps, l’homme cherche à comprendre les rêves, et les chercheurs, notamment les médecins, se sont également intéressés à ce phénomène énigmatique. Les psychologues ont exploré les mécanismes sous-jacents des rêves, mais leur focus s’est récemment tourné vers les significations et les mystères qu’ils pourraient dissimuler.
Le Dr Antonio Zadra, chercheur en sommeil et rêves à l’Université de Montréal, déclare dans une interview au Washington Post : « C’est étrange et fascinant d’explorer ces mondes virtuels où l’on rencontre des personnes, interagit avec elles et éprouve une gamme d’émotions. »
Alors, que révèlent réellement ces rêves ?
À la fin du XIXe siècle, les scientifiques ont commencé à explorer les origines neurologiques des rêves durant le sommeil. En 1893, la psychologue Mary Calkins a mené une étude en observant les rêves des participants toute la nuit, enregistrant leurs récits. Elle a été la première à mesurer les éléments et le timing des rêves.
Elle a constaté que les rêves suivent généralement le rythme de la réalité du rêveur. Par exemple, si une personne rêve de sa maison d’enfance ou d’une personne qu’elle n’a pas vue depuis longtemps, son âge dans le rêve correspond à l’âge réel qu’elle a dans la vie éveillée, ce qui prouve que les rêves sont connectés à notre quotidien.
Le sommeil paradoxal et les rêves
L’intérêt pour les rêves s’est accru avec la découverte du sommeil paradoxal (REM), une phase où les rêves sont les plus intenses. Il a été constaté que les gens se souviennent souvent de leurs rêves avec une grande précision s’ils se réveillent pendant cette phase. Le sommeil paradoxal se caractérise par une activité cérébrale élevée, une respiration accélérée, un cœur battant plus vite et des mouvements oculaires rapides sous les paupières fermées. Cette phase serait essentielle pour la mémoire et l’apprentissage. Certaines études ont montré que les rêves peuvent se produire à d’autres moments du sommeil, et des personnes ayant des lésions cérébrales qui affectent la phase REM ou prenant des médicaments perturbant cette phase peuvent également avoir des rêves. Cependant, il n’existe pas encore de marqueur biologique précis pour identifier le moment où les rêves se manifestent.
Le réseau du mode par défaut
Récemment, les chercheurs se sont intéressés au « réseau du mode par défaut » (DMN), suggérant que son activité pourrait être similaire à celle des rêves. Ce réseau inclut des zones du cerveau particulièrement actives lorsque nous sommes mentalement détendus, c’est-à-dire lorsque notre attention n’est pas centrée sur des stimuli externes. Il est particulièrement actif lors de rêveries, de réflexions sur le passé ou l’avenir, ou encore lors de pensées concernant l’opinion des autres.
Une fonction adaptative
Une théorie ancienne soutient que les rêves simuleraient des situations menaçant la sécurité, permettant ainsi à l’individu de se préparer à d’éventuels dangers. Cependant, le Dr Zadra affirme que de nombreux rêves ne sont pas liés à de telles menaces. Il estime que les rêves aident à traiter nos expériences passées et à les connecter à nos vécus présents. Ce processus, qu’il décrit comme une forme de réflexion, est facilité par le réseau du mode par défaut. Selon lui, au réveil, nous intégrons des éléments de ces rêves, enrichissant ainsi notre compréhension de nous-mêmes et du monde, bien que de manière parfois déconnectée et étrange. Ce mécanisme nous aide à anticiper et à nous adapter aux événements à venir.
Un traitement émotionnel
Une autre théorie propose que les rêves jouent un rôle dans la régulation et le traitement de nos émotions. Sarah Mednick, chercheuse en cognition à l’Université de Californie à Irvine, explique que les rêves créent un « espace sûr » où des expériences émotionnellement intenses peuvent être vécues et où différentes réponses peuvent être explorées. Bien que les émotions dans les rêves soient fortes, il existe également une forme de relaxation qui en découle. Dans une étude, le Dr Mednick a observé que les rêves aident les personnes ayant traversé des événements émotionnellement difficiles à alléger leurs émotions liées à ces événements. Elle ajoute : « En rêvant d’un événement, vous en conserverez un souvenir détaillé, mais avec le temps, vous ressentirez moins d’intensité émotionnelle en y repensant. » Elle voit ainsi les rêves comme une forme de thérapie nocturne.
Comment se souvenir de ses rêves ?
Il est courant que certaines personnes ne se souviennent pas de leurs rêves, bien que des études montrent que celles qui se réveillent fréquemment durant la nuit se rappellent davantage de leurs rêves. Il semble aussi que l’attention portée aux rêves influe sur leur mémorisation, tout comme le fait de se réveiller naturellement, sans alarme.
Le Dr Jing Chang, chercheur en cognition à l’Université de Harvard, explique que « se réveiller spontanément augmente les chances de se souvenir des rêves », car cela se produit souvent pendant le sommeil paradoxal. Il conseille de noter immédiatement les rêves après leur réveil, ce qui améliore leur mémorisation.
Santé mentale
Une autre explication suggère que les rêves pourraient donner un aperçu de la santé mentale. Le Dr Zadra précise que les personnes sous pression ou souffrant d’anxiété ont « plus de rêves négatifs et d’interactions agressives », mais que le contenu de ces rêves évolue à mesure que leur état mental s’améliore.
Le Dr Chang, qui étudie l’impact des rêves chez les patients ayant des troubles psychologiques, remarque que ceux souffrant de dépression, d’anxiété ou de stress post-traumatique rapportent des rêves différents, souvent plus intenses.
Il précise que les personnes ayant des symptômes de stress post-traumatique, qui font souvent des cauchemars, présentent des symptômes plus graves, ce qui montre que leur système psychologique ne réagit pas correctement. Cela peut être un signe que le patient a besoin de soins, et le Dr Zadra considère que cela représente une opportunité pour chercher un traitement, des médicaments ou un soutien.

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