L’Algérie a convoqué l’ambassadeur de France, Stéphane Romatet, pour accuser la France de manœuvres visant à « déstabiliser » le pays, évoquant des complots imaginaires et des interventions supposées des services français. Cette nouvelle mise en scène diplomatique intervient alors que le régime de Tebboune fait face à de multiples crises internes et redouble de répression contre les voix dissidentes. Symbole de cette dérive autoritaire, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, connu pour ses critiques envers le pouvoir, croupit depuis novembre en détention, accusé de « haute trahison » pour des déclarations jugées hostiles. En multipliant les accusations contre Paris et en s’attaquant à la liberté d’expression, Alger cherche avant tout à masquer son incapacité à répondre aux aspirations démocratiques de son peuple et à détourner l’attention de ses propres échecs.
La tension entre Alger et Paris atteint un nouveau sommet après la convocation, la semaine passée, de l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, par le ministère algérien des Affaires étrangères. L’Algérie accuse la France d’être à l’origine de prétendues « manœuvres agressives » orchestrées par ses services de renseignement pour déstabiliser le pays. Une rhétorique qui s’inscrit dans un contexte de crispation permanente entre les deux pays, mais qui interroge sur les réels motifs de cette offensive verbale.
Un discours belliqueux pour masquer les failles internes
D’après les médias algériens, parmi lesquels le quotidien gouvernemental El Moudjahid, l’Algérie accuse la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française de « recruter d’anciens terroristes » pour fomenter un complot contre les institutions de l’État. Ces accusations s’appuieraient sur un documentaire diffusé récemment par la télévision publique algérienne, affirmant que les services de sécurité locaux auraient « brillamment déjoué un plan machiavélique ».
Ces allégations surviennent alors que le régime algérien fait face à des crises politiques et économiques croissantes, aggravées par une contestation populaire réprimée depuis plusieurs années. En s’attaquant à la France, Alger cherche visiblement à détourner l’attention de ses échecs domestiques.
L’Algérie reproche également à Paris de permettre à des opposants politiques, qualifiés de « terroristes » par le pouvoir algérien, de se réunir dans des locaux consulaires français. Ces accusations concernent notamment le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et Rachad, deux organisations régulièrement diabolisées par Alger pour leur critique du régime. Pourtant, aucune preuve tangible n’a été apportée pour étayer ces affirmations.
Cette stratégie d’intimidation diplomatique rappelle d’autres épisodes récents : l’arrestation arbitraire de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien connu pour ses critiques du régime, illustre la répression féroce menée contre toute voix dissidente. Accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale, il est détenu depuis novembre dans des conditions opaques, alors que le gouvernement algérien tente de minimiser l’affaire en qualifiant l’auteur de « pantin du révisionnisme anti-algérien ».
L’hypocrisie criante des élites algériennes
Un nouvel élément illustre la dissonance entre les discours officiels et les pratiques personnelles des dirigeants algériens. Le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, nommé il y a quelques semaines, est l’un des tenants les plus virulents du discours anti-France entretenu par Alger. Il s’est récemment illustré en soutenant la demande d’arrestation de Boualem Sansal, qualifié de « pantin du lobby anti-algérien » par l’agence de presse nationale, sous son contrôle.
Pourtant, derrière ce patriotisme de façade se cache une réalité embarrassante : Entrevue révélait il y a un mois que les deux enfants de Mohamed Meziane sont inscrits dans des universités publiques parisiennes. Ce paradoxe soulève une question légitime : comment un responsable politique peut-il dénoncer un État tout en bénéficiant de ses infrastructures, notamment un système éducatif qu’il critique indirectement en évitant celui de son propre pays ?
La scolarité des enfants de Meziane en France est un symbole révélateur du double discours du régime algérien. Alors que les autorités prônent la souveraineté et l’autosuffisance, elles continuent d’envoyer leur progéniture dans des institutions étrangères, illustrant une méfiance flagrante envers leur propre système éducatif. Ce double standard ne fait que creuser le fossé entre les dirigeants et une population lassée de ce genre de contradictions.
Un régime discrédité et à la dérive
Cinq ans après le mouvement du Hirak, qui a ébranlé l’Algérie avec des manifestations massives contre le prolongement du mandat de Bouteflika, le pays subit toujours une forte répression des dissidents. Actuellement, le président Abdelmadjid Tebboune, reniant ses promesses antérieures, vise un second mandat, exacerbant les tensions internes. Ce retour sur la scène électorale intervient alors que le bilan de son premier mandat est marqué par une gestion controversée des libertés civiles et une diplomatie erratique, critiquée tant sur la scène internationale que parmi ses citoyens.
Le Hirak, qui avait suscité un immense espoir en 2019, a été réprimé avec une brutalité croissante. Amnesty International a dénoncé l’intensification des arrestations arbitraires et des restrictions sur les libertés publiques, signalant une Algérie en retrait par rapport aux aspirations démocratiques exprimées par son peuple.
Par ailleurs, la gouvernance de Tebboune est entachée par des échecs sur plusieurs fronts. Sur le plan diplomatique, ses maladresses, notamment avec la France, reflètent une incapacité à stabiliser les relations extérieures. À l’intérieur, la confiance dans le système politique s’effrite : l’abstention massive lors des élections témoigne d’une désillusion croissante face à un processus perçu comme biaisé.
Cette gestion catastrophique ne se limite pas au domaine politique. Alors que Tebboune vante ses réformes économiques, les inégalités persistent, et les élites algériennes continuent de préférer l’étranger, comme en témoigne le cas de Mohamed Meziane. Cette contradiction entre discours nationaliste et dépendance aux infrastructures étrangères reflète une hypocrisie systémique.
En définitive, les récents événements illustrent un régime algérien qui, cinq ans après le Hirak, reste prisonnier d’un autoritarisme stagnant. Entre promesses non tenues, répression accrue et une diplomatie erratique, l’avenir de l’Algérie semble de plus en plus incertain. Depuis près de deux décennies, les désillusions s’accumulent parmi les citoyens, et le pays continue de s’enliser dans des contradictions internes qui menacent sa stabilité. Face à ces défis, la véritable question reste : combien de temps le régime pourra-t-il maintenir cette façade alors que les fissures se multiplient ?