Alors que le Parti socialiste prépare son prochain congrès prévu d’ici la fin du premier semestre 2025, la rivalité entre Olivier Faure, premier secrétaire en exercice, et François Hollande, ancien président de la République, s’intensifie. Ce duel oppose deux visions stratégiques et deux héritages politiques qui structurent les débats internes d’un PS en quête de positionnement pour la présidentielle de 2027.
Ligne Faure contre ligne Hollande : une fracture idéologique
Le face-à-face entre les deux hommes ne date pas d’hier. Olivier Faure, collaborateur de François Hollande au début des années 2000, puis directeur adjoint de son cabinet lorsqu’il était premier secrétaire du PS, a progressivement pris ses distances avec son mentor. Devenu premier secrétaire en 2018 après la débâcle présidentielle de 2017, Faure a voulu rompre avec l’héritage hollandiste en faisant l’« inventaire » d’un quinquennat jugé décevant par une large partie des militants. Mais aujourd’hui, François Hollande est bien décidé à reprendre la main sur ce parti qu’il a dirigé et façonné pendant des années.
Le dernier affrontement en date porte sur la stratégie face au gouvernement Bayrou. Alors qu’Olivier Faure a soutenu une motion de censure déposée par le PS après les propos du Premier ministre sur l’immigration, François Hollande s’est opposé à cette démarche. L’ancien chef de l’État, hostile à toute manœuvre pouvant être soutenue par le Rassemblement national, a plaidé pour une position plus modérée, jugeant qu’il serait « irresponsable » de faire tomber le gouvernement dans le contexte actuel. Faure, lui, a maintenu sa ligne offensive : « Si le gouvernement tombe, ça ne sera pas un malheur », a-t-il déclaré, soulignant la volonté de défendre les « valeurs » du parti face à une droite qu’il accuse de dérives identitaires.
Depuis son retour à la vie politique en 2024 avec son élection en tant que député de Corrèze, François Hollande a intensifié ses critiques à l’égard de l’alliance nouée par Faure avec La France insoumise (LFI) via la Nupes puis le NFP. Opposé à cette coalition qu’il juge toxique pour le PS, Hollande milite pour un repositionnement du parti au centre de la gauche, loin des discours plus radicaux de Jean-Luc Mélenchon. En coulisses, il fédère les députés socialistes hostiles à Faure et joue de son influence auprès des cadres du parti. « Quand il parle, c’est construit, ça pèse », reconnaît un député proche de ses idées, soulignant que le centre de gravité du groupe parlementaire a évolué.
Hollande ne cache pas son ambition : pousser un changement de leadership lors du congrès. Bien qu’il n’ait pas encore déclaré de candidature officielle, son appel à remplacer Faure est explicite. Il mise sur une dynamique interne favorable, notamment parmi les élus de terrain et les figures historiques du parti, pour faire émerger une alternative à l’actuel premier secrétaire.
Conscient des menaces qui pèsent sur sa réélection, Olivier Faure tente de rassurer les différents courants du parti. Après avoir assumé un virage plus modéré ces derniers mois, notamment en refusant de voter la censure des Insoumis sur le budget, il sait que cette stratégie a déstabilisé les militants les plus à gauche. Mais il espère que son approche de « radical-réformiste », selon les mots de Chloé Ridel, porte-parole du PS, suffira à rassembler une majorité.
Faure défend l’idée d’une gauche démocrate, en opposition aux tendances autoritaires et populistes qu’il attribue à certains courants de LFI. Il se montre également ouvert à des débats sur des questions sensibles, comme le droit du sol, sur lequel il s’est récemment positionné contre une restriction, en réponse aux propositions du ministre de la Justice, Gérald Darmanin. « On ne peut pas fuir ces débats », a-t-il martelé, estimant que la gauche doit s’imposer face à la droite et à l’extrême droite sur les enjeux identitaires.
Un congrès décisif pour 2027
Au-delà des querelles de personnes, c’est la stratégie du PS pour 2027 qui est en jeu. Faure prône la continuité de l’alliance avec les autres forces de gauche, malgré les divergences avec LFI, tandis que Hollande plaide pour une rupture nette et une candidature socialiste autonome. Ce congrès pourrait être l’occasion de clarifier les lignes de fracture : faut-il rester dans l’ombre de Mélenchon ou tenter de redevenir une force centrale de la gauche réformiste ?
Les soutiens de Hollande, de plus en plus nombreux, jugent que Faure s’est « cramé » en tentant de ménager les Insoumis. Certains cadres, agacés par le retour de l’ancien président, pointent cependant son « cynisme » et son opportunisme, rappelant qu’il a lui-même contribué à la chute du PS lors de son quinquennat. « Le meilleur ami de Mélenchon, c’est Hollande », ironise une élue européenne, convaincue que le parti doit tourner la page de ces figures du passé.
Mais François Hollande n’entend pas rester en retrait. Son objectif est clair : s’imposer comme le chef d’orchestre de la gauche pour 2027. Que ce soit lui ou un candidat de son choix, il veut s’assurer que la ligne hollandiste reprenne le contrôle d’un PS qu’il considère encore comme son héritage. Faure, quant à lui, mise sur la capacité des militants à préférer un renouvellement de la gauche plutôt qu’un retour en arrière. Mais à l’approche du congrès, une chose est sûre : la bataille pour le leadership ne fait que commencer.